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Début juin, Médecins du monde et la Fédération addiction ont engagé une action en justice contre l’État, dénonçant l’« inaction » du ministère de la Santé concernant les haltes soins addictions (HSA), souvent désignées sous le terme de « salles de shoot ». Cette initiative intervient alors que le gouvernement doit décider, d’ici la fin de l’année, si ce dispositif, en place depuis dix ans près de la gare du Nord, sera pérennisé ou abandonné. Jamais l’avenir de la HSA parisienne, expérimentée depuis 2016 à proximité de l’hôpital Lariboisière, n’a été aussi incertain.
Un dispositif sous pression
En neuf ans, seule une autre HSA a vu le jour, à Strasbourg. À Marseille, un projet a échoué en 2024 suite à un avis défavorable du gouvernement. Ce dispositif est souvent critiqué par une partie de la classe politique, des collectifs de riverains, ainsi que certains médias, qui l’accusent de générer nuisances et trafics. Les associations craignent qu’il soit définitivement abandonné. Catherine Delorme, présidente de la Fédération addiction, déclare : « On nous accuse de faire de l’agitation, alors que nous prenons en charge des consommations qui se feraient de toute façon dans la rue. Ces attaques relèvent d’une vision dogmatique de la santé, et constituent des atteintes au principe de prévention des risques. »
Des résultats significatifs
La HSA parisienne a accueilli 781 toxicomanes en 2023, ce qui a permis de réduire de 79 000 le nombre d’injections effectuées dans la rue. Victor Detrez, pharmacien et directeur adjoint de Gaïa, gestionnaire de la HSA, souligne que cet espace est dédié uniquement aux personnes se droguant par injection, principalement avec des produits comme le Skénan, le Subutex, et la méthadone. L’association leur fournit du matériel stérilisé et des bilans médicaux sont réalisés par une médecin psychiatre et des infirmiers.
49 % des bénéficiaires sans couverture santé
Ce public est souvent stigmatisé au sein du système hospitalier et en rupture de soins. Près de 49 % des personnes accueillies n’ont plus de couverture santé. La HSA s’efforce de leur rouvrir des droits à cette couverture. Victor Detrez précise : « Notre dispositif a fait l’objet de plusieurs évaluations positives. On a du mal à comprendre le silence politique actuel. » Selon un rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les usagers de la HSA ont moins de risques liés à des infections ou des overdoses comparés à ceux qui ne fréquentent pas ces lieux. L’Inserm estime que les HSA pourraient éviter 11 millions d’euros de dépenses médicales sur dix ans.
Un enjeu de tranquillité publique
Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendu en octobre 2024 met également en avant des bénéfices en termes de tranquillité publique : le nombre de seringues collectées autour de la HSA est passé de 150 à moins de 10 par jour. Victor Detrez met en garde : « La fin d’un dispositif comme celui-ci représenterait un décrochage social pour ce public. »
La Fédération addiction a également exprimé que l’abandon de la HSA pourrait entraîner une mobilisation inutile des forces de l’ordre sur des lieux de consommation. Cette réalité est déjà visible pour la consommation de crack dans le nord de Paris, comme aux portes de la Chapelle et d’Aubervilliers. Catherine Delorme conclut : « Nous sommes d’accord avec les services de l’État : il est inacceptable de laisser l’indigence s’organiser et se fixer dans ces quartiers. Cependant, une réponse uniquement sécuritaire ne suffit pas. Il est essentiel de créer davantage de lieux dédiés à la prévention des risques dans Paris. Face à l’évolution des usages, notre offre de soins doit s’adapter. »