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En Zambie, des chimpanzés se décorent avec des brindilles, un rituel social qui soulève des questions fascinantes sur l’origine des traditions culturelles chez les primates, y compris chez les humains.
Un comportement surprenant observé
Dans un sanctuaire pour chimpanzés en Zambie, une équipe de chercheurs a documenté un comportement particulier : les chimpanzés placent des brins d’herbe ou des petits bâtons dans leurs oreilles ou dans l’anus pour se «décorer». Ce comportement, observé chez différents membres du groupe, ouvre de nouvelles perspectives sur l’évolution des pratiques culturelles chez les primates non humains. Les résultats de cette recherche sont publiés dans la revue Behaviour, après une année d’observation de 147 chimpanzés répartis en 8 groupes sociaux.
Une tradition qui perdure
Étonnamment, ce comportement n’est pas nouveau. En 2010, les chercheurs avaient déjà noté une tendance similaire dans un autre groupe de chimpanzés. «Julie, la femelle dominante de l’époque, avait commencé à se mettre des brins d’herbe dans l’oreille, et les autres l’avaient imité», explique Emile Bryon, chercheur à l’Université de Utrecht (Pays-Bas) spécialisé en comportement animal et cognition. Quinze ans plus tard, un comportement similaire est apparu dans un groupe sans lien avec le précédent, toujours initié par un chimpanzé dominant. En quelques jours, cette nouvelle tendance a été adoptée par la majorité du groupe, sans que l’âge ou le sexe des animaux ne semblent influencer cet apprentissage.
Des gestes sans fonction apparente
Les chercheurs se sont interrogés sur la raison de ce comportement. Pour évaluer s’il était lié à un besoin de soulagement de démangeaisons causées par des infections ou des parasites, des analyses vétérinaires ont été réalisées, mais aucune anomalie n’a été trouvée. L’hypothèse d’une imitation des humains a également été écartée, car les soigneurs du deuxième groupe ont affirmé qu’ils n’avaient jamais réalisé de telles actions.
Un phénomène social fascinant
Ce phénomène pourrait être comparé aux comportements de toilettage, qui sont spécifiques à chaque groupe de chimpanzés et n’ont pas de bénéfice direct. «Imiter un chimpanzé dominant peut renforcer le sentiment d’appartenance au groupe», avance Bryon. Les jeunes chimpanzés, quant à eux, tentent de reproduire ces gestes, souvent avec maladresse, ce qui montre une dynamique d’apprentissage et de socialisation au sein du groupe.
Les chimpanzés passent ainsi plusieurs heures avec des brindilles coincées dans les oreilles ou dans l’anus, témoignant de comportements similaires aux modes vestimentaires humaines. Ces observations enrichissent notre compréhension de l’évolution des pratiques culturelles chez les primates non humains.
Implications pour l’étude des traditions
Ces ornements, dépourvus de fonction apparente, rappellent que, chez les chimpanzés comme chez les humains, certains comportements peuvent émerger principalement comme marqueurs sociaux. Imitation, appartenance au groupe et distinction culturelle sont des éléments clés qui façonnent les traditions, même les plus surprenantes.
