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Tensions croissantes à Jammu : explosions et coupures d’électricité
Aqib Parray se trouvait près d’une boutique locale à Jammu, dans la région du Cachemire administrée par l’Inde, lorsque les lumières se sont soudainement éteintes tard dans la soirée du jeudi 8 mai. Des détonations retentissantes ont suivi.
Pris de panique, les habitants ont rapidement regagné leur domicile, raconte Parray, 24 ans. Depuis la terrasse de sa maison, il a vu « des missiles dispersés dans le ciel ». Peu après, sa connexion internet a également été coupée. « Nous n’avons jamais vu Jammu dans un tel état », confie-t-il.
Une guerre latente entre deux générations
Deux générations d’Indiens et de Pakistanais n’ont jamais connu une guerre ouverte, avec des coupures d’électricité et la menace constante de missiles, même loin des lignes de front.
En 1999, une guerre limitée avait éclaté autour des hauteurs glacées de Kargil, mais le conflit avait été contenu. Aujourd’hui, alors que l’Inde et le Pakistan s’approchent d’un conflit total, des millions de personnes des deux côtés vivent des scènes inédites dans leur vie.
- 750 000 habitants de Jammu
- Des millions d’autres dans plusieurs villes indiennes
Ces dernières ont été la cible d’attaques jeudi soir, selon le gouvernement indien.
Attaques de drones et missiles
Huit missiles ont été lancés depuis des drones d’origine pakistanaise en direction de Jammu, Satwari et Samba, ainsi que vers des bases militaires à Udhampur et à Pathankot, dans l’État indien du Pendjab, indique le ministère indien de la Défense.
L’Inde assure avoir intercepté tous les engins sans faire de victimes.
Peu après, le ministre pakistanais de l’Information, Attaullah Tarar, a nié toute attaque sur le Cachemire administré par l’Inde ou à travers la frontière internationale.
Une anxiété palpable dans les villes frontalières
La tension est réelle dans les villes indiennes et dans la partie du Cachemire administrée par l’Inde près de la frontière avec le Pakistan ainsi que dans la zone contrôlée par le Pakistan.
Cette montée des tensions survient dix-sept jours après qu’un groupe armé a tué 26 civils à Pahalgam, en Cachemire indien, et deux jours après que l’Inde a frappé au moins six villes pakistanaises avec des missiles.
La menace d’une guerre plane désormais sur les communautés proches de la frontière.
Blackouts dans plusieurs régions du Pendjab indien
Peu après le crépuscule, les autorités du Pendjab indien ont ordonné des coupures totales d’électricité dans plusieurs districts, dont la capitale Chandigarh, ainsi que Jalandhar, Pathankot et Mohali.
Sabarpreet Singh, homme d’affaires de 46 ans d’Amritsar (la deuxième plus grande ville du Pendjab), explique qu’il s’adapte difficilement à ces coupures soudaines :
- « Les choses changent très vite. Je ne parviens pas à dormir la nuit. »
- « Je pense à quitter la ville avec mes enfants et ma femme, ils ont peur quand les sirènes retentissent. »
Mercredi soir, un blackout avait aussi été imposé dans certaines parties de Kutch (Gujarat) et dans des zones limitrophes du Rajasthan, où la frontière pakistanaise traverse le désert du Thar.
Échanges d’artillerie intense le long de la Ligne de Contrôle
La situation est particulièrement grave le long de la Ligne de Contrôle, frontière de facto divisant le Cachemire contesté entre Inde et Pakistan.
Les deux armées s’échangent des tirs d’artillerie lourde, alors que le nombre de blessés et de morts civils ne cesse d’augmenter. Dans ce contexte, l’Inde a commencé à évacuer des milliers de personnes, désormais hébergées dans des abris de fortune.
