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Une nouvelle analyse fondée sur 22 ans de données satellitaires révèle que des vastes régions du monde perdent de l’eau douce et deviennent plus sèches. Près de 6 milliards de personnes, réparties dans 101 pays, vivent désormais dans des zones touchées par une pénurie d’eau, alimentant une crise de l’eau aux conséquences multiples.
Méthodologie et portée de l’étude
Depuis 2002, des satellites mesurent les variations du champ gravitationnel terrestre pour suivre les déplacements de l’eau, qu’elle soit gelée ou liquide. Ces mesures permettent d’estimer les volumes stockés dans les glaciers, les calottes, les lacs, les rivières, les sols et les importantes réserves souterraines.
L’analyse combine plus de deux décennies d’observations pour dresser une carte globale des pertes d’eau douce et identifier des « zones de sécheresse massive » étendues à l’échelle planétaire.
Les chercheurs signalent que les pertes observées ne résultent pas seulement d’une variabilité climatique à court terme, mais d’une tendance soutenue qui dépasse la capacité de régénération naturelle dans de nombreuses régions.
Zones de sécheresse et régions les plus affectées
L’étude identifie plusieurs poches de sécheresse étendues qui couvrent des territoires très dispersés. Parmi les régions concernées :
- De larges portions du Canada et de la Russie, où la fonte du pergélisol et des glaces expose de nouvelles pertes d’eau.
- Le sud-ouest de l’Amérique du Nord jusqu’à l’Amérique centrale.
- Le Moyen-Orient, le nord de la Chine et le sud-est de l’Asie.
- Une zone de dessèchement continue s’étendant du nord de l’Afrique jusqu’à certaines parties de l’Europe.
Selon les auteurs, ces régions ne se contentent pas de devenir en moyenne plus sèches : elles dépassent aussi les limites de l’eau disponible localement, compromettant les réserves à long terme.
Échelle des pertes et contribution à l’élévation du niveau de la mer
Les zones arides du globe perdent environ 368 milliards de tonnes métriques d’eau par an. Pour donner une échelle, cela représente plus du double du volume du lac Tahoe et près de dix fois celui du lac Mead.
Les satellites ont suivi l’eau stockée dans les glaciers, les lacs, les sols et les nappes souterraines, révélant que l’épuisement des eaux souterraines explique environ 68 % des pertes observées dans les zones sèches.
Ces pertes terrestres contribuent désormais davantage à l’élévation du niveau marin que la fonte des glaciers de montagne. Entre 2002 et 2024, l’assèchement des terres et l’épuisement des nappes ont ajouté l’équivalent de 22,2 millimètres à l’élévation du niveau des océans.
Causes principales : réchauffement et surexploitation
Les auteurs identifient deux causes majeures du phénomène :
- La hausse des températures liée à la combustion d’énergies fossiles, qui modifie la circulation et l’évaporation de l’eau.
- Le pompage excessif des eaux souterraines, résultat d’un usage humain intensif des réserves accumulées sur des millénaires.
« La réalité est que l’eau est sous-estimée et que des réserves à long terme sont exploitées pour des gains à court terme », avertit Hrishikesh Chandanpurkar, co-auteur de l’étude.
Épuisement des nappes, forages plus profonds et affaissements
L’accroissement des prélèvements, notamment pour l’agriculture et l’approvisionnement urbain, pousse les populations à forer toujours plus profond, rendant la ressource de plus en plus coûteuse et parfois irréversible.
Conséquences directes signalées :
- Assèchement et ensablement des puits, obligeant à des forages plus profonds.
- Affaissements de terrain et risques d’effondrement locaux lorsque les réservoirs souterrains se vident.
- Perte potentiellement irréversible de réservoirs d’eau exploitables pour les générations futures.
Impacts humains, alimentaires et géopolitiques
Les répercussions à long terme sont lourdes : agriculture en difficulté, menaces sur la croissance économique, déplacements de populations et montée des tensions pour l’accès à l’eau.
Jay Famiglietti, hydrologue et co-auteur, souligne que le changement rapide du cycle de l’eau observé récemment a provoqué une vague de sécheresses accélérées. Il anticipe un accroissement de la désertification et de l’aridité dans de nombreuses régions.
Les conséquences attendues comprennent :
- Une réduction des rendements agricoles et des capacités de production alimentaire.
- Des migrations internes et transfrontalières accrues depuis les zones les plus affectées.
- Une instabilité politique accrue dans des États mal préparés à gérer les tensions hydriques.
Message final des chercheurs
Les scientifiques avertissent que l’expansion annuelle des zones de sécheresse équivaut à peu près au double de la superficie de la Californie. Seules les régions tropicales montrent une tendance à l’humidification ; le reste des terres émergées tend à s’assécher.
Les auteurs appellent à une réévaluation urgente de la gestion de l’eau, à des politiques limitant la surexploitation des nappes et à des mesures pour atténuer le changement climatique afin d’éviter une aggravation irréversible de la crise de l’eau.