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Dans le cadre de son émission sur France Inter, Charles Pépin répond aux questions des auditeurs. Cette semaine, il aborde une question intéressante posée par Steve : « Y a-t-il parfois de bonnes colères ? » Cette interrogation permet d’explorer une émotion souvent méprisée, perçue comme un manque de sagesse ou même comme un péché d’orgueil, notamment dans la tradition chrétienne où la colère figure parmi les sept péchés capitaux.
La colère, un péché d’arrogance ?
En effet, la colère est souvent vue de manière négative. Les philosophes antiques, en particulier les stoïciens, la considéraient comme vaine et contreproductive. Selon cette pensée, puisque tout arrive selon un Destin, la colère est futile car elle ne peut changer ce qui est déjà écrit. L’ajout de colère à la souffrance initiale ne fait qu’aggraver la situation. Ainsi, pour un stoïcien, la sagesse réside dans la capacité à garder son calme face aux injustices et aux douleurs de la vie.
La sagesse ou la résignation ?
Cependant, la sagesse des stoïciens ne doit pas être confondue avec la résignation. Selon eux, il s’agit plutôt d’une acceptation active de l’ordre du monde. Même chez des philosophes qui estiment que le changement est possible, l’idée que la colère est inefficace persiste. Agir avec calme et lucidité est souvent plus productif que de céder à la colère, qui peut sembler théâtralisée et non authentique.
La vertu de la colère
Cependant, réduire la colère à une émotion négative serait faire fi de son rôle essentiel. Elle marque une limite franchie qui ne devrait jamais l’être. Cette émotion peut signaler un non-négociable, un élément qui mérite d’être défendu sans argumentation. Des exemples puissants incluent la colère de Meursault dans « L’Étranger » de Camus ou les actions symboliques d’Adèle Haenel aux Césars, ainsi que la prise de la Bastille par le peuple français en 1789. Ces colères proclament haut et fort que « trop, c’est trop », soulignant leur caractère libérateur et nécessaire.
Affirmation par la colère
La colère n’est pas simplement une question de raison ou de droit ; elle est une affirmation de soi. Dans le flot de cette émotion, l’individu se déclare et établit ce qui est important pour lui. Ce n’est pas toujours une limite objective, mais plutôt un point de non-retour personnel. La colère authentique permet à chacun d’exprimer sa subjectivité et de revendiquer son existence. Dans la tradition chrétienne, seul Dieu a le droit de se mettre en colère, ce qui explique pourquoi cette émotion est souvent associée aux péchés capitaux. Quand on se laisse emporter par la colère, c’est souvent la raison qui prend congé.
Ainsi, la bonne colère est celle qui indique ce qui est non-négociable et qui rappelle aux autres et à soi-même ce sur quoi il n’est pas question de faire des compromis.