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Les villages étudiants israéliens sont des regroupements de jeunes — souvent des personnes dans la vingtaine, dont d’anciens soldats et des diplômés du service national — qui combinent études académiques et engagement communautaire. Ils offrent un logement à faible coût, des bourses et l’occasion de s’impliquer localement : en échange de volontariat, les étudiants deviennent parties prenantes du tissu social et, fréquemment, s’installent durablement après leurs études.
Naissance et expansion
Le concept de villages étudiants a émergé au début du XXIe siècle en Israël et s’est rapidement enraciné au sein du mouvement communautaire des implantations. L’initiative a commencé modestement — deux caravanes dans le kibboutz d’Ashalim — puis s’est organisée autour de structures associatives.
En 2002, les anciens soldats Dani Glicksberg et Matan Dahan ont fondé l’association Ayalim, qui est devenue la première structure de ce type. Deux décennies plus tard, l’association supervisait plus de 20 villages et rassemblait environ 1 200 étudiants volontaires, dont près de 46 % resteraient s’installer dans ces régions après la fin de leurs études.
Ces villages se sont multipliés dans des kibboutzim, des moshavim, des villes et des conseils locaux, touchant des zones variées comme le Néguev, le Galil et des localités autour de Lod.
Un outil d’implantation
Officiellement présentés comme des programmes éducatifs et sociaux, ces villages servent aussi d’instrument pour consolider la présence israélienne dans les territoires occupés. Ils attirent des publics ciblés — notamment des diplômés d’écoles religieuses et des jeunes universitaires — en leur offrant hébergement, aides et possibilités d’emploi au sein des communautés.
Bien que souvent qualifiés de « temporaires », beaucoup de ces établissements évoluent rapidement en noyaux d’implantation permanents, dotés d’infrastructures, de services et même d’unités de protection.
Financement et soutien institutionnel
Le projet a bénéficié d’un important soutien gouvernemental et institutionnel. Les villages ont été classés par la Knesset comme « regroupements frontaliers » pour des motifs de sécurité, couvrant plus de 60 sites allant de la vallée du Jourdain à la bande de Gaza et au Néguev.
- En 2023, l’État a alloué environ 74 millions de shekels pour soutenir ces structures.
- Des ministères (Éducation, Agriculture), des autorités locales et des organismes comme la Loterie nationale et le Fonds national juif participent également au financement.
Des organisations sionistes promeuvent ces villages comme « une opportunité de concilier études et vie sioniste », visant à former une génération engagée dans un projet d’implantation à long terme.
Rôles sur le terrain
Les tâches des étudiants dépassent souvent le cadre académique et du bénévolat : elles incluent des activités agricoles et des missions de sécurité. Les bourses sont fréquemment conditionnées à la participation à des services au profit des implantations.
- Travail agricole et d’élevage (labours, garde du bétail).
- Patrouilles et tours de garde nocturnes pour la protection des zones environnantes.
- Participation à la réhabilitation et à l’occupation de bâtiments abandonnés.
Ce passage du statut de résident temporaire à celui de « colon gardien » contribue à la protection et à l’expansion des avant-postes et fermes d’élevage implantés dans les territoires occupés.
Objectifs stratégiques
Au-delà des discours de développement local, ces villages poursuivent un objectif stratégique : créer des noyaux de peuplement israéliens durables qui consolident la mainmise territoriale. Les étudiants y vivent des années-clés, développent des liens communautaires et contribuent à rendre difficile tout retrait futur.
Des rapports internes indiquent la participation des étudiants à la protection de fermes d’élevage implantées, parmi lesquelles figurent des exploitations identifiées dans diverses localités rurales.
Certains anciens participants ont témoigné que des heures de bourse étaient explicitement consacrées à la garde du bétail en provenance de colonies spécifiques, illustrant l’imbrication entre volontariat affiché et objectifs d’implantation.
Organisations promotrices
Plusieurs associations jouent un rôle central dans la création et la gestion de ces villages étudiants :
- Kidma : fondée en 2013 par Tira El Cohen, elle se définit comme une ONG visant à « ranimer la valeur de l’implantation sioniste ». Basée à Ma’aleh Ephraim (Cisjordanie), Kidma a implanté plusieurs villages en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et en Galil, et a reçu des financements publics importants, dépassant 5,4 millions de shekels en 2019.
- Ayalim : créée en 2002 par Matan Dahan et Dani Glicksberg, l’association a commencé par deux caravanes à Ashalim et a développé plus de 22 villages, des complexes d’anciens et des noyaux d’implantation, attirant chaque année des centaines d’étudiants vers le Néguev et le Galil.
- Tozeret Haaretz : mouvement à profil social et communautaire, il a fondé depuis 2012 des communautés étudiantes dans une quinzaine de localités (Kiryat Shmona, Tiberias, Safed, Lod, Jérusalem, Dimona, etc.), avec le slogan « nous sommes là pour rester ».
Recrutement et image publique
Les associations mettent en œuvre des campagnes sur les réseaux sociaux pour promouvoir un mode de vie attractif, mettant en avant concerts, événements sportifs et activités culturelles. L’objectif est de présenter ces villages comme des lieux de vie jeunes et dynamiques, loin des images de conflit ou de confiscation.
Chaque village entretient sa propre page et sa communication. Certaines organisations associent explicitement leur action à l’armée, en publiant des photographies de réservistes ayant participé aux combats dans la bande de Gaza lors d’événements locaux.
Conséquences et enjeux
La dynamique des villages étudiants illustre comment des dispositifs à vocation sociale et éducative peuvent servir des objectifs territoriaux. Ils transforment des participants en acteurs locaux permanents et modifient progressivement la géographie humaine des zones concernées.
Pour les observateurs, ces villages posent des questions sur la relation entre volontariat, militarisation douce et processus d’implantation, tout en révélant l’importance des politiques publiques et privées dans la consolidation de nouveaux foyers de peuplement.