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À Cergy-Pontoise, la gendarmerie mobilise la science pour traquer les incendies criminels. Dans les couloirs de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), le travail du laboratoire s’appuie sur des analyses pointues pour établir si un feu a été déclenché intentionnellement ou par négligence.
Au cœur de l’IRCGN à Cergy-Pontoise
Sous la lumière froide du laboratoire, le major Christophe Rémillon ajuste sa blouse et enfile des gants avant de manipuler des prélèvements de terre calcinée et de charbon de bois prélevés sur les lieux d’un incendie. « Sur un feu en espace naturel, on reçoit généralement ce type de prélèvements : terre, résidus végétaux partiellement calcinés, ou encore des morceaux de bois brûlés », précise-t-il. L’IRCGN, situé à Cergy-Pontoise dans le Val-d’Oise, regroupe le département environnement, incendies et explosifs et compte 22 personnes, dont six sont entièrement dédiées aux enquêtes sur les incendies.
Les étapes de l’analyse criminologique
Le laboratoire a pour mission de rechercher la présence éventuelle de produits accélérants, fréquemment des liquides inflammables. « Et si l’on peut caractériser la présence de tels produits dans les prélèvements, on peut étayer le caractère criminel de l’incendie », explique le major. La première étape consiste ainsi à cibler les substances très volatiles en chauffant les échantillons et en recueillant les gaz libérés, analysés ensuite par chromatographie en phase gazeuse, technique qui sépare les molécules d’un mélange gazeux.
Après cette étape, les analyses se poursuivent par un spectromètre de masse pour identifier les molécules et établir une empreinte chimique révélant la présence d’accélérants. Une seconde phase vise les « produits plus lourds » (huiles végétales, lubrifiants, fiouls domestiques, etc.) grâce à l’usage de solvants. Les résultats permettent de déterminer si des éléments ont joué un rôle dans l’amorçage du feu.
De la scène du terrain au laboratoire
Rémillon rappelle que l’enquête commence sur le terrain : délimiter la zone de départ du feu et prélever des indices, en coordination avec les techniciens d’identification criminelle, les pompiers et les forestiers. Dans certains dossiers, des équipes cynophiles spécialisées assistent les enquêteurs : « Certains techniciens travaillent avec des chiens dressés pour détecter des produits accélérants », indique-t-il. Si le chien marque un point, des prélèvements sont envoyés au laboratoire pour déterminer s’il s’agit de substances suspectes pouvant indiquer un incendie volontaire.
Les chiens interviennent surtout sur de vastes espaces. Les résultats des analyses, qui peuvent durer de quelques heures à plusieurs jours, aboutissent à un rapport détaillant les conclusions et les implications pour la poursuite de l’enquête. L’objectif est de déterminer la nature des substances détectées, leur rôle éventuel dans le déclenchement du feu et leur localisation par rapport aux lieux d’installation.
Cas récents et enjeux
Ces derniers jours, le laboratoire est au cœur de l’enquête sur l’incendie dévastateur dans le massif des Corbières, dans l’Aude, qui a ravagé 16.000 hectares. Le lieutenant-colonel Dominique Bousquet, chef de la division criminalistique physique et chimie, souligne que ce département est souvent au centre de l’actualité et que l’enquête demeure prioritaire.
Dans le cadre des enquêtes sur l’Aude, l’hypothèse humaine est toujours envisagée et les investigations se poursuivent. « Pour l’instant, aucun élément ne permet d’affirmer s’il est d’origine criminelle ou non. Il faut encore déterminer s’il s’agit d’un acte volontaire ou d’une négligence », précise le major.
Bilan d’activité et portée opérationnelle
L’activité du service est soutenue : l’an dernier, environ 1 000 dossiers lui ont été confiés, dont 60 à 70% liés à des incendies. Si neuf feux sur dix ont pour origine humaine, environ 40% de ces incendies seraient volontaires, rappelle le major, soulignant l’importance des analyses et des prélèvements dans l’orientation des enquêtes.