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Les incendies qui ont ravagé des quartiers de Los Angeles le 7 janvier 2025 ont libéré des nanoparticules toxiques dans l’air, menaçant la santé des habitants et posant des questions sur la pollution de l’air et la santé environnementale ; des chercheurs se sont mobilisés pour mesurer précisément ces risques invisibles.
Nanoparticules toxiques après les incendies de Los Angeles du 7 janvier 2025
Le 7 janvier 2025, des vents Santa Ana soufflant à plus de 160 km/h ont attisé des incendies urbains qui ont détruit des milliers de domiciles dans Pacific Palisades et Altadena, après plus de huit mois sans pluies significatives. Ces feux n’étaient pas des feux de végétation typiques mais des incendies urbains où la majeure partie du combustible était d’origine humaine : produits de pelouse, isolants contenant de l’amiante, peintures au plomb, batteries au lithium — « very toxic stuff », selon le contexte du terrain.
Nicholas Spada, chercheur au Air Quality Research Center de l’Université de Californie à Davis, et quelques autres spécialistes au monde utilisent une méthode nucléaire, la PIXE (particle‑induced x‑ray emission), pour analyser des particules d’aérosols et identifier des éléments toxiques jusque dans les nanoparticules. Spada explique sa philosophie : « air is everything », et défend le droit des populations à savoir ce qu’elles respirent. Il résume son approche : “You don’t get to choose what you breathe. So we have to measure it, make it visible, make it actionable.”
Les nanoparticules, d’une taille inférieure à 0,1 micromètre, sont particulièrement dangereuses car « the smaller the particles, the deeper they go into the lungs and the harder they are to remove », comme le souligne Mohammed Baalousha, chercheur collaborateur. À cette échelle, des éléments normalement inertes peuvent devenir toxiques : l’exemple cité est le dioxyde de titane (titanium dioxide) qui, soumis à de fortes températures, peut se convertir en monoxyde de titane (titanium monoxide), plus instable et délétère pour les tissus.
Méthodes de terrain, analyses et premiers constats
Six jours après le début des incendies, Spada a déployé des échantillonneurs d’air « DRUM » (Davis Rotating Unit for Monitoring) auprès de volontaires à Los Angeles. Ces appareils, d’environ la taille d’un bagage cabine, filtrent l’air en huit fractions allant de PM10 à PM0,09 (PM10 jusqu’à PM0,09), avec des rotations programmées ; Spada a opté pour des rotations toutes les deux heures pour affiner la résolution temporelle. Il a installé la première unité dans un jardin à West Hills vers 16h.
Parallèlement, des collectes d’échantillons d’ash (cendres) ont été organisées par des bénévoles tels que Melissa Bumstead et Jeni Knack, qui se sont étonnées de voir des équipes de nettoyage travailler sans protection adéquate. « They were helping—with the best intentions. But nobody had warned them that the ash might contain toxic metals or worse », a relevé Bumstead.
Spada compare aussi les signatures des incendies urbains avec un feu de broussailles simultané, le Hurst Fire, qui a brûlé plus de 200 hectares près de Sylmar et n’a pas détruit de structures. Contrairement au Hurst Fire, les incendies d’Eaton et des Palisades ont montré des niveaux significativement plus élevés de plomb, cadmium, antimoine et amiante — des contaminants associés aux structures et matériaux bâtis plutôt qu’à la végétation. Pire, ces métaux se retrouvaient souvent dans les fractions ultrafines (< 0,1 µm) : « Ultrafine. Inhalable. Persistent. »
Les sites de surveillance (Pasadena, Santa Monica, Hollywood et West Hills) ont tous présenté des concentrations élevées de matériaux inorganiques — sodium, magnésium, aluminium, silicium, phosphore, soufre, chlore, potassium, calcium, titane, fer, cuivre, zinc — avec des niveaux plus élevés pendant la phase active des incendies que durant la phase de combustion lente. Un signal inattendu est venu de West Hills, site le plus éloigné des flammes, où des particules très fines de titane, fer et cuivre ont été détectées en forte concentration, possiblement liées au passage de fumées d’un autre incendie (Hughes Fire) qui a brûlé un peu plus de 4 000 hectares au nord de Santa Clarita.
Analyses en laboratoire et limites des résultats préliminaires
Les filtres collectés ont été traités au Crocker Nuclear Laboratory de UC Davis, qui abrite un accélérateur de particules initialement construit pour le projet Manhattan et transféré au campus dans les années 1950. La PIXE permet d’identifier des éléments par leur « empreinte » en rayons X : « It’s like a fingerprint », dit Spada. Cette méthode nondestructive autorise plusieurs scans mais reste lente et, à elle seule, insuffisante pour quantifier précisément certains métaux lourds. Spada prévoit d’utiliser ensuite la fluorescence X induite par synchrotron (SXRF) pour des mesures métalliques plus fines.
Les premières analyses faites en collaboration avec le laboratoire de Mohammed Baalousha ont servi de dépistage environnemental comparé à des seuils conservateurs définis par un consortium académique. Spada et ses partenaires ont averti les familles que ces rapports n’étaient « not diagnostic tools, not exposure‑level tests, but environmental screeners compared against conservative thresholds agreed upon by an academic consortium. » Les résultats ont été variables : « The data is more mixed than I expected. Some areas had surprisingly little impact. Others were enormously impacted. »
En l’absence de normes réglementaires adaptées aux nanoparticules et aux matériaux macroscopiquement sûrs mais dangereusement réactifs à l’échelle nanométrique, les universitaires ont été contraints d’élaborer des guides provisoires pour l’interprétation et le nettoyage. Spada publie des rapports destinés aux familles, incluant conseils de protection, matériel de nettoyage et glossaire en langage accessible : « He wanted it readable—like, for families, not scientists. »
Collaboration, justice environnementale et suites
Pour Spada et ses collaborateurs, ce travail est aussi une question de justice : « This work is about justice. If you don’t measure it, you’re allowing invisible harm to continue. I do this because people deserve clean air, even if they can’t see what’s wrong with it. » Les appels se sont succédé tout l’été, de résidents, de scientifiques et d’agents municipaux demandant explications et comparaisons. Spada insiste sur la transparence des données et la formation communautaire : il a mis au point des échantillonneurs portables, formé des volontaires au maniement sécuritaire des cendres et produit des rapports compréhensibles par le public.
Les analyses complémentaires (SXRF, analyses thermiques‑optiques pour le carbone organique et élémentaire, spectroscopies moléculaires) sont en cours ou planifiées. Spada et ses pairs estiment que seule une combinaison d’analyses, de protocoles rapides de surveillance et d’enregistrements de référence dans les écoles et lieux publics pourra donner aux communautés les moyens d’agir pour la santé environnementale après des incendies urbains.
Spada conclut sur l’objectif humain de ses travaux : « I’m building a record. But I’m also building trust. »