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Angelo Barrile, ancien médecin généraliste et homme politique suisse, a été confronté à une épreuve majeure : le combat contre un cancer agressif. Son expérience personnelle l’a profondément marqué et a influencé sa vision du système de santé suisse. Retour sur son parcours, ses réflexions sur la médecine et les défis du secteur.
Du médecin au patient : un basculement brutal
En novembre 2020, Angelo Barrile apprend qu’il est atteint d’une tumeur abdominale très agressive. Cette transition soudaine, de professionnel de santé à patient, a été un choc. Pendant six mois, il a ressenti des douleurs abdominales et de la fièvre, mais il n’a pas pris ces symptômes au sérieux, attribuant ses maux au stress.
« En tant que médecin, j’ai attendu trop longtemps avant de consulter », confie-t-il. Malgré son malaise, il poursuivait son activité parlementaire et professionnelle. Une première consultation n’a pas donné lieu à un scanner abdominal, un examen qui aurait peut-être permis une détection plus précoce des tumeurs.
La situation a empiré jusqu’à une douleur intense qui l’a conduit aux urgences, où il a découvert qu’il souffrait en réalité de plusieurs tumeurs lymphatiques, la plus grande atteignant 20 centimètres de diamètre.
Apprendre à être patient face à la maladie
Malgré sa formation médicale, Angelo Barrile avoue avoir eu peu de connaissances précises sur les lymphomes. Il a choisi consciemment de ne pas chercher d’informations en ligne, préférant s’en remettre à l’expertise de son équipe soignante.
La pandémie de Covid-19 a compliqué son parcours, l’isolant socialement. Il a été hospitalisé dans l’un des derniers lits disponibles à l’hôpital Triemli à Zurich. Les nouvelles étaient alarmantes : le cancer avait progressé plus vite et plus loin que prévu, affectant déjà des fonctions vitales. Les statistiques de survie à cinq ans pour ce type de cancer étaient inférieures à 25 %.
« J’ai réalisé que cette maladie voulait vraiment me tuer », relate-t-il sans peur panique, mais avec un sentiment de défi. Cette prise de conscience l’a poussé à mobiliser toutes ses forces pour lutter contre le cancer.
Une expérience de mort imminente et une nouvelle spiritualité
À la suite des cycles de chimiothérapie, les effets secondaires se sont intensifiés, menant à une expérience proche de la mort au mois de mars. Angelo Barrile décrit cette rencontre comme une communion avec l’univers, un moment où la mort semblait proche mais où il a senti qu’une mission l’attendait encore.
Bien qu’ayant grandi dans une famille catholique sicilienne, il s’est éloigné de l’Église, notamment à cause de son rejet de son orientation sexuelle. Cependant, ces expériences l’ont rendu plus spirituel qu’il ne l’a jamais été auparavant, sans pour autant renouer avec la religion traditionnelle.
Le système de santé suisse mis à l’épreuve
Grâce à un traitement intensif et aux progrès médicaux, Angelo Barrile a survécu malgré le pronostic sombre. Il souligne la chance d’avoir bénéficié d’un système de santé suisse performant et accessible, précisant que sa prise en charge lui a coûté environ 150 000 euros, une somme qu’il n’aurait pas pu payer lui-même.
Il met en avant la qualité de la médecine suisse et le fait que l’on ne limite pas la valeur d’une vie à une somme fixe, contrairement à certains autres pays.
Des défis personnels et politiques
En 2023, après huit ans au Parlement en tant que représentant du Parti socialiste zurichois, Angelo Barrile se retire, en partie à cause de son état de santé et de la fatigue liée à une infection prolongée par le Covid-19.
Il évoque la polarisation croissante dans la société et la politique, exacerbée par la pandémie, ainsi que la difficulté grandissante à trouver des compromis au Parlement. Malgré sa position clairement à gauche, il a toujours cherché à dialoguer pour trouver des solutions, un esprit qu’il voit malheureusement s’éroder.
Le mal-être des jeunes médecins et les conditions de travail
Ancien président du syndicat national des assistants et médecins chefs, le VSAO, Angelo Barrile défend vigoureusement les revendications des jeunes médecins pour des horaires de travail plus raisonnables. Il réfute l’idée que les nouvelles générations seraient « trop molles ».
Il compare ses propres années d’internat, avec des semaines à plus de 110 heures de travail et peu de repos, à la situation actuelle où le respect de la législation sur le temps de travail est enfin exigé. Cette surmenage extrême, souvent glorifiée par des aînés, est dangereuse tant pour la santé des médecins que pour la sécurité des patients.
Le médecin insiste sur l’évolution des attentes personnelles des jeunes soignants, qui souhaitent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ce qui est légitime dans un État de droit.
Un appel à réformer le système de santé suisse
Angelo Barrile soutient l’idée d’une caisse maladie publique unique, moins coûteuse et plus équitable. Selon lui, le système actuel génère trop de dépenses inutiles liées aux multiples changements de caisse et aux salaires élevés des dirigeants.
Il rejette l’argument selon lequel la concurrence stimulerait l’innovation, rappelant que le catalogue des prestations obligatoires est identique pour toutes les caisses, et que le choix entre elles relève souvent d’un simple service client.
Le médecin déplore également la tendance à vouloir lever l’obligation de contracter avec toutes les caisses, ce qui pourrait fragmenter l’accès aux soins et compliquer la prise en charge des patients.
« Cela serait dangereux pour les patients de devoir sans cesse vérifier quelles prestations sont couvertes par leur caisse et de changer de médecin en conséquence. »
Une réalité difficile dans la médecine de ville
Dans sa propre pratique de médecin généraliste à Zurich, Angelo Barrile constate une pénurie croissante de médecins. Alors qu’il y a treize ans il n’était pas difficile de trouver un remplaçant, la situation est aujourd’hui tendue. Les cabinets saturent, refusent parfois de nouveaux patients ou doivent orienter vers les urgences des cas urgents faute de ressources.
Cette hausse de la demande combinée à une offre médicale stagnante pose de sérieux défis pour la continuité des soins en Suisse.