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Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont annoncé l’observation directe d’un état de « supraconductivité » non conventionnelle dans une structure de graphène à trois couches torsadées selon un « angle magique ». Bien que cette supraconductivité ne fonctionne pas encore à température ambiante (25°C), la découverte marque une avancée significative pour la recherche sur la supraconductivité graphène et ouvre de nouvelles pistes pour l’électronique du futur.
Qu’est-ce que la supraconductivité ?
La supraconductivité désigne la capacité de certains matériaux à conduire l’électricité sans aucune résistance, donc sans perte d’énergie sous forme de chaleur. Dans un conducteur ordinaire, une partie de l’énergie électrique est toujours dissipée, ce qui provoque un échauffement.
Les matériaux supraconducteurs éliminent cette dissipation, permettant un courant parfait qui peut théoriquement persister indéfiniment sans source externe. Le principal obstacle reste que la plupart de ces matériaux n’exhibent la supraconductivité qu’à des températures extrêmement basses, proches du zéro absolu.
Les avantages potentiels d’une supraconductivité à température ambiante sont immenses :
- réseaux électriques sans perte d’énergie ;
- trains magnétiques à lévitation plus efficaces ;
- amélioration des performances des ordinateurs quantiques et des dispositifs électroniques.
Le graphène et l’« angle magique »
Le matériau étudié est le graphène, une feuille monoatomique de carbone disposée en réseau hexagonal. Ses propriétés électroniques sont extraordinaires, et elles deviennent encore plus surprenantes lorsqu’on superpose plusieurs couches en les faisant légèrement pivoter.
En empilant trois couches de graphène et en les torsadant autour d’un angle très précis — l’« angle magique » — les chercheurs ont observé que le comportement des électrons change radicalement. Les interactions électroniques deviennent dominantes, donnant l’impression que les électrons évoluent dans un « univers quantique parallèle ».
Observation expérimentale et résultats
Les équipes du MIT ont utilisé des instruments de mesure très précis pour suivre la circulation du courant dans la structure de graphène torsadée. Elles ont détecté un courant traversant le matériau avec une résistance pratiquement nulle, caractéristique centrale d’un état supraconducteur.
Une signature clé observée est une « poche énergétique » (gap) en forme de V, différente du gap lisse et circulaire observé dans les supraconducteurs conventionnels. Cette forme indique que l’appariement des électrons n’est pas entraîné par les vibrations atomiques (phonons), mais par des interactions électroniques directes et exotiques.
Les résultats ont été publiés dans la revue Science : https://www.science.org/doi/10.1126/science.adv8376. Un communiqué du MIT décrivant l’expérience est disponible ici : https://news.mit.edu/2025/physicists-observe-evidence-unconventional-superconductivity-graphene-1106.
« Électronique par torsion » : un nouveau champ
Ce domaine émergent, souvent appelé « électronique par torsion » (twistronics), exploite la variation angulaire entre couches atomiques pour modifier profondément les propriétés électroniques. L’idée est simple en apparence mais d’une portée fondamentale : de très petites rotations peuvent « réécrire » la dynamique des électrons.
Dans l’expérience du MIT, ces modifications ont provoqué des comportements collectifs inédits chez les électrons, proches de ceux attendus pour une supraconductivité non conventionnelle.
Les implications pour l’électronique sont vastes : nouveaux types de composants, circuits à très faible dissipation et plates-formes expérimentales pour explorer de la matière quantique fortement corrélée.
Perspectives et défis pour la supraconductivité graphène
Malgré l’excitation suscitée par ces observations, plusieurs obstacles restent à franchir avant une application pratique :
- contrôle angulaire atomique requis pour reproduire la structure ;
- fabrication à grande échelle et reproductibilité industrielles ;
- compréhension théorique complète des mécanismes d’appariement électronique.
Les chercheurs estiment cependant que les progrès rapides en nanotechnologie et en techniques d’assemblage atomique pourraient réduire ces barrières au cours de la prochaine décennie. À court terme, la découverte renforce l’espoir que la supraconductivité graphène puisse, un jour, fonctionner à des températures nettement plus élevées qu’aujourd’hui.
En somme, l’observation d’un état supraconducteur non conventionnel dans un graphène torsadé à trois couches rapproche la science d’un objectif ambitieux : concevoir des matériaux capables de conduire l’électricité sans perte, potentiellement à température ambiante.


