Table of Contents
Si tu bâilles je bâillerai : quel est le secret de cette contagion ?
Un groupe international de chercheurs, dirigé par des scientifiques de l’Université de Bologne, a découvert les mécanismes neurologiques qui sous-tendent le comportement qui nous pousse à bailler lorsque quelqu’un d’autre le fait. Ce phénomène, appelé « comportement mimétique », facilite l’interaction et la cohésion sociale, permettant aux individus d’interagir de manière spontanée.
Une étude révélatrice
Publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences en juillet dernier, cette étude offre de nouvelles perspectives sur la manière dont le cerveau organise ce comportement, ouvrant ainsi la voie à des applications cliniques et thérapeutiques. La recherche a été réalisée au Centre d’études et de recherches en neuroscience cognitive du département de psychologie de l’Université de Bologne.
Alyssio Avinante, professeur au département de psychologie, qui a coordonné l’étude, explique : « Nos résultats ouvrent de nouvelles voies pour comprendre comment manipuler la plasticité cérébrale pour augmenter ou diminuer le comportement mimétique, ce qui pourrait avoir des applications thérapeutiques pour améliorer les performances cognitives chez les patients souffrant de troubles neurologiques et de dysfonctionnements sociaux. »
Qu’est-ce que le mimétisme automatique ?
Le comportement mimétique constitue la base de nombreuses interactions sociales complexes et peut influencer les relations personnelles. De plus, le mimétisme automatique peut avoir des conséquences graves et nécessite souvent d’être contrôlé, particulièrement si vous êtes gardien de but essayant de stopper un penalty ; il est crucial de ne pas imiter les mouvements de l’attaquant.
Sonia Turini, chercheuse au département de psychologie à l’Université de Bologne et principale auteur de l’étude, affirme que « le mimétisme automatique est un comportement omniprésent dans la vie quotidienne : lorsque nous voyons quelqu’un bâiller, nous ressentons immédiatement le besoin de faire de même, ou lorsque nous remarquons que notre discours ou nos expressions faciales s’ajustent à celles d’un ami avec qui nous parlons. Ainsi, comprendre les mécanismes derrière ce phénomène peut offrir de nouvelles perspectives sur le comportement social. »
Une technique avancée pour stimuler le cerveau
Le système moteur joue des rôles multiples. Il nous aide à nous mouvoir, à manipuler des objets, en plus de nous assister dans la communication verbale et non verbale (gestes). Bien que la diversité des mouvements soit grande, le contrôle moteur est souvent considéré comme simple, ce qui reflète le fait que ces actions semblent, dans une large mesure, faciles et inconscientes. Cependant, même les mouvements les plus simples nécessitent des calculs complexes pour coordonner le travail de multiples muscles. Il est bien connu que le système moteur de notre corps participe constamment au mimétisme automatique des actions ainsi que des expressions faciales et verbales.
Certaines zones spécifiques situées dans les parties antérieures du cerveau, comme le cortex préfrontal, le cortex moteur et le cortex moteur primaire, contribuent de manière unique aux mouvements. Toutefois, les rôles précis et potentiellement différents des circuits corticaux au sein du système moteur nécessitent encore des éclaircissements.
Pour mettre cela en lumière, les chercheurs ont utilisé une technique avancée et non invasive de stimulation cérébrale appelée « stimulation transcranienne à courant direct », développée par le groupe de recherche du professeur Avinante. Cette technique stimule des zones spécifiques du cerveau et enregistre les réponses générées par cette stimulation dans d’autres zones, permettant ainsi de comprendre comment ces régions interagissent au sein du cerveau.
Selon le professeur Avinante, « grâce à cette technique de stimulation, il a été possible de cibler les mécanismes de plasticité sur la carte neuronale du cerveau, qui est la carte globale des connexions neuronales dans le cerveau. En renforçant ou en inhibant temporairement la communication entre différentes zones du système moteur, il a été possible d’identifier le rôle causal des différents circuits dans la facilitation ou l’inhibition du phénomène de mimétisme automatique. »
L’expérience
L’étude a impliqué 80 participants en bonne santé, divisés en 4 groupes, chacun ayant suivi un protocole de stimulation différent. Chaque participant a effectué deux tâches comportementales avant et après le traitement de stimulation : une tâche de mimétisme volontaire et une tâche de mimétisme automatique.
L’objectif était de tester si la manipulation de la connexion entre certaines zones du cerveau – en particulier la région motrice ventrale, la région motrice complémentaire, et le cortex moteur primaire – influençait le mimétisme volontaire et automatique.
Les résultats ont montré que différentes circuits dans le système moteur remplissent des fonctions sociales distinctes qui peuvent être séparées, et que la direction de la stimulation et la zone ciblée influencent de manière différente les circuits neuronaux impliqués dans le processus de mimétisme.
Sonia Turini conclut : « Nous avons observé que renforcer la connexion entre la région motrice ventrale et le cortex moteur primaire accroît la tendance à imiter le comportement des autres de manière automatique, tandis que l’affaiblir a un effet inverse. En revanche, le cortex moteur complémentaire semble jouer un rôle dans le contrôle cognitif du système moteur : le renforcer avec le cortex moteur primaire augmente effectivement la capacité d’éviter le mimétisme lorsqu’il n’est pas approprié au contexte. »