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Depuis un an et demi, Fabrice Robin, un Vendéen de 58 ans, a mené un combat acharné pour éviter l’amputation de sa jambe, menacée par l’usure de sa prothèse de genou. L’entreprise américaine Stryker, qui a racheté le fabricant français Serf, avait cessé la production des pièces indispensables au maintien de sa prothèse. Mardi soir, son chirurgien du CHU de Saint-Étienne lui a annoncé une nouvelle inattendue : une opération est bien prévue en septembre.
Après un an et demi de lutte, Fabrice Robin a réussi à faire plier Stryker. L’entreprise va fabriquer les pièces nécessaires pour sa prothèse portée depuis ses vingt ans, évitant ainsi une amputation qui semblait inévitable.
Un combat contre l’abandon des pièces détachées
Pour sauver sa jambe, Fabrice Robin a multiplié les démarches : appels incessants à Stryker, lettres adressées aux autorités, sollicitation de députés et médiatisation de sa situation. En dépit de ces efforts, l’entreprise est restée silencieuse, n’indiquant que l’arrêt définitif de la production des pièces de rechange, ce qui condamnait son genou à l’amputation. Refusant cette issue, le Vendéen n’a jamais abandonné.
Une prothèse de genou depuis plus de 38 ans
En 1985, à 18 ans, Fabrice Robin est victime d’un grave accident de voiture. Après deux années d’opérations infructueuses, son kinésithérapeute lui recommande de consulter le Dr Bousquet à Saint-Étienne. Ce dernier lui propose une prothèse révolutionnaire qui lui permet de retrouver une vie presque normale. Toutefois, il avertit Fabrice qu’il devra subir plusieurs interventions pour remplacer les pièces intermédiaires de la prothèse, situées au niveau de l’articulation du genou.
Ces interventions ont eu lieu en 1994 et 2008. Mais à la fin de 2023, les pièces sont de nouveau usées et le chirurgien Pr Farizon, successeur du Dr Bousquet, informe Fabrice que la production de ces composants a été arrêtée. Conformément à la législation française qui n’exige la disponibilité des pièces que pendant dix ans, Stryker refuse désormais de les fabriquer.
Face à cette situation, l’entreprise explique qu’elle collabore avec les chirurgiens pour trouver des solutions réglementaires, mais ne peut divulguer de détails sur des cas individuels.
Un problème partagé par plusieurs patients
Lorsque les pièces intermédiaires ne sont plus disponibles, la seule alternative est de remplacer intégralement la prothèse. Ce qui pose un problème majeur, car ces prothèses sont vissées directement dans les os du fémur et du tibia. Leur retrait nécessite de casser ces os, rendant souvent impossible la pose d’une nouvelle prothèse, et conduisant ainsi à l’amputation.
Fabrice Robin, qui porte cette prothèse depuis 38 ans, refuse cette solution radicale. Il a découvert, après médiatisation de son cas, qu’il n’était pas seul : plusieurs patients en France sont dans l’attente des pièces de rechange pour leurs prothèses Bousquet, largement rachetées par Stryker.
Olivier Guglielmo, 55 ans, d’origine azuréenne, partage un parcours similaire. Opéré à 17 ans par le Dr Bousquet après un accident, il a lui aussi dû remplacer à deux reprises les pièces de sa prothèse. Depuis fin 2023, il fait face au même blocage et refuse également l’amputation. Il alerte sur les risques, notamment la métallose due au frottement métal contre métal, qui peut endommager les tissus environnants.
Un vide juridique à combler
Pour Fabrice Robin et d’autres patients, la solution passe par une réforme législative. Ils réclament une obligation pour les fabricants de garantir la disponibilité des pièces détachées tant que le patient est en vie. À défaut, ils souhaiteraient que les plans de fabrication soient transmis à d’autres producteurs, à l’image des médicaments génériques.
Le chirurgien Pr Farizon a demandé à Stryker d’utiliser des matériaux plus durables afin que les pièces durent plus longtemps. Mais cela ne garantit pas que ce problème ne réapparaisse pas dans quinze ou vingt ans. Fabrice insiste sur le fait que préserver la production à la demande est une question de dignité, non d’argent, étant donné les contraintes de stérilisation qui empêchent le stockage à long terme.
La Direction générale de la Santé confirme qu’il n’existe pas d’obligation légale pour les entreprises à maintenir la fabrication des dispositifs médicaux. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en collaboration avec les ministères de la Santé et de l’Industrie, travaille à la recherche de solutions alternatives face à la pénurie de ces dispositifs.
Une victoire temporaire grâce à la mobilisation
Grâce à la pression médiatique, une solution provisoire a été trouvée. Stryker va fabriquer les pièces nécessaires aux États-Unis dans une unité spéciale de son usine. Ces pièces seront ensuite contrôlées par d’anciens employés de Serf pour assurer leur conformité.
Pour Fabrice Robin, c’est « un deuxième miracle ». Il reste mobilisé pour que cette victoire profite à tous, soulignant qu’une centaine de patients est toujours dans l’attente. Il espère que sa prochaine opération lui permettra de conserver sa jambe et d’améliorer la vie de nombreux autres patients en faisant évoluer la loi.