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Les Opérations Américaines et la Possible Ouverture sur la Syrie
Depuis que l’administration du président américain Donald Trump a pris les rênes il y a quelques mois, le dossier syrien est resté figé. Cependant, le Département d’État américain a récemment dévoilé ses conditions pour s’ouvrir à un nouveau gouvernement syrien dirigé par le président intérimaire Ahmed Al-Charaa. Malgré une réponse syrienne et des rencontres, notamment celle du ministre des Affaires étrangères Asaad Chaibani à New York, aucun progrès concret n’a encore été enregistré. Néanmoins, ces échanges traduisent un changement notable dans la trajectoire des relations entre les deux pays.
Dans une démarche qui illustre un regain d’intérêt de l’administration américaine pour la Syrie, Donald Trump a déclaré, le 5 mai, avoir abordé « tout ce qui concerne la Syrie » lors d’un appel téléphonique avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Selon un communiqué de la présidence turque, Ankara a réaffirmé ses efforts pour préserver l’unité territoriale syrienne et instaurer la stabilité, saluant par ailleurs la volonté américaine d’alléger les sanctions contre la Syrie, ce qui contribuerait à cette phase.
Une Visite Américaine au Moyen-Orient Qui Pourrait Marquer un Tournant
La visite attendue du président Trump au Moyen-Orient, qui inclura l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis et s’inscrit dans un rapprochement avec la Turquie, ainsi que son soutien affiché à son rôle en Syrie, pourrait constituer un moment clé dans la gestion du dossier syrien. Ce dernier pourrait connaître une percée pendant ou après cette tournée.
Trump a confirmé qu’une annonce majeure précéderait sa visite au Moyen-Orient.
« Tout ce qui concerne la Syrie »
Les alliés régionaux des États-Unis, notamment l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, réclament la levée des sanctions contre la Syrie pour favoriser la transition politique, consolider la sécurité et la stabilité, et reconstruire les infrastructures détruites par la guerre. Ces demandes influencent la vision de Trump sur la gestion du dossier syrien, même si elles s’opposent parfois à la position israélienne.
Sur la plateforme Truth Social, le président américain a évoqué un appel téléphonique « extrêmement productif » avec Erdogan, abordant plusieurs sujets dont la guerre en Russie et en Ukraine, la Syrie, Gaza, et d’autres dossiers.
Le politologue et activiste syrien Ayman Abdel Nour, basé aux États-Unis, a indiqué sur Twitter que pour la première fois, la Maison Blanche a accepté d’inscrire officiellement le dossier syrien à l’ordre du jour des discussions entre les équipes de Trump et leurs homologues saoudiens au Conseil de sécurité nationale.
Avant son déplacement en Arabie saoudite, Trump a discuté avec Erdogan pour maîtriser tous les aspects du dossier syrien et les positions des États concernés.
Dans une déclaration au Bureau ovale le 6 mai, Trump a annoncé la préparation d’« une déclaration importante » avant sa visite, probablement annoncée à la fin de la semaine ou au début de la suivante. Il a précisé que cette annonce ne concerne pas le commerce, mais qu’elle sera « un développement positif et réellement étonnant pour ce pays et son peuple », sans plus de détails.
« J’ai reçu la confirmation pour la première fois que la Maison Blanche a accepté d’inscrire le dossier syrien à la discussion officielle entre les parties concernées (à commencer par l’équipe du Conseil de sécurité nationale) de l’administration Trump et leurs homologues saoudiens concernant la Syrie. »
— Ayman Abdel Nour (@aabnour) 5 mai 2025
Un Possible Tournant lors de la Visite de Trump
Le chercheur et homme politique syrien résident aux États-Unis, Wael Mirza, estime que la Turquie évite de répondre aux attaques israéliennes en Syrie, notamment celles ciblant des bases où l’armée turque envisage de déployer des forces dans le cadre d’un accord de défense imminent avec Damas, car elle a reçu des promesses de Washington concernant une avancée sur le dossier syrien lors de la visite de Trump.
Les raids israéliens contre la Syrie se sont intensifiés depuis la chute du régime Assad fin 2024, culminant avec des frappes dans la périphérie de Damas et autour de la province de Soueïda, ainsi que des livraisons d’armes à des groupes druzes armés. Une attaque a même visé les abords du palais présidentiel à Damas.
Dans un article publié sur Facebook, Mirza évoque la « préparation opérationnelle de la Turquie à une confrontation initiale avec Israël en Syrie », une information communiquée aux Américains, Européens et Arabes concernés. Il précise que « la seule raison qui empêche cette préparation de passer à l’acte est la promesse de Washington d’une percée lors de la visite de Trump en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats ».
Mirza souligne également la montée en puissance de ce qu’il qualifie de « folie » du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, motivée par les perspectives d’une avancée majeure lors de la tournée de Trump dans ces pays.
Selon lui, les attaques israéliennes visent surtout à menacer et à épuiser moralement les Syriens et leur gouvernement, répétant leurs actions dès qu’Israël perçoit que les arrangements régionaux et internationaux favorisent une Syrie unie. Il conclut que « personne ne se comporterait avec une telle imprudence militaire, aux lourdes implications politiques et sécuritaires régionales et mondiales, s’il était assuré des orientations actuelles ».
