Table of Contents
Une vidéo polémique soulève des accusations de drogue contre Emmanuel Macron et d’autres dirigeants
Le théoricien du complot Alex Jones a exploité une vidéo datée du 9 mai, montrant une rencontre à bord d’un train entre trois dirigeants européens, pour prétendre qu’ils avaient consommé de la drogue et tentaient de le dissimuler.
La vidéo présente le président français Emmanuel Macron assis à une table avec le chancelier allemand Friedrich Merz et le Premier ministre britannique Keir Starmer. Sur la table, on aperçoit deux dossiers bleus, deux verres à boire et un petit objet blanc. Les trois hommes sourient aux photographes présents. Juste au moment où les appareils photo déclenchent, Macron retire l’objet blanc froissé du plateau et le tient dans son poing.
L’accusation infondée d’Alex Jones et la viralité de la désinformation
Dans un message publié sur X (ancien Twitter) le 11 mai, Alex Jones affirme : « SCANDALE EN DÉVELOPPEMENT : Macron, Starmer et Merz surpris en vidéo à leur retour de Kiev. Un sachet de poudre blanche sur la table. Macron le met rapidement dans sa poche, Merz cache la cuillère. » Il ajoute que le président ukrainien Volodymyr Zelensky, présenté comme un consommateur de cocaïne, venait de les recevoir et que les trois dirigeants semblaient être sous l’emprise de la drogue.
Ce message a été visionné plus de 29,5 millions de fois le 13 mai. Alex Jones a continué à promouvoir cette idée dans plusieurs autres publications, notamment en affirmant qu’il s’agissait de « coke », c’est-à-dire de cocaïne, et en partageant des photos prétendant montrer « clairement un sachet de poudre ». Ces allégations ont aussi circulé en espagnol.
Vérité et démentis officiels : un simple mouchoir et non de la drogue
Les vidéos originales de la rencontre, diffusées par l’agence AFP et l’Associated Press, ainsi que des photos en haute résolution, montrent que l’objet blanc que Macron a retiré de la table n’est pas un sachet de poudre blanche, mais un mouchoir en papier.
L’Élysée, via son compte officiel X, a publié des images montrant également ce mouchoir et a précisé que cet objet servait à se moucher. Le communiqué ajoute que cette fausse information est propagée par des ennemis de la France, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, appelant à la vigilance contre la manipulation.
Un porte-parole du gouvernement allemand a qualifié les accusations de Jones d’« absurdes ».
Erreurs factuelles et analyse des experts en image
Alex Jones s’est aussi trompé sur un autre point important : il a affirmé que Zelensky avait « juste reçu » Macron, Starmer et Merz, alors que les images ont été prises alors que les dirigeants se rendaient chez le président ukrainien, et non après la rencontre.
Des experts en analyse d’images ont examiné de près la photo utilisée par Jones pour soutenir ses affirmations. V.S. Subrahmanian, professeur à l’Université Northwestern, et Hany Farid, expert en forensique numérique à l’Université de Californie, ont indiqué que l’image pourrait avoir été modifiée par intelligence artificielle, altérant l’apparence originale de l’objet et le rendant moins identifiable comme un mouchoir.
Origines et diffusion de la fausse rumeur
Darren Linvill, professeur en communication à l’Université Clemson, spécialiste des campagnes de désinformation russes, a identifié les premières mentions de cette rumeur en français dès le 10 mai.
Le 11 mai, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a relayé sur Telegram des images du rassemblement avec des cercles rouges autour de l’objet blanc. Elle a accusé les dirigeants européens d’avoir oublié de ranger leur « matériel » devant les journalistes et a qualifié Zelensky d’« addict déséquilibré » consommateur de cocaïne en 2022.
La narrative s’est ensuite répandue sur les réseaux sociaux anglophones, notamment sur X, Facebook et Reddit, amplifiée par des comptes liés à la campagne russe Storm-1516, selon Linvill.
Contexte géopolitique et motivations des campagnes de désinformation
Les experts en désinformation russe expliquent que ces accusations de consommation de drogue, en particulier de cocaïne, sont fréquemment utilisées pour discréditer les dirigeants étrangers. Ce type de récits sert à décrédibiliser les démocraties occidentales et à valoriser le système russe par comparaison.
Scott Radnitz, professeur à l’Université de Washington, souligne que cette accusation s’inscrit dans une narrative ancienne du Kremlin visant à présenter Zelensky comme un consommateur de drogue. Un haut responsable russe avait déjà qualifié Zelensky d’« addict illégitime » en 2024, l’accusant de prolonger la guerre en Ukraine pour préserver son pouvoir.
En 2022, PolitiFact avait déjà démenti une vidéo manipulée laissant croire que Zelensky avouait consommer de la cocaïne. En réalité, il y exprimait son goût pour le café et niait toute consommation de drogue.
La diffusion par des influenceurs d’extrême droite et l’impact sur la perception publique
Radnitz note que des influenceurs d’extrême droite comme Alex Jones sont souvent des relais de théories conspirationnistes pro-Kremlin. Le site Infowars de Jones a par ailleurs republé plus d’un millier d’articles provenant de médias d’État russes.
La rumeur de cocaïne a été étendue pour englober plusieurs dirigeants mondiaux, dans le but de décrédibiliser une initiative diplomatique réussie en faveur de l’Ukraine.