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La déportation contestée d’un Salvadorien aux États-Unis suscite une vive controverse politique entre l’administration Trump et les démocrates, qui semblent pourtant pris au piège par le profil controversé de l’homme au centre de cette affaire.
Une rencontre médiatique orchestrée par Nayib Bukele
Le président salvadorien Nayib Bukele a organisé avec habileté un rendez-vous public entre le sénateur américain Chris Van Hollen et Kilmar Abrego Garcia, un migrant déporté des États-Unis. Ce cliché, largement diffusé sur les réseaux sociaux, montre les deux hommes assis autour d’une table dans un hôtel à San Salvador, illustrant ainsi la tension politique qui règne autour de cette affaire.
Abrego Garcia, entré illégalement aux États-Unis en 2011 et résidant dans l’État du Maryland, a été renvoyé dans son pays le 15 mars dernier. Il a été placé dans la tristement célèbre prison à haute sécurité Centro de Confinamiento del Terrorismo (Cecot). Depuis cette date, sa femme américaine Jennifer Vasquez, mère avec lui d’un enfant autiste de cinq ans, n’a eu aucune nouvelle de lui.
Profondément indigné par ce qu’il considère comme une injustice, le sénateur démocrate Van Hollen s’est déplacé en Amérique centrale pour rencontrer Abrego Garcia. Après plusieurs tentatives, il a finalement réussi, comme en témoigne la photographie, mais cette victoire pourrait se retourner contre lui et son camp politiquement.
Une mise en scène savamment orchestrée
La rencontre elle-même a été minutieusement mise en scène. Initialement, Van Hollen a frappé à la mauvaise porte, car Abrego Garcia avait été transféré de la prison Cecot vers un autre établissement neuf jours plus tôt. De son côté, le président Bukele a veillé à ce que le détenu porte une chemise colorée à carreaux et une casquette de golf, tandis que des verres de boissons rafraîchissantes étaient disposés devant lui.
Sur le réseau social X, Bukele s’est moqué de la situation, déclarant ironiquement que « comme par miracle », Abrego Garcia était sorti des « camps de la mort et de la torture » pour siroter des margaritas avec le sénateur au cœur du paradis tropical salvadorien. Une image où les verres sont agrémentés de cerises à cocktail a été jointe à son message.
Un dossier juridique complexe
Au-delà de cette mise en scène politique, l’affaire repose sur un dossier juridique délicat. La déportation d’Abrego Garcia, bien que l’homme ne disposait pas d’autorisation de séjour aux États-Unis, n’a pas été menée dans les règles. En 2019, il avait réussi à faire suspendre sa déportation grâce à une décision d’un juge de l’immigration qui reconnaissait qu’il risquait la mort dans son pays en raison de son appartenance présumée au gang MS-13, menacé par son rival Barrio 18.
La Trump Administration a justifié sa déportation par une erreur administrative. Malgré une injonction judiciaire demandant aux autorités américaines de faciliter le retour d’Abrego Garcia sur le sol américain, le gouvernement a refusé d’obtempérer, ce qui a valu un sévère reproche d’une cour d’appel. Les juges ont insisté sur le fait que la Constitution américaine interdit de placer des résidents dans des prisons étrangères sans respecter la procédure légale appropriée.
Pour beaucoup d’opposants à Trump, ce cas illustre une crise constitutionnelle car l’exécutif semble ignorer les ordres de la justice. Le débat s’est même étendu à des voix influentes, comme l’historien Timothy Snyder qui parle d’un début de politique de terreur étatique aux États-Unis.
Parmi les défenseurs d’Abrego Garcia figurent des démocrates traditionnels tels que James Carville, ancien conseiller de Bill Clinton, qui considère que ramener cet homme aux États-Unis doit être une priorité. En revanche, Stephen Miller, ancien conseiller à la Maison Blanche, affirme fermement qu’Abrego Garcia ne reviendra pas et doit choisir de vivre soit au Salvador, soit dans un autre pays.
Une figure controversée pour une bataille politique
Les démocrates se sont peut-être engagés dans un combat périlleux en choisissant Abrego Garcia comme figure de proue. Contrairement aux affirmations de ses avocats, il a été légalement reconnu membre du gang MS-13, classé organisation terroriste par Trump cette année. De plus, des documents attestent d’un passé violent, notamment envers sa femme qui a sollicité des ordonnances de protection après avoir été agressée physiquement à plusieurs reprises en 2020 et 2021.
En 2022, Abrego Garcia a été arrêté dans le Tennessee pour excès de vitesse alors qu’il transportait illégalement huit passagers sans permis valide, un acte suspecté de trafic d’êtres humains, mais il a été relâché. Selon l’analyste Byron York, plus on en apprend sur lui, plus il paraît être une personne dont la déportation est justifiée.
Donald Trump s’est exprimé longuement sur Abrego Garcia lors d’une conférence de presse vendredi, énumérant ses méfaits et questionnant les démocrates : « C’est l’homme que les démocrates veulent faire revenir du Salvador ? ». Il a opposé ce cas à celui de Patty Morin, mère d’une victime assassinée brutalement par un immigrant illégal salvadorien dans le Maryland. La Maison Blanche a relayé cette opposition sur X, mettant côte à côte les images de Trump avec Patty Morin et de Van Hollen avec Abrego Garcia, sous le slogan : « Nous sommes différents ».
Une politique d’immigration au centre du débat
Donald Trump rappelle régulièrement que sa politique migratoire a été la clé de son élection présidentielle. Bien que ses sondages de popularité soient en baisse, une enquête NBC récente montre que 53 % des Américains soutiennent sa politique frontalière et 52 % ses déportations. De leur côté, les démocrates doivent réfléchir à la pertinence de concentrer leur opposition sur ce dossier sensible, surtout avec une figure aussi controversée qu’Abrego Garcia.