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Médicaments anti-obésité : nouvelles inquiétudes en France

by Sara
France

Alors que la prescription élargie des médicaments anti-obésité suscite un vif intérêt, les Français n’ont pas (encore) massivement adopté ces traitements : un peu moins de 40 000 patients étaient sous traitement à la fin juin selon les données Iqvia pour la FSPF, et les pharmaciens n’ont pas constaté d’envolée de la demande en juillet.

Élargissement des prescriptions depuis le 23 juin et accès élargi

Jusque-là réservées aux obésités les plus sévères, les molécules telles que Wegovy et Mounjaro sont désormais prescrites à partir d’un indice de masse corporelle de 30 (par exemple 87 kg pour 1,70 m), voire 27 sous conditions. Elles peuvent également être prescrites par tous les médecins, et non plus uniquement par des spécialistes, depuis le 23 juin.

Cette évolution a élargi le marché et attiré de nombreux acteurs, dans un contexte où d’autres pays enregistrent déjà des chiffres élevés : par exemple, 1,6 million de Britanniques sont traités par ces produits. En France, ces traitements ont été autorisés sans prise en charge par la collectivité, entraînant des conséquences en matière d’inégalités d’accès et de prix.

Prix et disparités : écarts allant jusqu’à 468 € pour un mois

Le coût du traitement représente une première difficulté pour les patients : le prix moyen toutes doses confondues était de 265 € par mois à la fin juin, selon Iqvia pour la FSPF. En l’absence de remboursement, les officines fixent librement leurs tarifs. « Les industriels négocient avec les grossistes. Eux-mêmes négocient avec les pharmaciens, qui fixent ensuite leur marge comme ils l’entendent », détaille Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France.

Face à cette variation, des initiatives citoyennes ont émergé : Bénédicte Lagardette, qui a débuté les injections en juin, a lancé sur Facebook une carte des prix alimentée par les internautes et recense 467 pharmacies. Elle raconte : « Quand j’ai démarré les injections en juin, j’ai contacté quelques pharmacies autour de chez moi pour connaître les tarifs : ils allaient de 170 euros à 350 euros ! » D’après les contributions, les tarifs déclarés pour un mois de traitement vont de 120 € à 468 €.

Offres en ligne, livraisons et risques pour la chaîne du froid

L’ouverture du marché a aussi favorisé l’émergence d’une offre sur Internet : sites étrangers qui vendent sans téléconsultation, délivrances d’ordonnances via questionnaire en ligne, et services de livraison d’injections à domicile. Certains opérateurs misent sur la simplicité de commande : un formulaire et, parfois, quelques photos suffisent pour passer commande.

Les professionnels alertent sur les dangers de ces pratiques illégales et risquées. « Le patient pourrait ne jamais être livré, ou pire, recevoir des produits de piètre qualité. Sans compter que ces médicaments doivent être conservés au frigo : comment la chaîne du froid peut‑elle être respectée dans ces conditions ? », s’interroge Pierre‑Olivier Varlot, président de l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine).

Une alternative proposée par certains sites consiste à fournir des ordonnances sur la base d’un questionnaire, puis à laisser le patient s’approvisionner en pharmacie ; ce contrôle reste toutefois jugé fragile pour des patients qui nécessitent un suivi médical rapproché.

Accompagnement numérique et vigilance des spécialistes

Des acteurs nationaux de la téléconsultation et de nouveaux entrants proposent des programmes d’accompagnement, combinant suivi médical à distance, conseils nutritionnels et coaching. Le Dr François Burté, à la direction médicale d’une plateforme de téléconsultation, explique : « Nos médecins vont mettre en place un parcours personnalisé pour chaque patient, avec des consultations thématiques à distance, mais aussi un dépistage des pathologies liées à l’obésité, dans le cadre d’un référentiel de bonnes pratiques pour la prescription des médicaments. »

De plus petits services numériques, comme des applications fournissant vidéos et outils interactifs, proposent des parcours à 49 € par mois, ou 35 € à 50 € sur d’autres plateformes. François‑Xavier Trancart, cofondateur d’Annette.care, précise : « Notre offre a été validée par des médecins, et les patients ont la possibilité de s’adresser à des diététiciens et des coachs, en plus du suivi par leur spécialiste. »

Les spécialistes accueillent ces innovations avec prudence. « Il n’y a pas de raison de s’y opposer a priori, des applications peuvent apporter une grande aide, car voir les patients très régulièrement n’est pas toujours facile », indique le Pr Jean‑Michel Oppert, chef du service de nutrition de l’hôpital de La Pitié Salpêtrière (AP‑HP). Il insiste cependant sur la nécessité d’évaluations : savoir réagir aux effets secondaires et décider de l’arrêt du traitement fait partie intégrante du suivi médical.

La Pr Karine Clément, présidente de l’Aféro, met en garde : « S’il s’agit de programmes structurés, avec des équipes médicales solides et un contenu validé, pourquoi pas. Mais attention aux services opportunistes qui vont se limiter à la délivrance rapide d’une ordonnance. »

Vers des recommandations communes à l’automne

Pour encadrer l’usage de cette nouvelle classe de médicaments et des services numériques, l’Aféro prépare, avec d’autres spécialistes, un document de référence attendu pour l’automne. Il devrait énoncer des recommandations destinées en priorité aux médecins généralistes et solliciter une évaluation des nouveaux services numériques par les autorités sanitaires, dont la Haute autorité de santé.

Dans l’attente, les professionnels appellent à la vigilance : ces médicaments anti‑obésité nécessitent un suivi renforcé, et le succès du traitement dépendra en grande partie de la qualité du suivi médical et de l’accompagnement proposé aux patients.

source:https://www.lexpress.fr/sciences-sante/derriere-wegovy-et-mounjaro-les-inquietantes-derives-du-nouveau-marche-des-medicaments-anti-obesite-VFZIE3KCWJFZFGORUGPMNMDNHU/

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