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Le rôle innovant du son dans les musées : focus sur le Musée du Quai Branly
Situé dans un recoin de la zone Amériques, le poteau cérémonial rewe du Musée du Quai Branly à Paris, longtemps abandonné au silence, retrouve une nouvelle vie. Cet homme-totem en bois, originaire du sud du Chili, était autrefois le gardien des rituels mapuches. Aujourd’hui, un chant traditionnel, enregistré par un chaman lors d’une visite à Paris, s’élève autour de lui grâce à un parcours sonore novateur qui accompagne les visiteurs.
Une installation sonore immersive
Cette initiative, fruit de quatre années de recherche et de conception menée en collaboration avec la société Narrative et une équipe de designers sonores, se compose d’une centaine de haut-parleurs et vibreurs intégrés discrètement dans l’architecture du musée. Des sons ciblés émanent parfois d’une vitrine spécifique, comme les mélodies des vases siffleurs pré-hispaniques, relançant l’intérêt grâce à l’interprétation du flûtiste Pierre Hamon. Parallèlement, la salle contenant des icônes éthiopiennes du XVIIe siècle résonne des chants de l’église Sainte-Marie d’Addis-Abeba, enregistrés en 2003.
Captiver l’attention des visiteurs
« Nous avons créé des paysages sonores, mélangeant sons de la nature et bruits d’activités humaines », précise Éric de Visscher, commissaire de l’exposition. Ces ambiances sonores visent à enrichir l’expérience des visiteurs en leur permettant d’écouter attentivement, ce qui les incite à voir les œuvres sous un nouvel angle. De nombreux sons, de croassements de grenouilles à des bruits de fabrication de textiles polynésiens, contribuent à une immersion totale dans chaque région géographique présentée.
Des expériences sonores à affiner
Bien que cette approche soit ambitieuse, elle n’est pas une nouveauté dans le milieu muséal. Le Musée d’histoire naturelle de New York avait déjà introduit des systèmes de diffusion sonore dès les années 1930. Cependant, le manque de technologie accessible a souvent limité ces initiatives. Ce n’est que dans les années 1990 que les musées consacrés aux sciences et à l’art ont véritablement commencé à exploiter le son pour enrichir l’expérience des visiteurs. Toutefois, l’utilisation d’audioguides et de bornes interactives a souvent abouti à des expériences peu satisfaisantes, enfermant les visiteurs dans des bulles sonores peu engageantes.
Valorisation du patrimoine immatériel
Au Musée du Quai Branly, un travail minutieux a été réalisé pour valoriser le patrimoine sonore et authentique. Les équipes scientifiques ont œuvré pour capturer des sons fidèles à ceux que l’on trouve dans les différentes régions évoquées. « Chaque son d’oiseau entendu est conforme à l’écosystème local représenté », souligne Luc Martinez, designer sonore. Des considérations éthiques sont également prises en compte, notamment en s’assurant d’obtenir l’accord des communautés avant d’utiliser certains enregistrements.
Un équilibre à trouver
Malgré la reconnaissance croissante du design sonore, des professionnels comme Éric de Visscher mettent en garde contre les dérives possibles liées aux nouvelles technologies. Bien que les expériences multisensorielles offrent de belles opportunités pour attirer un public varié, elles ne doivent pas se faire au détriment de l’intégrité scientifique et du respect des œuvres exposées.
À découvrir ailleurs : parcours sonores remarquables
Outre le Musée du Quai Branly, d’autres établissements proposent des expériences sonores enrichissantes. L’Hôtel de la Marine à Paris, ouvert depuis 2021, offre un parcours immersif via un casque ouvert permettant d’entendre des saynètes qui plongent le visiteur dans le passé. De même, l’abbaye de Noirlac dans le Cher a récemment inauguré un parcours sonore alliant psaumes en latin et sons de la nature, créant ainsi une atmosphère propice à la sérénité du lieu.