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« Le danger est imminent, nous ne sommes qu’à un pas de l’effondrement », déclare le Dr Atif Al-Hout, directeur général du complexe médical Nasser, le plus grand établissement de santé public et le dernier en service dans la ville de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza.
Dans un entretien avec Al Jazeera Net, le Dr Al-Hout estime que ce complexe, composé de trois hôpitaux spécialisés, pourrait s’écrouler complètement sous trois jours en raison de la pénurie de carburant, de l’absence presque totale de médicaments essentiels et de consommables médicaux, ainsi que des menaces directes liées aux ordres d’évacuation israéliens touchant de larges secteurs de la ville.
Le ministère de la Santé a confirmé dans un communiqué officiel que ces menaces sur les zones résidentielles entourant les hôpitaux constituent des actions délibérées dans le cadre d’un plan systématique visant à affaiblir le système de santé.
Un service hospitalier en péril
Le complexe Nasser est le seul établissement à Khan Younès offrant des soins à environ 700 000 habitants, y compris les déplacés internes, depuis la fermeture de l’hôpital européen de Gaza.
Les ordres d’évacuation israéliens ont également forcé la fermeture effective de l’hôpital Al-Amal, géré par la Croix-Rouge palestinienne. Le ministère de la Santé explique qu’il est désormais impossible d’y accéder, la zone étant classée « zone de combat » dangereuse et évacuée de force.
Bien que le complexe Nasser et l’hôpital Al-Amal aient été exemptés formellement de ces ordres, les habitants du quartier Al-Amal, où se trouve l’hôpital, ont dû fuir selon le Dr Al-Hout, rendant l’accès à cet établissement quasi impossible.
Cette situation a provoqué une surcharge du complexe Nasser, incapable de transférer les blessés et malades à Al-Amal. Le taux d’occupation atteint entre 170 % et 180 %, functionnant bien au-delà de ses capacités.
Le complexe Nasser se situe dans le secteur 107 selon la classification israélienne et fait partie des rares zones de la ville épargnées par les ordres d’évacuation massifs, qui ont concerné environ 95 % de Khan Younès, la plus vaste ville de la bande de Gaza.
Le directeur du complexe souligne cependant que cette exemption ne garantit pas leur sécurité, car les zones voisines ont été évacuées de force, augmentant ainsi les risques pour le personnel médical et les patients, et paralysant les déplacements des ambulances.
Ce samedi, un représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été informé de la dégradation alarmante des conditions à l’intérieur des hôpitaux. L’OMS a émis un avertissement officiel sur le risque imminent d’effondrement du système sanitaire, soulignant que Nasser et Al-Amal fonctionnent au-delà de leurs capacités avec une pénurie sévère de médicaments et fournitures et risquent d’être complètement arrêtés à tout moment.
Pression extrême et pénurie de carburant
Le Dr Al-Hout décrit la situation critique du service de soins intensifs avec 41 patients pour seulement 12 lits disponibles.
Il explique que le carburant disponible ne suffit que pour deux jours d’activité et que le complexe applique un plan strict de rationnement qui nuit aux patients :
- Le service fonctionne à plein régime le matin,
- Le soir, seules les urgences vitales sont traitées,
- Certaines salles d’opération ne sont pas utilisées,
- Le courant est éteint dans plusieurs départements et bâtiments.
Les autorités israéliennes empêchent les organisations internationales d’accéder aux stocks de carburant dédiés aux hôpitaux, prétextant qu’ils se trouvent dans des zones rouges, ce qui menace l’alimentation électrique des services vitaux alimentés par des générateurs.
Les conséquences dramatiques d’un effondrement
Le Dr Marwan Al-Hams, directeur des hôpitaux de terrain, alerte sur les répercussions humaines d’un effondrement du complexe Nasser :
- Il évoque une catastrophe humaine sans précédent qui mettrait en danger des milliers de vies,
- Un effondrement total du système de santé dans le sud de la bande de Gaza,
- La perte d’accès à des services essentiels tels que les urgences, les soins intensifs, la dialyse et des chirurgies spécialisées.
Avant les évacuations, l’hôpital Al-Amal disposait de 100 lits, d’un service de chirurgie et d’un scanner, en soutien aux soins intensifs de Nasser. Mais actuellement, il est inaccessible à cause de la situation sécuritaire.
Le complexe Nasser reste le seul à fournir des services de dialyse, de cardiologie, de neurochirurgie, de chirurgie thoracique, pédiatrique et générale. En cas de fermeture, environ 650 000 Palestiniens du sud de Gaza se retrouveraient sans aucun service médical, exposant particulièrement les blessés, malades critiques et patients dialysés à un risque mortel.
Un ciblage systématique des établissements de santé
Le Dr Salah Abdel Ati, président de l’Autorité internationale pour la défense des droits du peuple palestinien, corrobore les avertissements de l’OMS. Il évoque un ciblage israélien organisé, qui a déjà mis hors service 36 hôpitaux depuis le début de la guerre d’extermination lancée le 7 octobre 2023.
Il précise :
- 1460 membres du personnel médical ont été tués,
- Environ 600 membres du personnel ont été arrêtés,
- Ce qui entraîne une pénurie dramatique de personnel soignant et une surcharge extrême.
Le cas des complexes Nasser et Al-Amal illustre cette politique systématique d’entraves au fonctionnement des établissements de santé, avec des attaques directes, un siège constant, des ordres d’évacuation et le blocage des médicaments et du carburant.
Ces actions violent les règles du droit international et du droit international humanitaire. L’effondrement total du système sanitaire à Gaza signifierait une condamnation à mort pour environ 14 000 blessés et malades nécessitant des soins intensifs, ainsi que pour 350 000 patients souffrant de maladies chroniques.
Ces attaques contre les services de santé s’inscrivent dans un contexte de crimes de guerre et d’extermination, en violation flagrante des conventions de La Haye et de Genève, qui garantissent une protection particulière aux personnels médicaux, aux blessés, aux malades et aux infrastructures sanitaires.