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Pourquoi l’Inde ne livrera probablement pas Sheikh Hasina

by Sara
Inde, Bangladesh

Sheikh Hasina, l’ancienne première ministre du Bangladesh condamnée à mort pour crimes contre l’humanité, se trouve en exil à New Delhi, ce qui rend improbable son extradition vers Dhaka.
La décision du tribunal international de Dhaka et la présence prolongée de Hasina en Inde ont ravivé une crise diplomatique entre les deux voisins sud-asiatiques.
L’affaire pose une question centrale : New Delhi acceptera-t-il de livrer une dirigeante amie aujourd’hui accusée de violations massives ?

Contexte et condamnation

Le verdict a été rendu après un procès de plusieurs mois qui a conclu que Sheikh Hasina, 78 ans, avait ordonné une répression meurtrière contre un soulèvement étudiant l’année précédente.
Les manifestations, déclenchées en juillet 2024 à propos de quotas d’emploi et de privilèges pour les descendants des combattants de 1971, ont dégénéré après une répression brutale.
Selon des estimations des Nations unies, près de 1 400 personnes ont été tuées lors des affrontements avec les forces de sécurité.

Hasina a quitté le Bangladesh le 5 août 2024 alors que des manifestants prenaient d’assaut sa résidence. Elle vit depuis à New Delhi, où elle a trouvé refuge après son départ précipité.

Beaucoup de jeunes manifestants et proches des victimes voient dans la condamnation une forme de réparation, mais l’exigence d’une exécution sur le sol bangladais reste politiquement et diplomatiquement complexe.

Forces de l'ordre affrontant un manifestant lors de la démolition d'une résidence à Dacca

Pourquoi New Delhi hésite à extrader

New Delhi fait face à des pressions de Dhaka qui invoque un accord d’extradition. Cependant, l’accord contient une exception importante : les infractions à caractère politique peuvent justifier un refus d’extradition.
Les autorités indiennes et plusieurs analystes estiment que le procès et la condamnation de Hasina s’inscrivent dans une dynamique politique interne au Bangladesh.

Des voix en Inde rappellent aussi la longue relation personnelle et stratégique entre Hasina et New Delhi, et doutent qu’il soit acceptable de la livrer alors qu’elle fut une alliée proche.

  • Clause d’exception pour les affaires politiques dans le traité d’extradition.
  • Risque de légitimation d’un gouvernement considéré comme anti-Inde par New Delhi.
  • Considérations morales et diplomatiques liées à une livraison menant à la peine capitale.

Relations bilatérales mises à l’épreuve

Historiquement, l’Inde et le Bangladesh partagent des liens culturels forts et une frontière de plus de 4 000 km. New Delhi est l’un des principaux partenaires commerciaux de Dhaka.
Sous Hasina, la coopération politique et sécuritaire avec l’Inde avait atteint un niveau élevé, malgré des critiques internes au Bangladesh sur certains accords économiques.

Depuis l’exil de Hasina, la relation s’est refroidie. Le gouvernement intérimaire dirigé par le lauréat du prix Nobel Muhammad Yunus a adopté une posture plus critique envers New Delhi.
Malgré cela, les échanges commerciaux entre les deux pays ont continué de croître ces derniers mois, ce qui montre la complexité des liens bilatéraux.

Narendra Modi recevant Sheikh Hasina lors d'une visite officielle à New Delhi

Arguments des analystes indiens

Plusieurs spécialistes en Inde estiment qu’extrader Hasina reviendrait à soutenir ce qu’ils perçoivent comme une vindicte politique contre une dirigeante historiquement pro-indienne.
L’argument principal est que remettre Hasina renforcerait des forces à Dhaka qui sont hostiles à New Delhi.

D’autres observateurs notent que l’Inde doit repenser ses relations avec les autres acteurs politiques bangladais et ne pas dépendre exclusivement d’un seul parti ou leader.

  • Calculs géopolitiques : éviter de légitimer des acteurs anti-Inde.
  • Soutien historique et personnel à Hasina, rendu délicat à nier publiquement.
  • Intérêt stratégique à maintenir une marge de manœuvre diplomatique plutôt que d’accentuer le conflit.

Scénarios possibles et enjeux électoraux

Les élections prévues au Bangladesh pourraient offrir une voie de désescalade si un gouvernement élu facilite un réajustement des relations.
Certains responsables indiens estiment qu’il serait plus simple de travailler avec une administration démocratiquement élue qu’avec des intérims contestés.

Parallèlement, des analystes estiment que l’héritage politique de Hasina et la longévité du parti Awami League ne doivent pas être sous-estimés.
Dans la région, les partis dynastiques peuvent connaître des revers mais restent souvent capables de se maintenir sur la scène politique, créant des possibilités de retour à plus long terme.

Un manifestant réclamant la peine capitale pour Hasina avant l'annonce du verdict à Dacca

Conséquences diplomatiques et points de vigilance

L’affaire exerce une pression continue sur les relations indo-bangladaises. Les principaux enjeux à suivre sont :

  • La gestion par New Delhi des demandes d’extradition au regard du droit international et des traités bilatéraux.
  • La stabilité intérieure au Bangladesh, notamment autour des élections et de la reprise politique après la période intérimaire.
  • L’équilibre entre intérêts commerciaux et impératifs diplomatiques dans la relation bilatérale.

Pour l’heure, l’extradition Sheikh Hasina apparaît peu probable compte tenu des éléments juridiques, politiques et stratégiques en jeu.
Les deux capitales devront malgré tout maintenir un minimum de civisme diplomatique pour préserver les échanges et éviter une rupture aux conséquences régionales.

source:https://www.aljazeera.com/features/2025/11/18/why-india-likely-wont-return-hasina-to-face-bangladesh-death-penalty

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