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Après avoir déjà expérimenté la culture de tomates, laitues et pommes de terre en orbite, l’humanité s’apprête à franchir un nouveau cap vers l’autonomie alimentaire dans l’espace : faire éclore et élever des poissons. Porté par une équipe française, le projet Lunar Hatch ambitionne de prouver la faisabilité de l’élevage de poissons dans des environnements aussi extrêmes que la Station spatiale internationale (ISS) ou, à terme, la surface lunaire. Un défi innovant et crucial pour l’avenir des missions spatiales prolongées.
Une initiative originale née en Occitanie
Le projet Lunar Hatch a été lancé par le Dr Cyrille Przybyla, chercheur à l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). Il s’appuie sur une idée simple : le bar européen (Dicentrarchus labrax), un poisson courant en aquaculture, pourrait constituer une source stable et saine de protéines pour les astronautes. Riche en oméga-3, vitamines B et protéines facilement digestibles, ce poisson correspond parfaitement aux besoins nutritionnels dans l’espace.
Élever des poissons en conditions de microgravité ou sur la Lune soulève cependant de multiples défis techniques. Pour y répondre, Przybyla et son équipe ont réalisé plusieurs séries de tests dans un centre de recherche situé près de Palavas-les-Flots, dans le sud de la France.
Des œufs résilients pour une reproduction en apesanteur
Plutôt que d’envoyer directement des poissons adultes dans l’espace, l’équipe mise sur l’envoi d’œufs fécondés de bar. Ces œufs doivent être capables de supporter les conditions extrêmes du lancement spatial, puis d’éclore en apesanteur à bord de l’ISS. Une fois éclos, les larves seront rapatriées sur Terre pour être étudiées, étape préalable indispensable avant la possible mise en place de fermes piscicoles lunaires.
Une étude menée en 2023 par le groupe Lunar Hatch a démontré que les œufs de bar résistent non seulement à l’absence de gravité, mais aussi aux vibrations intenses provoquées par le lancement d’une fusée—tests réalisés à l’aide d’un simulateur de propulsion russe Soyouz—ainsi qu’au rayonnement cosmique. Les embryons restent ainsi viables, une avancée majeure confirmée également par des expériences sur des cellules humaines et animales en laboratoire.
Vers une aquaculture en circuit fermé sur la Lune
L’objectif à long terme du projet est de concevoir un système d’aquaculture en circuit fermé sur la Lune. Ce système recyclerait continuellement l’eau, potentiellement extraite de la glace lunaire présente aux pôles, et fonctionnerait dans une structure spécialement conçue pour résister aux radiations cosmiques.
Pour assurer un apport alimentaire efficace, il faudrait produire environ 200 bars pour nourrir sept astronautes avec deux portions de poisson par semaine durant une mission de 16 semaines. Cela implique l’envoi d’autant d’œufs fertiles dans l’espace pour démarrer ce cycle de production.
Une première historique en exploration spatiale
Bien que l’idée puisse paraître audacieuse, les poissons ont déjà été présents en orbite. Dès 1973, de petits poissons appelés « momicochons » accompagnaient une mission Apollo. Depuis, diverses espèces telles que les guppys ou poissons zèbres ont été étudiées en microgravité. Cependant, faire éclore et élever des poissons dans l’espace à des fins alimentaires serait une innovation mondiale.
La prochaine étape pour Lunar Hatch est d’obtenir l’autorisation du CNES ou de la NASA pour effectuer un véritable vol orbital avec l’envoi des œufs vers l’ISS. Le succès de cette mission serait une avancée décisive ouvrant la voie à des systèmes alimentaires autonomes indispensables pour les futures missions lunaires et martiennes, garantissant l’autonomie alimentaire des équipages.