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À partir de juillet, l’Institut de recherche et de développement (IRD) de Saint-Denis prévoit de relâcher 60 000 moustiques mâles stériles, imprégnés d’un produit empêchant la croissance des larves, dans la commune de Saint-Joseph à La Réunion. Ces moustiques, qui ne piquent pas les humains, feront l’objet d’une première phase de six mois d’expérimentation. Si les résultats sont probants, des lâchers hebdomadaires s’étendant sur 175 hectares seront réalisés pendant 18 mois, représentant un total de 11 millions d’insectes libérés.
Élevage et stérilisation des moustiques au Cyroi
Le programme Optis, porté par l’IRD au sein de l’insectarium du Cyclotron Réunion Océan Indien (Cyroi), élève en masse les moustiques mâles destinés à être stérilisés. Dans des conditions de chaleur et d’humidité contrôlées, les larves sont mises en eau puis les nymphes mâles et femelles sont séparées. Les mâles subissent ensuite une irradiation aux rayons X pour être stérilisés, tandis que certaines femelles sont conservées pour renouveler l’élevage.
Une double action par irradiation et imprégnation chimique
Les moustiques mâles adultes sont également imprégnés d’un biocide, le pyriproxyfène, un acide qui bloque le développement larvaire. Une fois relâchés, ces moustiques stériles vont s’accoupler avec les femelles sauvages qui pondront des œufs incapables d’éclore. En cas d’absence de femelles, les mâles imprégnés contaminent les gîtes larvaires lorsqu’ils s’abreuvent, contribuant à réduire la population de moustiques.
Premiers lâchers et contrôles environnementaux
Initialement, 60 000 moustiques mâles imprégnés seront lâchés sur une surface de 60 hectares à Saint-Joseph. Les équipes de l’IRD surveilleront attentivement l’impact de ces insectes sur l’environnement, la faune locale, ainsi que sur des ruchers et gîtes sentinelles. L’eau des gîtes sera analysée pour évaluer le dosage en pyriproxyfène, et si ce taux s’avère trop élevé, seuls des moustiques stériles non imprégnés seront relâchés.
Si toutes les conditions sont favorables, les lâchers s’étendront sur 175 hectares avec un rythme de 1 000 moustiques stériles par hectare, soit environ 175 000 insectes supplémentaires chaque semaine pendant 18 mois, totalisant 11 millions de moustiques mâles relâchés dans le sud de l’île.
Un projet encadré et accepté par les autorités
Ce projet innovant, nommé OpTIS (Opérationnalisation de la Technique de l’Insecte Stérile), est co-porté par l’IRD et le Cirad. Il bénéficie de financements européens via le fonds FEDER, ainsi que de fonds nationaux du ministère de la Santé et de la Recherche.
Les lâchers nécessitent des autorisations préfectorales, obtenues en avril dernier, et une enquête d’acceptabilité auprès des habitants de Saint-Joseph est actuellement en cours pour informer et recueillir leur avis sur cette méthode de lutte contre le chikungunya.
Des résultats prometteurs mais à confirmer
En 2021, des essais réalisés dans le quartier de Duparc à Sainte-Marie avec des moustiques stériles non imprégnés ont montré une réduction de 60 % de la fertilité des moustiques. Cependant, cette baisse n’a pas encore permis de diminuer significativement la densité globale des populations.
Pour accentuer l’efficacité, l’IRD recommande d’associer la stérilisation à une imprégnation chimique, avant d’envisager un complément avec les méthodes classiques de lutte afin d’abaisser durablement le nombre de moustiques tigres – vecteurs du chikungunya, de la dengue et du zika.
Perspectives à grande échelle d’ici 2026
Après cette phase expérimentale, qui débutera avec 6 000 moustiques imprégnés lâchés dans la nature, l’objectif est de transférer la technologie à une start-up réunionnaise d’ici 2026. Celle-ci pourrait alors déployer cette solution à une plus grande échelle, ciblant principalement les zones à forte transmission comme les abords des écoles et des hôpitaux.
Ce déploiement raisonné vise à rendre la technique opérationnelle et accessible, en prévention des futures épidémies liées aux virus transmis par l’aedes albopictus. Les premiers résultats de cette expérimentation sont attendus d’ici la fin de l’année.