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José Mujica, ancien président de l’Uruguay, figure emblématique du socialisme humble et progressiste, est décédé à l’âge de 89 ans. Ancien guérillero marxiste et cultivateur de fleurs, il a marqué l’histoire de son pays par son mode de vie simple et sa philosophie politique radicale, captivant le monde entier.
Un combat politique et une vie marquée par la lutte
José Mujica fut le leader des Tupamaros, un groupe de guérilla de gauche des années 1960, connu pour ses actions audacieuses telles que braquages de banques, pose de bombes et enlèvements à Montevideo, dans l’espoir de provoquer une révolution sociale à l’image de Cuba. Son engagement lui valut près de quinze ans de prison, dont dix en isolement, durant la dictature militaire de droite qui a gouverné l’Uruguay de 1973 à 1985.
Après la fin de cette période sombre, il intègre la vie politique institutionnelle sous la bannière du Frente Amplio, coalition de la gauche uruguayenne, et gravit rapidement les échelons jusqu’à devenir président en 2010.
Une présidence marquée par la simplicité et le progrès social
Surnommé « Pepe », José Mujica transforma l’Uruguay en une démocratie socialement avancée et respectée internationalement. Son mandat (2010-2015) fut jalonné de réformes majeures :
- Légalisation du mariage homosexuel,
- Adoption de l’une des lois d’avortement les plus progressistes de la région,
- Légalisation complète – production, distribution et vente – de la marijuana, une première mondiale,
- Promotion d’énergies renouvelables, avec 98 % de l’électricité uruguayenne produite à partir de biomasse, solaire et éolienne.
Au-delà de ses réformes, Mujica se distingua par son style de vie austère : vivant dans une modeste maison en périphérie de Montevideo, conduisant une vieille Volkswagen Beetle de 1987, portant des vêtements simples et refusant les fastes du pouvoir.
Il déclarait ainsi en octobre 2023 : « C’est la tragédie de la vie, d’un côté elle est belle, mais elle se termine… Le paradis est ici. Comme l’enfer. »
Un héritage politique et humain reconnu mondialement
Sa mort, annoncée par le président actuel de gauche Yamandú Orsi, survient quatre mois après que Mujica a refusé de poursuivre un traitement médical contre un cancer de l’œsophage, avant de se retirer dans sa maison pour les soins palliatifs. La maladie s’était aggravée en début d’année, avec une propagation au foie.
Le président Orsi le qualifia sur les réseaux sociaux de « président, activiste, guide et leader » et souligna « son amour profond pour son peuple ». De nombreux hommages ont afflué, notamment de la part de dirigeants latino-américains :
- Gustavo Petro, président colombien, le qualifia de « grand révolutionnaire »,
- Evo Morales, ancien président bolivien, déclara que l’Amérique latine tout entière était en deuil,
- Claudia Sheinbaum, présidente du Mexique, le présenta comme « un exemple pour l’Amérique latine et le monde entier ».
Un parcours atypique, de guérillero à président
Sans diplôme universitaire ni même baccalauréat, Mujica s’est passionné très jeune pour la politique. Initialement impliqué dans l’aile progressiste du Parti National, il vira rapidement à la lutte armée dans un contexte régional embrasé par la Révolution cubaine. Les Tupamaros devinrent célèbres pour leur style « Robin des Bois », redistribuant une partie de leurs prises.
Il survécut à plusieurs affrontements violents, s’échappa à deux reprises de prison, mais fut finalement capturé sous la dictature militaire. Souffrant de tortures et de longues périodes d’isolement, il fut libéré en 1985 grâce à une amnistie et s’engagea dans la politique démocratique.
Élu parlementaire en 1995, il surprenait par son look décontracté et son franc-parler. En 2005, il devient ministre de l’Agriculture avant d’être porté candidat puis élu président en 2009 avec 52 % des voix. Sa femme, Lucía Topolansky, ancienne guérillera et sénatrice influente, lui remit l’écharpe présidentielle.
Un président populaire au style populaire
Au-delà du politique, Mujica fut une véritable icône populaire. Connu pour ses sandales portées même lors de discours officiels, ses prises de position contre la culture machiste et ses repas dans des bars modestes de Montevideo, il incarnait une autre forme de leadership, axée sur la proximité et l’authenticité.
Il encourageait les Uruguayens à rejeter la société de consommation et à valoriser la simplicité, renforçant ainsi l’image d’un pays démocratique, stable et respectueux des droits civiques.
Son héritage perdure notamment à travers son protégé Yamandú Orsi, élu président en 2024, qui poursuit un programme modéré et progressiste.
Les défis et controverses de son mandat
Son gouvernement ne fut pas exempt de critiques. L’opposition dénonça une hausse de la criminalité et un déficit fiscal croissant qui obligea son successeur à augmenter les impôts. Certaines critiques vinrent aussi des conservateurs uruguayens, mécontents des avancées libérales. Toutefois, il termina son mandat avec une cote d’approbation de 60 %, témoignant d’une solide popularité.
Une humilité durable jusqu’à la fin
Malgré son statut de figure emblématique de la gauche latino-américaine et de sage mondial, José Mujica resta fidèle à sa modestie jusqu’à ses derniers jours. Lors d’une interview, il confiait : « On vous demande : ‘Comment voulez-vous être rappelé ?’ Vanité des vanités ! La mémoire est une chose historique… Les années passent. Même la poussière ne reste pas. »