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Dans les rues animées et les marchés de la capitale pakistanaise Islamabad, ainsi que dans la ville voisine de Rawalpindi et dans diverses régions du Cachemire pakistanais, le sentiment de fierté envers l’armée pakistanaise est palpable. Chaque personne rencontrée exprime son admiration pour l’armée, la qualifiant de héros ayant réussi à repousser l’agression indienne.
Les manifestations de soutien sont partout : panneaux, drapeaux et bannières exaltant la bravoure et le leadership militaire, sans oublier les médias traditionnels et sociaux qui saluent largement les performances des forces armées. Les grandes villes comme Karachi, Lahore, Peshawar et Islamabad ont célébré non pas un jour, mais plusieurs jours de festivités depuis l’annonce du cessez-le-feu entre l’Inde et le Pakistan le 10 mai 2025.
Ce contraste est saisissant face aux événements d’il y a deux ans, le 9 mai 2023, lorsque des milliers de Pakistanais avaient manifesté dans les grandes villes, ciblant les propriétés publiques et privées, notamment celles de l’armée. Ce jour a été qualifié de « jour noir ». Ces protestations, menées par le parti Mouvement pour la Justice du Pakistan, réclamaient la libération de leur leader et ancien Premier ministre Imran Khan, arrêté pour plusieurs accusations dont la corruption.
Ces manifestations représentaient alors un défi sans précédent pour l’armée, institution la plus puissante du pays. Deux ans plus tard, des milliers de personnes sont retournées dans les rues pour saluer l’armée qui a défendu la nation contre l’agression indienne.
Un sondage récent mené par Gallup Pakistan entre le 11 et le 15 mai 2025 révèle que 96 % des plus de 500 participants estiment que le Pakistan a remporté le conflit. Par ailleurs, 82 % ont évalué la performance de l’armée comme « très bonne », moins de 1 % exprimant une insatisfaction.
Plus important encore, 92 % des sondés affirment que leur opinion sur l’armée s’est améliorée à la suite de ce conflit.
« Nous avons donné à l’Inde une leçon qu’elle n’oubliera pas », a déclaré le porte-parole de l’armée pakistanaise à Al Jazeera.
Le « Jour de la bataille de la vérité »
Le 11 mai 2025, un jour après l’annonce du cessez-le-feu, les villes pakistanaises étaient en effervescence. Les habitants circulaient en voitures et motos, klaxonnant et chantant des hymnes nationaux. Ils brandissaient drapeaux et affiches louant les exploits de l’armée, notamment de son chef, le général Syed Asim Munir.
Le Pakistan a nommé le 10 mai 2025 « Jour de la bataille de la vérité », en contraste avec le 9 mai 2023, désigné « Jour noir » en raison des violences liées aux partisans d’Imran Khan.
Six jours après le cessez-le-feu, le Premier ministre Shehbaz Sharif a salué le travail de l’armée, qualifiant cette période de « chapitre d’or de l’histoire militaire ». Le 20 mai 2025, le général Asim Munir a été promu maréchal, un rare honneur dans l’histoire militaire pakistanaise, le plaçant aux côtés du général Ayub Khan, héros de la guerre de 1965.
Quant à Imran Khan, l’ex-Premier ministre emprisonné depuis août 2023, il a publié une déclaration par l’intermédiaire de son avocat, soulignant la nécessité pour l’armée de bénéficier du soutien populaire.
« Le récent escalade entre le Pakistan et l’Inde a prouvé que les Pakistanais sont un peuple courageux, fier et digne. » — Imran Khan sur son compte officiel le 13 mai 2025.
Le respect de l’armée depuis l’indépendance
Depuis l’indépendance en août 1947, l’armée pakistanaise est restée la force la plus dominante du pays. Ce pouvoir s’est renforcé à travers quatre coups d’État militaires et des décennies de gouvernance directe ou indirecte.
Avant son départ à la retraite en 2022, le général Qamar Javed Bajwa, chef d’état-major, a reconnu l’ingérence historique de l’armée dans la politique, promettant toutefois de s’en tenir à l’écart à l’avenir.
Lorsque Imran Khan est devenu Premier ministre en 2018, il déclarait que son gouvernement et l’armée suivaient une même direction. Pourtant, en avril 2022, son éviction par un vote de défiance a marqué une rupture majeure. Khan a accusé publiquement l’armée et les États-Unis d’avoir orchestré son renversement, accusations que ces derniers ont démenties fermement.
Les tensions entre Khan et l’armée se sont exacerbées après la nomination du général Asif Munir en novembre 2022. Khan et son parti ont lancé une campagne de défiance, entraînant plusieurs poursuites judiciaires, notamment pour incitation contre Khan et ses partisans.
