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Une femme syrienne s’engage dans la réduction des mines après la guerre
Hiba Keda, 29 ans, n’imaginait pas qu’elle porterait un jour un gilet pare-balles pour participer à la déminage des zones touchées par le conflit syrien. Après des années passées à sensibiliser les populations aux dangers des restes explosifs de guerre, elle a décidé de s’engager directement dans les opérations de dépollution, face à la gravité du problème.
Suite à la libération de certaines régions en Syrie, notamment d’Idleb, la présence massive de mines et d’engins non explosés a provoqué de nombreuses victimes, causant des décès, des amputations et des blessures graves, en particulier chez les enfants. Ce fléau a poussé Hiba à s’impliquer activement malgré les risques évidents de cette mission.
Une vocation née de la sensibilisation sur le terrain
Hiba a débuté comme volontaire dans des campagnes de sensibilisation sur les dangers des restes de guerre, intervenant dans les zones de contact avec l’ancien régime, dans les écoles, les camps de réfugiés, et les secteurs régulièrement bombardés, notamment par des bombes à sous-munitions interdites internationalement.
Elle explique que la catastrophe est immense : les habitants retournant dans leurs villages et terres sont confrontés à des engins explosifs toujours actifs, qui continuent de faire des victimes et sèment la peur d’une mort soudaine ou d’une mutilation.
Le plus grand danger concerne les enfants, souvent attirés par ces objets sans en comprendre la gravité, ce qui conduit à des explosions mortelles ou à des blessures graves.
Formation et engagement au cœur du risque
Avant de commencer ses interventions, Hiba a suivi des formations intensives sur les différents types de restes explosifs, leur dangerosité, et les protocoles de sécurité indispensables. Elle poursuit sa formation avec des experts arabes et internationaux pour perfectionner ses compétences.
Elle insiste pour dire que ce travail n’est pas réservé aux hommes : hommes et femmes doivent ensemble œuvrer à restaurer la sécurité et la paix, protéger les populations, et redonner aux enfants un avenir serein.
La motivation de Hiba est renforcée par les pertes qu’elle a observées parmi les enfants qu’elle avait sensibilisés, ce qui l’a poussée à s’engager avec confiance malgré les dangers liés à la diversité et la complexité des munitions non explosées, dont certaines sont interdites par le droit international.
La menace cachée des restes de guerre
Hiba souligne que la guerre ne s’arrête pas avec la fin des combats : les conséquences restent longtemps, notamment sous la forme de munitions cachées ou déguisées. Certaines sont dissimulées dans des objets du quotidien comme des pierres, des jouets, voire à l’intérieur de meubles et appareils électroménagers tels que réfrigérateurs ou machines à laver.
Elle lance un appel à la communauté internationale pour un soutien technique et logistique afin d’aider à éliminer ces menaces qui continuent à tuer des civils, notamment ceux revenant dans des zones anciennement occupées ou bombardées.
Enfin, elle met en garde contre toute manipulation d’objets suspects et invite à contacter les équipes spécialisées pour leur neutralisation.
Une équipe dédiée à la déminage en pleine expansion
Ahmed Al-Jadoua, chef d’une équipe de l’ONG internationale The HALO Trust, explique que leurs activités ont débuté il y a environ un an et demi, mais qu’elles se sont intensifiées après la libération de certaines zones, en raison de la prolifération des restes explosifs.
Il souligne que des femmes, dont Hiba Keda, se sont portées volontaires dans ce domaine très dangereux, encouragées par leurs années d’expérience en sensibilisation.
Toutes les équipes, hommes et femmes, bénéficient d’une formation rigoureuse et d’un encadrement par des experts internationaux et locaux, avec des exercices pratiques sur le terrain. La moindre erreur y est fatale, ce qui nécessite une vigilance extrême.
Six mois après la fin des combats, la menace demeure importante. Des dizaines de personnes ont été tuées ou gravement blessées, souvent avec des amputations ou des déformations, principalement dans les zones où les forces de l’ancien régime étaient présentes ou où le bombardement était intense.
Un bilan alarmant des incidents liés aux munitions non explosées
Mohamed Sami Al-Mohammad, responsable des munitions non explosées au sein de la Défense civile syrienne, rapporte que, entre le 26 novembre 2024 et le 31 mars 2025, 69 explosions liées à ces engins ont causé la mort de 72 personnes, dont 17 enfants, 7 femmes et 48 hommes. En outre, 108 personnes ont été blessées, dont 33 enfants et 4 femmes.
Il rappelle que des millions de civils vivent dans des zones contaminées par les mines et munitions non explosées après 14 ans de bombardements par le régime syrien et la Russie.
Des conséquences sur la vie des civils et les générations futures
Selon Mohamed Sami Al-Mohammad, ces restes explosifs représentent une menace persistante pour la vie, provoquant une mortalité prolongée et affectant la stabilité des populations, l’éducation, l’agriculture, ainsi que le futur des enfants, qui ignorent souvent les dangers.
Les équipes de la Défense civile poursuivent leurs efforts de sensibilisation et ont déjà neutralisé plus de 28 000 munitions, dont plus de 23 000 bombes à sous-munitions interdites internationalement.
Par ailleurs, elles ont documenté l’utilisation par le régime syrien et la Russie de plus de 70 types différents de munitions, incluant 13 types de bombes à sous-munitions.