Table of Contents
Malgré les avancées scientifiques, la contention et l’isolement restent employés en psychiatrie : en 2022, 8 000 patients ont été soumis à ces pratiques, selon le témoignage et le récit d’une patiente qui a vécu plusieurs épisodes traumatiques et qui raconte son expérience dans un livre.
Contention et isolement : le témoignage de Philippa Motte
Il y a vingt ans, Philippa Motte a traversé « un épisode maniaque d’une rare intensité ». Après avoir arpenté le bitume parisien pendant plusieurs jours, elle perd pied et est internée. Elle raconte un séjour marqué par la peur et la douleur, où les mesures coercitives ont été employées sans qu’elle comprenne pleinement ce qui se passait.
« On m’a mise dans une pièce fermée à clé, au départ sans me donner beaucoup d’explications », raconte-t-elle.
Selon son récit, face à son agitation, la réponse a été la contention. Elle décrit l’intervention de l’équipe soignante : « J’étais très agitée, et la réponse à ce comportement, ça a été la contention. On est venu, avec une ceinture en cuir, avec deux poignées sur le côté. C’est tellement brutal ! Ce qui est extrêmement frappant, c’est le degré de peur, même de terreur dans lequel j’étais. »
Philippa rapporte avoir gardé un traumatisme lourd de cet épisode. Elle explique que ses réactions ultérieures en établissement étaient conditionnées par la mémoire de cette contrainte :
« Toute une partie de mes réactions, quand j’étais prise en charge et hospitalisée, étaient déterminées par cet épisode traumatique où, même si j’étais très agitée intérieurement, j’avais une forme d’hypervigilance. Je savais jusqu’où les choses pouvaient aller. »
Longtemps dans le silence et la honte, elle a fini par écrire un livre, Et c’est moi qu’on enferme (Stock), et est devenue formatrice en santé mentale en entreprise. Elle met aujourd’hui son expérience au service de son message : ces pratiques, selon elle, n’ont plus leur place en psychiatrie.
À Périgueux, le psychiatre Hugo Baup met en cause l’efficacité clinique
Le témoignage de Philippa rejoint les critiques de certains professionnels. Hugo Baup, psychiatre à l’hôpital de Périgueux, en Dordogne, conteste l’intérêt thérapeutique de ces mesures :
« L’isolement et la contention sont des pratiques qui, en psychiatrie, n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité clinique. C’est-à-dire qu’on le présente souvent comme un soin, sans qu’on ait jamais mesuré, dans la littérature scientifique, qu’il permettait à des gens qui souffrent d’un accès maniaque de la maladie bipolaire ou d’une décompensation psychotique dans la schizophrénie, d’aller mieux. »
Comme de nombreux confrères, il a signé un manifeste pour l’abolition de la contention en juin dernier. Ce positionnement illustre un courant de réflexion au sein de la profession qui remet en question l’usage de la contrainte au nom de l’évaluation de son efficacité et du poids traumatique qu’elle peut laisser chez les patients.
Le débat porte à la fois sur l’encadrement légal et éthique de ces pratiques, et sur l’existence d’alternatives thérapeutiques moins coercitives. Pour les patients comme pour certains praticiens, la reconnaissance des effets traumatiques et la recherche de prises en charge respectueuses sont au cœur des revendications.
Conséquences et parole des victimes
Le récit personnel de Philippa illustre les conséquences psychiques durables que peuvent avoir la contention et l’isolement : peur intense, hypervigilance et détermination de comportements ultérieurs par le souvenir d’une contrainte. Son livre et son activité de formation montrent également comment la parole des personnes concernées participe à la visibilité de ces pratiques.
La référence chiffrée — 8 000 patients concernés en 2022 — rappelle que ces situations ne sont pas isolées et soulève la question de leur place dans les pratiques contemporaines de la santé mentale. Le témoignage et les prises de position médicales cités ici insistent sur la nécessité d’un débat public et professionnel sur l’usage, l’encadrement et l’éventuelle suppression de ces mesures.