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Décryptage des élections européennes et la peur de l’immigration
Dans un contexte marqué par la montée des mouvements d’extrême droite lors des élections européennes, la question de l’immigration continue d’être présentée comme une menace par un large éventail politique. L’Europe renforce sa position en se barricadant contre ceux qui fuient les guerres, la répression, les changements climatiques et l’instabilité économique.
C’est dans ce cadre que le site français « Oriane 21 » a publié un article rédigé par les éditrices Sarah Guerrera et Marine Picquet, examinant deux ouvrages. Le premier, rédigé par le philosophe français Pierre Tiffanien et l’expert juridique belge Jean-Charles Stevens, tente de décortiquer l’approche européenne de la question de l’immigration sur le plan théorique et sur le terrain. Le second livre est celui du photojournaliste français Louis Witte.
Décodage du discours
Contrairement au discours dominant sur la politique migratoire française et européenne, Pierre Tiffanien et Jean-Charles Stevens ont entrepris de déconstruire cette rhétorique qui sert de base à de nouvelles politiques répressives. Ils ont dressé un quasi-guide fournissant aux lecteurs une série d’arguments rhétoriques, politiques et juridiques pour contrer ces affirmations trompeuses qui ont permis à l’extrême droite de museler le débat.
En se basant sur les statistiques et les études disponibles, y compris celles des organisations officielles, Tiffanien et Stevens ont analysé de manière approfondie le discours sur l’immigration en Europe. Ils ont utilisé le terme « réfugié » pour englober tous les étrangers arrivant sur le sol européen, soulignant que, quel que soit leur statut légal, leur motivation à migrer est de trouver refuge face à un danger ou une menace, qu’il soit « politique », « économique », ou les deux.
Le discours du Premier Ministre français précédent, Michel Rocard, fusionne l’idée d’une « Europe » en utilisant le pronom indéfini avec les détenteurs du pouvoir politique, face à une masse « misérable » sans nom, genre ou visage, une menace à maintenir à distance des frontières européennes.
Entre répression et profit
L’utilisation du terme « accueil » suggère une politique d’accueil pour tous les réfugiés arrivant en France. Cependant, ce qui est caché, c’est plutôt un « laisser-passer » les personnes arrivant sans les pourchasser tels des délinquants ou les enfermer, semant la question suivante: pourquoi insister sur l’interdiction légale ou l’intervention des forces de l’ordre plutôt que sur la solidarité et l’intégration professionnelle des réfugiés dans le tissu social?
Le seul type d’immigration accepté, selon Valérie Hayer, tête de liste aux élections européennes, est celui lié aux « emplois sous pression », ainsi que l’adaptation des individus à la valeur marchande au détriment du coût élevé des politiques migratoires répressives européennes.
Point d’ancrage négatif
Le photojournaliste Louis Witte, dans son livre « La Batte… L’État, la police et les étrangers », met en lumière la persécution constante des « exilés » dans les villes françaises de Calais et Dunkerque, choisissant le terme « exilés » plutôt que « migrants » car « ces hommes et femmes ont laissé leurs proches et se sont arrachés à leurs racines pour s’exiler ».
Il révèle que cette persécution, nommée par la police des « points d’ancrage négatifs », vise à dissuader les exilés de s’établir et à les disperser après le démantèlement de la « Jungle de Calais », le plus grand bidonville d’Europe en 2016, où la stratégie des autorités est d’effacer toute trace de leur présence aux frontières franco-britanniques.
Documentant les expulsions régulières toutes les 48 heures, l’auteur montre que les opérations de chasse matinale, la destruction des tentes, la confiscation des effets personnels, et l’interdiction de la distribution de nourriture et d’eau sont le fruit d’une politique calculée et experte. Ainsi, la légitimité des gouvernements successifs contre les exilés est devenue une ligne politique acceptable.
Options qui ne sont pas des options
La France a secrètement signé un accord avec le Royaume-Uni pour empêcher les exilés de traverser la Manche, tout en les empêchant en même temps de rester. Elle leur propose humanitairement de résider dans des villes autres que Calais, bien que la France ne soit nullement leur destination initiale, et alloue des ressources pour la fermeté plus que pour l’humanité, 85% des ressources étant pour la fermeté et seulement 15% pour l’humanité.
Si la France nomme sa stratégie « points d’ancrage négatifs », des stratégies similaires sont déployées dans de nombreux pays de l’Union européenne et des pays frontaliers comme le Maroc, la Tunisie et la Libye pour contenir les arrivées des exilés ou les empêcher de se rendre en Europe. Louis Witte souligne que « la police vient d’abord, puis la loi. »
L’Union européenne possède une agence puissante, Frontex, chargée de contrôler et de réprimer les flux migratoires, disposant du meilleur budget d’environ 500 millions d’euros. Comme à Calais, « la fermeté » prime sur « l’humanité ».
En fin de compte, Louis Witte conclut que la ville de Calais symbolise ce que les pays peuvent faire à leurs frontières dans le pire des cas, et ce que ses citoyens peuvent faire dans le meilleur des cas, avec des milliers d’individus prêts à aider quotidiennement les étrangers en quête de refuge.