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Le 8 janvier 2025, un tournant majeur a été franchi pour les héritiers des collectionneurs d’art juifs spoliés par les nazis. Le gouvernement allemand a approuvé un changement dans le processus de restitution des œuvres d’art, remplaçant la « Limbach-Kommission » par des schieds-juges. Cette décision, annoncée par Claudia Roth, ancienne ministre de la Culture, vise à mieux assumer la responsabilité historique de l’Allemagne envers les descendants des victimes du régime nazi. Cependant, cette évolution suscite des critiques.
Un héritage artistique spolié
Entre 1933 et 1945, des centaines de milliers d’œuvres d’art ont été confisquées à leurs propriétaires juifs en Allemagne, que ce soit par expropriation directe ou par des ventes forcées. On estime qu’au moins 200 000 objets, qualifiés de « raubgut » (biens pillés), demeurent en Allemagne aujourd’hui. De nombreuses œuvres, comme le « Portrait de Madame Soler » de Pablo Picasso, se trouvent désormais dans des collections publiques, mais leurs nouveaux propriétaires hésitent à répondre aux demandes de restitution.
Absence de loi sur la restitution en Allemagne
À la différence de pays comme la France ou l’Autriche, l’Allemagne ne dispose pas d’une loi de restitution. Les tentatives d’en établir une ont échoué, en raison d’une méfiance généralisée au sein des politiciens et des conservateurs de musées. Hermann Parzinger, président de la Fondation Prussienne du Patrimoine culturel, a souligné que l’absence d’une telle loi rendait difficile la restitution des œuvres identifiées comme pillées, car aucun musée d’État ne peut se permettre de ne pas restituer un bien à ses propriétaires légitimes.
Critiques sur la Limbach-Kommission
La Limbach-Kommission, composée de juristes, philosophes et historiens, n’a pu émettre que des recommandations non contraignantes. En 20 ans, elle n’a traité que 25 cas, car son fonctionnement nécessitait une demande conjointe des deux parties. Beaucoup considèrent que son rôle était limité et ont plaidé pour une réforme qui inclurait une meilleure accessibilité et un statut juridique contraignant pour ses décisions.
Les schieds-juges : une nouvelle approche
Les schieds-juges, formés de deux historiens et de trois juristes, remplaceront la commission précédente. Le gouvernement espère ainsi améliorer l’application des « principes de Washington », qui visent une résolution juste des cas d’œuvres d’art pillées. Cependant, des critiques s’élèvent, affirmant que ce nouveau cadre législatif pourrait aggraver la situation pour certaines catégories de victimes, notamment les marchands d’art persécutés durant la période nazie.
Un futur incertain
De nombreux experts et descendants de victimes soulèvent des préoccupations quant à la base juridique sur laquelle les schieds-juges agiront, étant donné l’absence d’une loi de restitution. Malgré cela, certains représentants d’institutions publiques voient ces changements comme un progrès, espérant que les schieds-juges apporteront une approche plus rigoureuse et transparente à la restitution des œuvres d’art.
Hans-Jürgen Papier, ancien président de la commission, craint que la dissolution de la Limbach-Kommission ne soit pas révisée et insiste sur la nécessité de faire des schieds-juges un modèle fonctionnel, tout en réclamant un cadre législatif solide pour la restitution des œuvres d’art.
Cette réforme, bien qu’espérée par certains, marque un moment charnière dans la lutte pour la restitution des œuvres d’art pillées, mais laisse encore de nombreuses questions en suspens quant à son efficacité et sa portée réelle.