Par ailleurs, un rapport de presse a indiqué que Netanyahu est « frustré » par la politique de Trump au Moyen-Orient. Selon le journal israélien Israël Hayom, Netanyahu aurait confié en privé à ses collaborateurs que Trump exprime les bonnes positions, notamment concernant la Syrie et l’Iran, lors des réunions bilatérales, mais que ses actions sur le terrain ne reflètent pas ces paroles.
Les Débats au Sein de l’Administration Trump
Les experts notent une division au sein de l’administration américaine sur la manière d’aborder la nouvelle situation en Syrie. Tandis que le Conseil de sécurité nationale privilégie l’attentisme et se montre méfiant à l’égard d’Al-Charaa et de son gouvernement, en raison de son passé qualifié de terroriste par Washington, le Département d’État défend une approche proactive visant à combler le vide laissé par la chute d’Assad, afin d’empêcher le retour de l’influence russe et iranienne en Syrie.
Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a reconnu, lors d’auditions au Congrès, la nécessité pour les États-Unis de s’engager en Syrie, considérant la chute du régime précédent comme une opportunité pour les intérêts américains dans la région, tout en restant conscient du passé du nouveau gouvernement.
Le camp favorable à une non-intervention a été affaibli par le limogeage de Michael Waltz, conseiller à la sécurité nationale, et de son adjoint Alex Wong, en raison de leur incapacité à aligner les priorités présidentielles avec la sécurité nationale, selon des rapports. Une source proche du Cabinet a indiqué que Trump, qui évite les conflits, jugeait Waltz trop rigide et inefficace dans la coordination des agences en politique étrangère.
Un rapport du Soufan Center, institut américain spécialisé en sécurité et lutte contre le terrorisme, souligne que la pression monte sur Trump pour alléger les sanctions contre la Syrie, dans un contexte de débats croissants sur la politique post-Assad. Le centre met en garde contre une situation économique catastrophique aggravant des défis sécuritaires liés aux minorités, tandis que les forces de sécurité gouvernementales sont dispersées et sous-équipées.
Le rapport ajoute que les partenaires américains au Moyen-Orient et en Europe intensifient leurs efforts pour convaincre l’administration Trump que le gouvernement syrien s’effondrera sans un assouplissement plus global et durable des sanctions.
Les Efforts d’Al-Charaa pour Gagner le Soutien Américain
Selon un rapport du Wall Street Journal, Ahmed Al-Charaa a lancé une campagne discrète pour obtenir le soutien américain en vue de la reconstruction de la Syrie. Cette démarche comprend la détention de combattants étrangers, des contacts par intermédiaires avec Israël, et la proposition d’accords permettant aux entreprises pétrolières et gazières américaines d’opérer en Syrie.
Cette initiative a suivi la visite à Damas, la semaine dernière, de Jonathan Bass, un activiste républicain pro-Trump et PDG de la société américaine Argent Natural Gas basée en Louisiane. Bass a présenté une stratégie visant à développer les ressources énergétiques syriennes en partenariat avec des entreprises occidentales et une nouvelle compagnie pétrolière nationale syrienne cotée aux États-Unis.
Al-Charaa a transmis un message à la Maison Blanche via Mouaz Mustafa, président de l’Organisation syrienne d’urgence, qui l’accompagnait, sollicitant une rencontre avec Trump durant sa visite prochaine dans le Golfe.
Bass a exprimé son enthousiasme quant à l’ouverture américaine envers Al-Charaa, déclarant dans un article publié sur Fox News que « la Syrie est aujourd’hui dirigée par un véritable réformateur » et appelant les États-Unis à saisir cette opportunité historique pour implanter leurs entreprises dans un pays nécessitant une reconstruction, tout en contrecarrant l’influence grandissante de la Chine.
Il a précisé que Pékin exerce une forte pression sur les autorités syriennes pour obtenir un financement, mais que les Syriens craignent les conséquences à long terme d’une présence chinoise accrue.
La Visite d’Al-Charaa en France
Ces démarches coïncident avec la visite d’Ahmed Al-Charaa à Paris mardi dernier, où il a rencontré son homologue français Emmanuel Macron à l’Élysée, à l’invitation de ce dernier. Il s’agissait de la première visite d’Al-Charaa en Europe, une étape symbolique qui témoigne d’une ouverture occidentale relative et d’un possible assouplissement américain envers le nouveau gouvernement syrien, selon les experts.
Malgré des divergences entre les politiques européennes et américaines sur la défense, la sécurité et le commerce, cette invitation de Macron ne semble pas indépendante de l’influence américaine. Elle pourrait annoncer une nouvelle ère dans l’approche de Washington vis-à-vis de la Syrie.
Le politicien et chercheur syrien Wael Mirza estime que Macron anticipe la visite de Trump en région et cherche à positionner la France comme pionnière dans la réintégration de la Syrie sur la scène internationale à travers Paris.
Il ajoute : « Ceux qui étudient la pensée politique du président français savent qu’il est attentif à lire les vents des tendances stratégiques mondiales via ses nombreuses sources, notamment américaines, et qu’il ajuste ensuite la direction stratégique de la France en fonction de ces vents ».
Le président syrien assiste à la signature d’un accord entre l’autorité portuaire et une entreprise française pour l’exploitation du terminal à conteneurs de Lattaquié.