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La propagation du moustique tigre, vecteur majeur de la dengue et du chikungunya, pourrait rendre ces maladies endémiques en France et plus largement en Europe. Cette évolution est principalement liée au réchauffement climatique, qui accélère le cycle de développement de l’insecte et la multiplication des virus qu’il transporte.
Une menace grandissante liée au climat et aux conditions de vie
Selon une étude parue dans la revue Lancet Planetary Health, plusieurs facteurs comme le réchauffement climatique, l’urbanisation et l’augmentation des déplacements humains favorisent la dissémination du moustique tigre (Aedes albopictus) en Europe. Ce moustique, avec Aedes aegypti, est le principal vecteur de la dengue et du chikungunya, deux maladies jusqu’à présent majoritairement cantonnées aux régions tropicales et subtropicales.
Actuellement, environ quatre milliards de personnes dans 129 pays sont exposées à un risque potentiel d’infection par ces virus. L’extension vers le nord de la zone d’habitat du moustique tigre est directement corrélée à la hausse des températures : plus il fait chaud, plus le moustique se développe rapidement et plus le virus se multiplie vite à l’intérieur de l’insecte.
Augmentation de la fréquence et de l’ampleur des épidémies
Cette étude, première du genre, analyse sur 35 ans l’impact combiné de multiples facteurs — climat, environnement, conditions socio-économiques, démographie et données entomologiques — sur le risque d’épidémies de dengue et de chikungunya en Europe. Elle s’appuie sur des données collectées par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et l’Organisation mondiale de la santé, couvrant la présence du moustique tigre de 1990 à 2024.
Si le premier foyer autochtone s’est manifesté après plus de 25 ans, la fréquence et la gravité des épidémies ont augmenté depuis 2010. En 2024, 304 cas de dengue ont été recensés, dépassant le total des 15 années précédentes (275 cas). Des foyers locaux ont été identifiés en Italie, Croatie, France et Espagne.
Prédominance dans les zones urbaines et saison estivale
La quasi-totalité des cas (95 %) se produisent entre juillet et septembre, la majorité (75 %) se concentrant dans des zones urbaines ou semi-urbaines, le reste dans des zones rurales. Dans les régions où le moustique tigre est implanté, le délai entre deux flambées de dengue ou chikungunya peut être aussi court qu’une année, phénomène attribué à l’évolution des conditions climatiques ainsi qu’à la mobilité humaine accrue.
L’étude souligne également une meilleure détection des épidémies dans les zones où les dépenses de santé par habitant sont plus élevées, sous-entendant une possible sous-évaluation des cas dans les régions moins favorisées.
Chaque augmentation d’un degré des températures estivales accroît significativement le risque d’épidémie. Les étés très chauds amplifient ainsi la transmission des virus, ce qui conforte l’importance déterminante de la température dans l’évolution future de ces risques sanitaires.
Perspectives et limites de l’étude
Les projections indiquent qu’à l’horizon 2060, le risque d’épidémies de dengue et chikungunya pourrait être multiplié par cinq par rapport à la période 1990-2024. Ces prévisions appellent à renforcer la protection des populations, notamment par une surveillance rigoureuse des cas importés et la mise en place de systèmes d’alerte efficaces.
Les auteurs soulignent cependant certaines limites : la circulation de ces maladies dans les zones non endémiques pourrait être sous-estimée en raison de la fréquence élevée de cas asymptomatiques non enregistrés. Par ailleurs, les disparités dans les systèmes de surveillance régionaux et nationaux peuvent fausser les comparaisons, notamment en surestimant la prévalence dans des pays comme la France où le suivi est plus rigoureux.