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Au nom de la défense des terroirs et de la qualité de leurs produits, la mobilisation en cuisine pour le retrait de la loi Duplomb prend de l’ampleur, dans un secteur qui reste généralement discret sur ses opinions politiques.
La contestation des chefs
Tout a commencé début juillet avec une photo d’un pré d’herbes sauvages du Mont Mézenc (Haute-Loire), postée sur Instagram par le chef trois étoiles Jacques Marcon. Accompagnée d’un message percutant adressé au sénateur Laurent Duplomb, rapporteur de la loi éponyme, Marcon a dénoncé l’initiative : « Avec cette loi, vous vous êtes érigé en porte-parole de l’industrie agroalimentaire qui privilégie une agriculture intensive et néfaste pour les générations futures ». La loi Duplomb prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde, interdit en France mais autorisé en Europe. Plus de 1,8 million de Français ont déjà signé une pétition demandant son retrait.
Un appel à la mobilisation
Malgré la réticence habituelle de la profession à exprimer des opinions politiques, le texte du chef Marcon a été largement partagé par de nombreux restaurateurs sur les réseaux sociaux. Parmi eux, Glenn Viel, chef trois étoiles et membre du jury de « Top Chef », a exprimé son incompréhension face à la loi : « Je ne comprends pas (cette loi) », déplorant les pesticides qui polluent la terre alors que « l’alimentation a une grande part (de responsabilité) dans les cancers ». Il a également souligné la nécessité de soutenir les agriculteurs dans leur transition écologique.
Marie-Victorine Manoa, une jeune cheffe, a quant à elle expliqué que cette loi était un « coup de massue », ajoutant que « cuisiner des produits médicamentés et stériles n’excite personne ».
Une tribune pour le changement
Suite à la prise de parole de Jacques Marcon, une tribune a été lancée pour rassembler les mécontents, initiée par l’entreprise Ecotable, qui soutient les restaurateurs vers une plus grande éco-responsabilité. Elle a déjà recueilli près de 400 signatures, allant des chefs étoilés aux cantines, en passant par des bistrots et des groupes de restaurateurs-paysans. Intitulée « Nous faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner », cette tribune exprime l’inquiétude des restaurateurs face à la qualité des produits qu’ils servent.
Le texte reconnaît également les défis auxquels font face les agriculteurs, tiraillés entre rentabilité et demandes croissantes pour une agriculture durable. Beaucoup se sentent coincés dans un système qui exige toujours plus pour moins de prix.
Un changement nécessaire
Malgré le caractère timide de cette mobilisation, elle est rare dans un milieu souvent critiqué pour sa passivité face aux enjeux environnementaux. Fanny Giansetto, fondatrice d’Écotable, a affirmé que les chefs, bien que peu enclins à s’exprimer, doivent « taper du poing sur la table » pour défendre leurs convictions.
Jacques Marcon, tout en se déclarant « responsable » de la loi, a exprimé son désir de devenir « un vrai militant de la cause agricole et environnementale », appelant son secteur à se remettre en question et à soutenir les agriculteurs. Il a également déploré certaines pratiques qui nuisent à l’agriculture durable, comme la pression sur les prix ou l’abandon de races traditionnelles au profit de produits étrangers. Cependant, il note que la jeune génération semble plus désireuse de provoquer un changement positif.