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S’inquiéter, avenir, motivation, préparation, psychologie : s’inquiéter pour l’avenir peut sembler négatif, mais la recherche montre qu’il remplit souvent une fonction pratique — anticipation, planification et parfois motivation à agir — même si ce processus est désagréable.
Ce que disent la recherche et la psychologie : s’inquiéter, avenir, motivation, préparation, psychologie
Un vieux vers hollandais résume bien une expérience partagée : ‘Een mens lijdt dikwijls ’t meest / Door ’t lijden dat hij vreest / Doch dat nooit op komt dagen’. Les gens s’inquiètent pour toutes sortes de motifs : leur santé, leurs proches, des situations sociales, la sécurité de l’emploi, les finances ou leurs performances. Les psychologues définissent le fait de s’inquiéter comme « un sentiment persistant d’un danger futur possible » qui circule en boucle dans le cerveau sans être résolu.
Il est difficile d’étudier directement pourquoi les gens se préoccupent de l’avenir, mais plusieurs décennies de recherches fournissent des pistes. L’une des méthodes consiste à interroger directement les personnes concernées : au début des années 1990, des psychologues canadiens ont élaboré un questionnaire appelé « Why Worry? » et l’ont administré à des étudiants en psychologie sujets à la rumination.
Les items du questionnaire reflétaient déjà certaines croyances des chercheurs. Par exemple : « Ik maak me zorgen omdat, als het ergste gebeurt, ik me schuldig zou voelen als ik me geen zorgen had gemaakt » et « Als ik me zorgen maak, kan ik een betere manier vinden om dingen te doen ». Les auteurs ont conclu que les personnes estiment que leurs inquiétudes peuvent empêcher des événements négatifs, aider à trouver de meilleures solutions et leur donner un sentiment de contrôle.
Anticipation, préparation et récompense intermittente
Les psychologues résument souvent la fonction du raisonnement par l’idée que thinking is for doing : la pensée vise à guider l’action. Les études où l’on demande aux participants à quoi ils pensent à un moment donné montrent qu’ils réfléchissent deux à trois fois plus à l’avenir qu’au passé. Quand ils pensent au passé, c’est généralement pour en déduire des conséquences futures, ce qui renforce l’idée d’une pensée pragmatique tournée vers l’action.
Une partie des pensées tournées vers l’avenir ne sont pas des peurs : elles concernent des projets, de l’espoir ou la curiosité. Ces pensées prospectives sont en général plus agréables que la rumination sur le passé ; penser au présent reste cependant l’état préféré des personnes, probablement parce qu’il correspond à un engagement actif (« flow »).
Quand les inquiétudes sont productives, elles ont un effet motivant : elles stimulent la préparation et la planification. Si, en s’inquiétant, une personne trouve une solution ou évite une catastrophe, elle est susceptible d’interpréter le résultat comme la preuve de l’utilité de son inquiétude. Ce renforcement sporadique ressemble au mécanisme connu sous le nom d’« intermittent reinforcement » : parfois cela fonctionne, donc on recommence.
Différences entre rumination et worry
La psychologue américaine Susan Nolen-Hoeksema (1959-2013) distinguait deux formes de cogitation. La rumination, littéralement le ruminer, concerne surtout le passé et consiste à chercher une signification profonde dans des souvenirs tristes ou douloureux ; elle aggrave souvent l’humeur et crée un sentiment d’impuissance qui rend l’action difficile.
À l’inverse, le worry, l’inquiétude orientée vers le futur, est souvent plus « utile » : elle maintient l’attention sur un risque potentiel et incite à préparer des réponses. Même si l’inquiétude produit de l’angoisse et de l’incertitude, elle offre l’avantage d’une possible action — dresser des options, planifier des solutions et verbaliser ces options, ce qui peut également réduire l’intensité des images effrayantes associées au risque.
Quand l’inquiétude devient utile et quand elle paralyse
Penser au pire peut aussi jouer un rôle adaptatif : en s’attendant au pire, on s’en protège partiellement et on se prépare plus intensément. Cette stratégie de préparation via la visualisation d’un scénario négatif a été décrite comme du « defensive pessimism ». Elle peut permettre d’éviter l’effet de surprise si le pire survient réellement et encourager un effort supplémentaire pour prévenir l’événement.
Pourtant, l’équilibre est fragile. Trop d’inquiétude peut paralyser ; trop peu peut réduire la préparation. Les psychologues notent que, dans des cas modérés, s’inquiéter peut motiver des comportements protecteurs : par exemple, des préoccupations concernant le cancer de la peau ou le cancer du sein peuvent inciter à utiliser une protection solaire ou à consulter un médecin pour des contrôles préventifs.
En bref, les personnes qui s’inquiètent de l’avenir subissent souvent un malaise temporaire mais, fréquemment, elles en tirent des bénéfices concrets : meilleure préparation, planification et parfois actions préventives. Dire « ne t’en fais pas » n’est donc pas toujours le meilleur conseil ; mieux vaut comprendre la fonction de l’inquiétude et, si nécessaire, apprendre à la canaliser pour qu’elle reste motrice plutôt que paralysante.