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La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Grèce pour avoir mené des expulsions systématiques de demandeurs d’asile, ordonnant au pays de verser des indemnités à une femme qui avait été expulsée de force vers la Turquie malgré ses tentatives de recherche de protection.
Un jugement historique
Dans un jugement qualifié de potentiellement novateur, le tribunal basé à Strasbourg a accordé à la plaignante des dommages et intérêts de 20 000 euros, mettant en lumière des preuves que l’État membre de l’UE pratiquait des expulsions illicites au moment où elle a été évacuée.
La décision a souligné qu’il existait de fortes indications que, au moment des événements allégués, une pratique systématique de « pushbacks » de ressortissants de pays tiers par les autorités grecques avait eu lieu, en particulier dans la région frontalière de l’Evros.
Réactions des défenseurs des droits humains
Ce jugement marque la première fois que la Grèce est publiquement condamnée pour une politique qu’elle a longtemps niée. Des défenseurs des droits humains ont exprimé leur joie face à cette décision historique. Le Conseil grec pour les réfugiés (GCR), qui a soutenu le cas et représenté légalement la plaignante, a qualifié le jugement de « décision marquante ».
La femme, identifiée par ses initiales ARE dans les documents judiciaires, avait déposé sa plainte devant le tribunal en 2021, près de deux ans après son expulsion en mai 2019. Une première tentative d’examen de sa plainte en Grèce avait été rejetée par un procureur de la cour d’appel dans la région de Thrace, affirmant que la police grecque n’avait « jamais » engagé de telles pratiques.
Les circonstances de l’expulsion
Des juristes internationaux ont accepté l’allégation selon laquelle la réfugiée, fuyant une persécution politique en tant que membre condamné du mouvement Gülen, avait non seulement été expulsée de force mais également détenue illégalement avant sa déportation. L’expulsion avait été effectuée sous le couvert de la nuit, avec l’application de la force par des commandos masqués, qui l’avaient contrainte, elle et d’autres demandeurs d’asile, à monter sur une embarcation gonflable pour retourner en Turquie.
Violation des droits humains
En invoquant les articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdisent la torture et les traitements inhumains et dégradants, le jugement a conclu que les autorités grecques avaient agi en violation claire de ces droits. La plaignante avait réussi à télécharger une vidéo prouvant sa présence en Grèce, ce qui a été pris en compte par les juges comme une preuve concrète de son arrivée dans le pays.
Son expulsion a entraîné son arrestation et son emprisonnement par les autorités turques, accusée d’appartenance à une « organisation terroriste » liée à Fethullah Gülen. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a accusé Gülen d’avoir orchestré une tentative de coup d’État en 2016.
Appels à la cessation des pratiques illégales
Marina Papamina, coordinatrice de l’unité juridique du GCR et avocate de la plaignante, a déclaré que la reconnaissance par le tribunal de cette pratique illégale constitue « une vindication pour les milliers de victimes qui ont dénoncé les pushbacks aux frontières gréco-turques ». Elle a insisté sur le fait que « les autorités grecques doivent mettre fin à cette pratique illégale ».
Réaction du gouvernement grec
Le gouvernement de centre-droit du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, sous le mandat duquel ces expulsions auraient proliféré, soutient qu’il suit une politique migratoire « stricte mais juste ». Comme les administrations précédentes, les responsables grecs ont vigoureusement nié les allégations, soutenus par des agences de sécurité, y compris la garde côtière hellénique, dans ce que les travailleurs de la solidarité avec les migrants qualifient de vaste complot de silence.
Alors que les conflits régionaux et l’urgence climatique devraient entraîner un afflux de migrants vers l’Europe, les défenseurs des droits humains estiment que cette décision envoie un message très positif. Des groupes de défense des droits humains ont salué le jugement pour avoir enfin exposé une pratique si répandue qu’Amnesty International l’avait qualifiée de « politique frontalière de facto » en 2021.
Un précédent juridique
Avec de nombreux cas similaires devant la Cour européenne, Lefteris Papagiannakis, le directeur du Conseil grec pour les réfugiés, a déclaré que cette décision serait déterminante. « C’est d’une importance énorme, » a-t-il affirmé. « Cela établit un précédent et sera un cas pilote pour tous les cas pendants devant la Cour européenne impliquant des allégations de pushbacks contre la Grèce. »