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Créée en 2017 et basée à Massy, la start‑up Quandela se distingue dans le domaine des ordinateurs quantiques photoniques : lors d’une visite organisée un mardi 23 septembre, l’équipe a présenté ses machines, ses productions et ses ambitions pour renforcer la souveraineté européenne en technologies quantiques.
Un ordinateur quantique photonique chez Quandela
Quandela a mis en service l’un des plus puissants ordinateurs quantiques photoniques du monde : une armoire noire et bleue de plus de deux mètres de haut, composée de tiroirs et traversée d’un dense réseau de câbles. La machine en fonctionnement compte 12 qubits photoniques, soit deux fois plus que la génération précédente conçue en 2022.
La société prévoit une version suivante, baptisée Canopus, qui comportera 24 qubits et dont la sortie est annoncée dans un an ; elle devrait être environ deux fois plus puissante que la machine actuelle.
Production, clients et déploiements
Lors de la présentation, Niccolo Somaschi, PDG de Quandela, a détaillé la production récente de la start‑up et ses premières livraisons.
« On a fabriqué dans l’usine 5 ordinateurs quantiques photoniques : 2 pour nos clouds, 2 déjà livrés chez des clients et partenaires dans des data centers privés, » explique Niccolo Somaschi. « Le cinquième, qui est prêt, sera livré dans un mois au centre national HPC (High Performance Computing) français dans le cadre d’un projet commercial et européen. »
La start‑up a déjà livré un système à OVHcloud en mars 2024, faisant de l’hébergeur français le premier client industriel à disposer d’un tel équipement et de sa suite logicielle. Quandela a par ailleurs ouvert une filiale au Canada en 2024 et prévoit une implantation en Corée du Sud pour poursuivre son développement international.
Position européenne et initiatives depuis 2023
La France, qui compte cinq grandes entreprises actives sur les ordinateurs quantiques — Alice&Bob, C12, Quobly, Pasqal et Quandela — évolue dans un écosystème décrit par Niccolo Somaschi comme une « coopétition » :
« On peut travailler avec les mêmes partenaires sur différents axes. À long terme, il s’agit d’un atout, puisque ça permet la cross‑pollination : un expert qui a travaillé pour une technologie peut être transféré sur une autre. Ce transfert de connaissances aide l’écosystème et permet de le faire avancer beaucoup plus vite. »
Au niveau européen, l’Union a engagé depuis 2023 le déploiement d’une infrastructure quantique de communication (EuroQCI) pour sécuriser les échanges de données via la distribution quantique de clés (QKD). Le 2 juillet 2025, Bruxelles a présenté une stratégie quantique 2030 visant à renforcer la recherche, développer des ordinateurs quantiques accessibles via le cloud et préparer un futur Quantum Act attendu en 2026 pour structurer l’écosystème.
En complément, l’Europe a inauguré le 23 septembre son deuxième ordinateur quantique VLQ à Ostrava, en Tchéquie, dédié à la recherche et à l’innovation, et accessible à des publics académiques, industriels et institutionnels.
Dialogue franco‑allemand et coopérations régionales
La visite de Quandela a été l’occasion d’un dialogue franco‑allemand fort, en présence de représentants politiques et d’industriels. Stephan Steinlein, ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en France, et Niccolo Somaschi ont tous deux souligné l’importance du « réflexe franco‑allemand » face au quantique.
« Devenir un pionnier mondial des technologies stratégiques ne peut se faire qu’au niveau européen, » déclare Stefan Steinlein, ambassadeur allemand en France. « Nous avons ce qu’il faut pour y parvenir. Les deux pays sont déjà à l’avant‑garde. Mais nous pouvons faire encore mieux. »
Selon Niccolo Somaschi, Quandela multiplie aussi les contacts avec d’autres voisins, notamment l’Italie : « Je pense qu’on aura plusieurs points de contact avec le pays, sur l’intégration de certains composants faits en Italie, sur l’expertise créée par certains groupes de recherches italiens », a‑t‑il expliqué.
L’Ambassadeur de France en Allemagne, François Delattre, a rappelé que les technologies quantiques figuraient parmi les priorités communes réaffirmées lors du Conseil des ministres franco‑allemand du 29 août 2025 et appelé à « monter en puissance et élaborer ensemble des cas d’usages industriels dans l’informatique quantique ». 2025 ayant été déclarée par l’ONU « Année internationale des sciences et technologies quantiques », ces échanges s’inscrivent dans un contexte politique soutenu.
Atouts technologiques et efficacité énergétique
La visite a permis de découvrir un prototype de circuit photonique, une construction de lentilles et de fils reproduisant la trajectoire des photons. Ce principe, miniaturisé sur les puces de Quandela, vise à piéger et isoler les photons, briques de base d’un processeur quantique fiable.
La technologie photonique présente un avantage notable : elle n’exige pas de refroidissement à des températures extrêmes comme les qubits supraconducteurs, ce qui réduit les coûts et la consommation énergétique. Selon Quandela, cette efficacité énergétique constitue un atout stratégique alors que la question environnementale prend de l’importance dans le calcul haute performance.
Enfin, l’entreprise anticipe des interactions croissantes entre intelligence artificielle et quantique. Niccolo Somaschi a résumé l’évolution du rapport entre les deux disciplines :
« Il y a trois ans, on l’a vue comme une aide pour le quantique. Depuis le boom de ChatGPT, on l’a vue comme un compétiteur. Désormais, nous sommes ensemble, dans le sens où l’IA nous aide sur certains processus internes comme l’analyse des données ou des sujets mathématiques sur des protocoles complexes. Je pense que ça va être encore plus excitant dans les années à venir, puisqu’on aura beaucoup plus d’acteurs IA qui commenceront à intégrer les solutions quantiques. »