Table of Contents
« L’Élysée n’était pas une forteresse contre le lobbying de Nestlé ». Cette déclaration du sénateur PS Alexandre Ouizille, rapporteur de la commission d’enquête sur les eaux en bouteille, résonne comme une accusation sans détour. Après plusieurs mois de rebondissements dans le scandale impliquant les eaux en bouteille de la marque Nestlé, il affirme que la présidence de la République était au courant « au moins depuis 2022 que Nestlé trichait ».
La commission d’enquête avait prévu d’auditionner Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée récemment démissionnaire. Ce dernier s’est toutefois refusé à comparaître, invoquant la « séparation des pouvoirs », une décision jugée « incompréhensible » par Alexandre Ouizille. Début février, Radio France et Le Monde avaient déjà révélé que l’Élysée et les services du Premier ministre avaient cédé au lobbying intense de Nestlé.
L’Élysée et Nestlé : un accès facilité aux ministères
Depuis le début de l’année, le scandale autour des eaux en bouteille de Nestlé fait grand bruit. Les révélations de Radio France et Le Monde indiquent que l’Élysée et Matignon ont facilité l’accès de Nestlé à plusieurs ministères clés. Malgré le refus d’Alexis Kohler d’être auditionné, la commission sénatoriale a unanimement décidé de rendre publics les documents fournis par l’Élysée.
Ces documents, au nombre de 74 pages, démontrent des contacts fréquents entre la présidence de la République et Nestlé. Laurent Burgoa, président de la commission, souligne que ces échanges ont perduré « jusqu’à une date très récente, même pendant les travaux de notre commission d’enquête ». Parmi les pièces dévoilées figurent plusieurs mails accablants échangés entre Nestlé et l’entourage présidentiel, attestant que l’Élysée était informée des pratiques douteuses de Nestlé depuis 2022.
L’État informé de la contamination de certaines sources d’eau
Les communications entre l’État et Nestlé se sont maintenues jusque fin décembre dernier, alors même que la commission d’enquête avait entamé ses investigations en novembre. Le sénateur Alexandre Ouizille précise que « l’Élysée savait qu’il y avait un problème de qualité de l’eau et que Nestlé avait mis les pouvoirs publics sous pression ».
En effet, Nestlé Waters a appliqué pendant plusieurs années des traitements spécifiques de désinfection sur ses eaux minérales pour empêcher toute contamination bactérienne ou virale. Le problème majeur réside dans le fait que ces eaux ont continué d’être commercialisées sous les appellations « eau de source » ou « eau minérale naturelle », alors que ces dénominations supposent l’absence complète de traitement chimique.
Ces révélations confirment que le gouvernement était au courant de la contamination bactériologique et virologique de certains forages. En décembre, à la demande d’un lobbyiste de Nestlé, Alexis Kohler a même organisé une réunion d’urgence avec Muriel Lienau, PDG de Nestlé Waters.
Vers un renforcement des pouvoirs des commissions d’enquête parlementaires
Malgré ces preuves accablantes, les sénateurs peinent toujours à obtenir des réponses claires de la part de Nestlé Waters. Plusieurs dirigeants du groupe, déjà auditionnés, ont esquivé les questions relatives à l’utilisation de filtres interdits. Ils disposent d’une dernière opportunité pour s’expliquer lors de l’audition prévue le mercredi 9 avril.
Face à ces silences et au refus d’Alexis Kohler de se présenter, Alexandre Ouizille propose dans son rapport une modernisation des ordonnances de 1958 régissant le Parlement. Selon lui, il est « nécessaire de renforcer les pouvoirs des commissions d’enquête parlementaires » pour éviter que de tels blocages ne se reproduisent. Le sénateur insiste sur le fait qu’il faut « remettre le Parlement au milieu du village » afin d’assurer plus de transparence et d’efficacité dans le contrôle des pouvoirs publics.