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Le rôle des travailleurs sociaux dans l’accompagnement des jeunes en errance
« Qu’est-ce que tu veux faire dans ta vie ? » Cette question, Frédéric Giovanella, un professionnel engagé de Grenoble (Isère), l’a fréquemment posée aux jeunes qu’il a rencontrés au sein de l’association « Logement d’abord jeune ». Âgé de 44 ans et originaire de Nancy, il a personnellement connu une enfance marquée par les foyers et l’exclusion scolaire. Ainsi, durant deux années, il a partagé son vécu avec des jeunes dont les parcours étaient similaires au sien. « Ils s’identifient, ce qui facilite l’établissement d’un lien de confiance », affirme-t-il.
Qu’est-ce qu’un travailleur pair ?
Frédéric Giovanella fait partie des travailleurs pairs, des professionnels souvent employés dans des structures médico-sociales, qui possèdent des « savoirs d’expérience rares » grâce à leurs vécus. « Un travailleur pair peut être un ancien alcoolique qui aide un autre alcoolique », explique-t-il. Bien que ce métier ne possède pas encore de statut reconnu, ni de formation requise, l’expérience personnelle reste le critère déterminant pour l’embauche.
Vers un développement de la pair-aidance
Depuis 2019, un diplôme universitaire intitulé « pair-aidance en santé mentale » a été créé à Lyon 1. Toutefois, Frédéric Giovanella souligne qu’il ne souhaite pas que cela devienne un prérequis : « Les expériences de précarité et d’exclusion sont tout aussi légitimes que les savoirs académiques », précise Elvire Ticchioni, chargée de mission à la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Elle plaide également pour la mise en place de formations continues sur des thèmes précis, telles celles offertes par les antennes régionales de la FAS.
La profession a commencé à se structurer après la loi de janvier 2002 sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale, qui a légitimé les « savoirs d’expériences ». Des initiatives se sont multipliées en France, même si le nombre exact de travailleurs pairs reste difficile à établir. L’objectif est d’encourager et de renforcer cette pratique, comme en témoigne un appel à projets en 2015 qui visait à promouvoir le travail pair. Deux ateliers seront organisés à ce sujet lors des journées du travail social de la FAS à Nancy, les 24 et 25 septembre.
Un rôle complémentaire dans le secteur social
« Notre objectif est vraiment de s’appuyer sur notre expérience de vie pour accompagner un pair », déclare Frédéric Giovanella. Le rôle des travailleurs sociaux pairs est particulièrement crucial dans des situations complexes, surtout auprès de personnes souffrant de troubles psychiques ou d’addictions. « Souvent, l’argument qui revient est : “Tu ne peux pas me comprendre.” Avec un travailleur pair, cela change, car il a vécu des situations similaires, ce qui crée un lien authentique », ajoute-t-il. Dans le domaine des addictions, il connaît bien les substances consommées par les personnes qu’il accompagne.
Cependant, certains critiques s’interrogent sur la pertinence des travailleurs pairs et craignent qu’ils ne remplacent les travailleurs sociaux. Selon Elvire Ticchioni, les enquêtes menées au sein du réseau de la FAS montrent que le travail pair est perçu comme complémentaire aux équipes sociales.
Une évaluation menée par la FAS a mis en lumière que le recours à des travailleurs pairs engendre des effets positifs non seulement sur les personnes accompagnées, mais également sur les travailleurs eux-mêmes, qui valorisent leur expérience douloureuse et ressentent un renforcement de leur « sentiment d’utilité sociale ». Toutefois, il est essentiel de rester vigilant face au risque de souffrance psychique lorsque le travail « ne fait plus sens », d’autant qu’il nécessite un engagement personnel et émotionnel considérable.