Le soutien populaire à l’armée a connu des oscillations, passant d’un respect à une forme de crainte, exacerbée par la montée en puissance d’Imran Khan sur les réseaux sociaux.
Une popularité militaire renforcée
Selon Zafar Nawaz Jasbal, professeur en relations internationales à l’université Quaid-e-Azam d’Islamabad, l’Inde a lancé une attaque contre le Pakistan sans réussir ses objectifs. Les forces pakistanaises ont forcé l’Inde à la retenue en seulement quatre jours.
Il ajoute que la popularité et le prestige de l’armée ont considérablement augmenté, notant qu’avant ces événements, l’armée faisait face à des critiques de certains segments sociaux.
Concernant Imran Khan, Jasbal souligne qu’il jouit toujours d’un large soutien populaire, même si une partie de ses partisans s’oriente désormais davantage vers l’armée.
Un triomphe relatif
Amir Raza, analyste politique et enseignant à l’université de Peshawar, qualifie les affrontements récents entre le Pakistan et l’Inde de « limités », difficilement assortis d’un vainqueur clair.
Il souligne que, pour un pays en proie à des difficultés économiques et diplomatiques, le Pakistan a tenu bon et prouvé sa valeur, notamment dans le combat aérien, ce qui a renforcé la confiance nationale et la stature de l’armée.
Avant ce conflit, le Pakistan était diplomatiquement en retrait face à l’Inde, dont le Premier ministre Narendra Modi bénéficiait d’un accueil chaleureux en Occident et dans les pays du Golfe, particulièrement en Arabie saoudite.
Durant le dernier conflit, la Chine, la Turquie et l’Azerbaïdjan ont apporté un soutien significatif au Pakistan, tandis que l’Inde bénéficiait du soutien explicite d’Israël. La majorité des Pakistanais voient l’animosité d’Israël à leur égard comme un signe d’honneur.
Raza confirme une « montée en flèche » de la popularité de l’armée, nourrie par le sentiment d’avoir infligé un revers à une « Inde arrogante ». Concernant le Mouvement pour la Justice, il pense que sa base restera en opposition au statu quo tout en étant moins critique envers la victoire récente et le rôle de l’armée, afin de préserver une image patriotique.
Il conclut que, même si la popularité d’Imran Khan ne s’est pas effondrée, son parti a adouci son discours à l’égard de l’armée, ce qui favorise la position militaire tout en affaiblissant celle de l’opposition.
Imran Khan conserve son influence
Le Dr Humayun Mehmood, dirigeant du Mouvement pour la Justice et sénateur pakistanais, confirme que la popularité de l’armée a grimpé après les récents affrontements avec l’Inde.
Il souligne que la passion nationale pour toute victoire, notamment contre l’Inde avec laquelle le Pakistan entretient un long contentieux, est profondément enracinée, que ce soit dans le sport ou dans les conflits militaires.
Selon lui, la vague d’émotion positive envers l’armée va se poursuivre tant que l’institution militaire ne sera pas perçue comme opposée à un parti politique spécifique, ici le Mouvement pour la Justice.
Il dénonce par ailleurs le manque de confiance populaire envers le gouvernement actuel, dont les membres ne sont pas élus et ont perdu les dernières élections, sans disposer d’un mandat populaire.
À propos de l’impact du récent succès militaire sur la popularité d’Imran Khan, Mehmood estime que le Mouvement pour la Justice restera influent. Ses membres considèrent qu’ils ont gagné les élections de l’an passé, mais ont été marginalisés par la répression de leur chef et de nombreux cadres, arrêtés et accusés à tort.
Un prestige militaire au sommet
Asif Luqman Qazi, directeur des relations extérieures du parti islamique Jamiat-e-Islami, affirme que la performance de l’armée pakistanaise dans le récent conflit avec l’Inde est remarquable et suscite la fierté non seulement des Pakistanais, mais aussi du monde islamique.
Il confirme que la popularité de l’armée a atteint des sommets historiques parmi la population pakistanaise.
Concernant un éventuel accroissement de l’ingérence militaire en politique à la lumière de cette popularité, Qazi rappelle que l’armée pakistanaise est traditionnellement active dans les affaires politiques. Ce succès pourrait accentuer cette tendance. Il espère néanmoins que l’État et l’armée respecteront les prescriptions constitutionnelles appelant à une séparation claire entre forces armées et politique.
Sur le cas d’Imran Khan, il mentionne que ce dernier conserve une grande popularité, tout en rappelant que c’est l’armée qui avait soutenu son ascension au pouvoir en 2018.