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Les allergies touchent aujourd’hui environ 1 Français sur 3 et leur prévalence ne cesse d’augmenter. Si la génétique joue un rôle majeur, les facteurs environnementaux et le mode de vie influencent aussi l’apparition. Cet article explore ce qui est réellement héréditaire dans l’allergie et les stratégies de prévention pour les enfants, même lorsque l’un des parents est allergique.
Les allergies se transmettent-elles génétiquement ?
Parler d’« allergie héréditaire » ne désigne pas un type d’allergie spécifique, mais la dimension génétique de la prédisposition. « Ce dérèglement ne signifie pas que nous naissons allergiques. Nous devenons allergiques un jour lorsque notre système immunitaire se dérègle », explique le Dr Édouard De Sèves, allergologue. Cette dérèglement survient lorsqu’un individu entre en contact avec une substance allergène et que son système immunitaire réagit de façon excessive, provoquant une inflammation et des manifestations comme la rhinite, l’urticaire ou l’asthme.
La notion d’atopie regroupe plusieurs affections telles que l’eczéma, l’asthme ou diverses allergies. « Il n’existe pas de gène de l’allergie aux arachides ou aux acariens, mais un ensemble de gènes qui prédisposent à déclencher l’allergie : c’est ce qu’on appelle l’atopie », précise le médecin.
La marche atopique, la forme la plus évidente d’allergie d’origine héréditaire
La marche atopique illustre la forme la plus reconnaissable d’allergie liée à une prédisposition génétique. Elle concerne surtout les enfants issus de familles atopiques, c’est-à-dire ayant un terrain héréditaire favorable au développement d’allergies. « On parle depuis 15 à 20 ans de la marche atopique : un enfant qui développe très jeune de l’eczéma aura plus de risque de voir apparaître une allergie au lait, puis l’asthme et enfin une rhinite allergique ou le rhume des foins », selon le docteur De Sèves. Ce schéma reflète une sensibilité du système immunitaire dès le plus jeune âge et montre jusqu’où l’hérédité peut influencer le parcours allergique.
Cependant, même dans ces cas très génétiques, des facteurs environnementaux comme la pollution atmosphérique, le mode de vie ou certaines infections précoces peuvent moduler la gravité ou la chronologie des symptômes.
L’allergie : des facteurs héréditaires… et environnementaux
Notons que toutes les allergies ne suivent pas le schéma de la marche atopique. La majorité des allergies se développe en dehors de ce cadre et peut apparaître chez des personnes sans antécédents familiaux connus. Ces formes d’allergie restent influencées par des facteurs génétiques dits de « susceptibilité » et, surtout, par l’environnement — pollution de l’air, alimentation, hygiène, expositions répétées à certains allergènes — qui peuvent déclencher une réaction allergique chez une personne sans antécédents familiaux.
Aujourd’hui, environ un Français sur trois est concerné par au moins une allergie, un chiffre en constante augmentation et marquant une problématique de santé publique liée à une interaction complexe entre héritage et milieu.
Ni l’âge d’apparition, ni les symptômes ne sont héréditaires !
Si l’hérédité peut favoriser la prédisposition, ni l’âge d’apparition ni la nature des symptômes ne sont directement liés aux facteurs génétiques. Autrement dit, même avec un terrain atopique, un enfant n’est pas nécessairement destiné à développer des symptômes à un âge précis observé chez ses parents.
« L’allergie peut débuter à tout âge », précise le docteur Édouard De Sèves, et elle peut aussi s’aggraver ou disparaître au fil du temps. Les allergies évoluent souvent de manière complexe, influencées par les changements environnementaux (déménagement, exposition à de nouveaux allergènes) ou par des facteurs liés à des étapes de vie comme la puberté ou la grossesse.
Comment éviter que mon enfant soit allergique comme moi ?
Pour prévenir l’apparition des allergies chez l’enfant, plusieurs recommandations s’appuient sur des travaux récents. Selon le médecin, l’hydratation répétée de la peau des nourrissons est importante pour prévenir l’eczéma, mais ne semble pas influencer directement le risque d’allergies cutanées. L’introduction précoce d’une diversification alimentaire peut, en revanche, jouer un rôle clé dans la prévention des allergies alimentaires. L’approche moderne recommande d’introduire tous les aliments dans la première année de vie, en particulier pour les enfants à haut risque.
La diversification alimentaire dès le plus jeune âge, entre 4 et 11 mois, a été associée à une réduction significative du risque d’allergie à certains aliments, notamment l’arachide, chez les enfants à haut risque. Des autorités pédiatriques recommandent désormais une introduction précoce des allergènes solides dès 4 à 6 mois, avec l’allaitement possible jusqu’à 6 mois.
La théorie hygiéniste, qui suggère que moins d’exposition à des microbes en jeune âge pourrait favoriser les allergies, est à nuancer. Si une exposition raisonnable à l’environnement et à des stimuli microbiens est bénéfique, une hygienisation excessive et l’exposition à la pollution urbaine peuvent augmenter les risques. L’approche recommandée est une hygiène mesurée, combinée à une exposition adaptée à l’environnement.
La diversification alimentaire dès le plus jeune âge
Des études montrent que la diversification alimentaire précoce, commencée dès 4 mois et poursuivie jusqu’à 9 mois, peut réduire le risque d’allergies alimentaires. L’introduction des aliments réputés allergènes dans la première année est aujourd’hui largement encouragée par les sociétés savantes, et soutenue par des recherches majeures comme l’étude LEAP, qui a démontré une réduction d’environ 80 % du risque d’allergie à l’arachide chez les enfants à haut risque lorsqu’elle est introduite entre 4 et 11 mois.
Une hygiène sans excès et une exposition adaptée
Adopter une hygiène raisonnable permet de préserver la barrière cutanée sans surprotection inutile. Exposer progressivement l’enfant à son environnement — animaux domestiques, nature et pollens — peut aider à développer une tolérance immunitaire. En revanche, éviter une vie sociale et naturelle n’est pas souhaitable et peut favoriser d’autres problématiques immunitaires.
Prévenir les allergies chez l’enfant à risque : faut-il faire des tests chez l’allergologue ?
Même si l’un ou les deux parents souffrent d’allergies, il n’est pas recommandé de réaliser des tests allergologiques chez un enfant qui ne présente encore aucun symptôme. Un terrain familial augmente certes le risque, mais cela ne justifie pas un dépistage systématique. Les bilans allergologiques peuvent donner lieu à de faux positifs et mener à des évictions alimentaires injustifiées, perturbant la diversification alimentaire et potentiellement augmenter le risque global d’allergies.
Allergie héréditaire : quels traitements ? Existe-t-il des médicaments ?
Qu’elle soit liée ou non à une prédisposition génétique, la prise en charge d’une allergie repose sur les symptômes et leur gravité. Une allergie alimentaire est gérée par l’éviction de l’aliment concerné, parfois complétée d’un traitement d’urgence en cas de risque de choc anaphylactique. Pour la rhinite, l’asthme ou l’eczéma, les traitements incluent des médicaments symptomatiques tels que les antihistaminiques, les corticoïdes ou les bronchodilatateurs. La désensibilisation, ou immunothérapie allergénique, peut être proposée dans certains cas, notamment pour les allergies respiratoires ou les piqûres d’insectes.
Ce qui change, c’est la vigilance : un enfant dont les parents sont allergiques sera surveillé de près s’il manifeste des premiers signes. En l’absence de symptômes, aucun traitement préventif n’est nécessaire, quelle que soit l’histoire familiale.