Un responsable local des renseignements, sous couvert d’anonymat, a déclaré :
- « Il y a eu des tentatives d’attaques contre des sites militaires à Jammu, y compris l’aéroport de défense. »
- « Nous avons confiance dans nos systèmes de défense, mais la situation sécuritaire se dégrade. Nous surveillons chaque instant de près. »
Pression sur Islamabad pour une réponse forte
Selon Praveen Donthi, analyste principal au International Crisis Group, la nervosité indienne est compréhensible :
- Après que l’Inde a frappé en profondeur des territoires pakistanais et du Cachemire administré par le Pakistan le 7 mai, tuant au moins 31 personnes (qualifiées de « terroristes » par New Delhi, mais civiles dont deux enfants selon Islamabad),
- Le Pakistan est soumis à une forte pression pour riposter avec force.
« Le Pakistan devait forcément répondre. Ni le gouvernement ni la société civile pakistanaise n’étaient prêts à une désescalade sans une réponse », explique Donthi.
Un cycle d’escalade sans fin
Lors d’un point presse jeudi, New Delhi a affirmé que le Pakistan avait tenté plus tôt dans la journée d’« engager des cibles militaires » dans plusieurs villes indiennes et au Cachemire administré par l’Inde, notamment Srinagar et Amritsar, en utilisant drones et missiles.
Les forces indiennes auraient « neutralisé » ces tentatives, et New Delhi a riposté en ciblant des systèmes de défense aérienne pakistanais dans plusieurs villes, dont Lahore, la deuxième plus grande ville du Pakistan.
De son côté, Islamabad affirme avoir abattu 25 drones indiens dans plusieurs villes, y compris Lahore et Karachi. Au moins un civil est mort et cinq personnes ont été blessées, selon l’armée pakistanaise.
Réactions officielles et appels à la retenue
Le secrétaire aux Affaires étrangères indien, Vikram Misri, a réitéré jeudi que toute nouvelle attaque pakistanaise serait combattue par New Delhi. Il a insisté sur le fait que l’Inde ne faisait que répondre à l’escalade initiée par le Pakistan, citant l’attaque de Pahalgam comme « point d’escalade initial ».
Le ministère pakistanais des Affaires étrangères a nié toute attaque contre l’Inde ou le Cachemire administré par l’Inde, avertissant que « toute escalade fondée sur de fausses allégations sera confrontée avec une détermination totale ».
Le politologue Sumantra Bose a souligné l’urgence d’une intervention internationale efficace pour désamorcer la crise :
- « Cette situation nécessite une intervention urgente de la communauté internationale avec des efforts diplomatiques efficaces. »
- « Il n’y a aucun soutien mondial pour ce conflit insensé. »
- « La situation a été mal gérée et ne devrait jamais avoir dégénéré à ce point. »
Bose a décrit la spirale d’escalade en cours comme un cycle sans fin de représailles entre les deux pays.
Position des États-Unis et enjeux diplomatiques
Jeudi, la porte-parole du département d’État américain, Tammy Bruce, a déclaré que les États-Unis restaient engagés avec les deux gouvernements à différents niveaux.
Elle a également évoqué la demande pakistanaise d’une « enquête indépendante » sur l’attaque de Pahalgam, affirmant que Washington souhaite que « les coupables soient tenus responsables ». Elle a affirmé soutenir toute initiative dans ce sens.
Pourtant, le secrétaire indien aux Affaires étrangères avait déjà rejeté cette demande, exprimant « aucun confiance dans l’établissement pakistanais pour coopérer ».
Selon Praveen Donthi, l’administration américaine précédente s’était montrée jusqu’au 7 mai prête à laisser la situation évoluer entre l’Inde et le Pakistan, mais il avertit :
« Sauf intervention proactive des États-Unis et d’autres grandes puissances internationales, la situation pourrait dégénérer en guerre totale. »
Pour Sumantra Bose, « c’est déjà un état de guerre » et sans une intervention diplomatique urgente et efficace, la situation risque de s’aggraver rapidement.