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La Russie semble avoir réussi à contourner les sanctions américaines grâce à une cryptomonnaie soutenue par le Kremlin, transférant au moins 6 milliards de dollars depuis août 2023, date à laquelle certaines entités ont été inscrites sur la liste noire. Ce mouvement met en lumière les limites des efforts occidentaux pour freiner les flux financiers russes.
Une cryptomonnaie soutenue par le Kremlin
La monnaie dite « A7A5 » est une stablecoin intégrée au système de paiement transfrontalier « A7 », en expansion rapide. Elle est adossée au rouble et conçue comme alternative au système financier dominé par les États-Unis, dont les banques russes ont été séparées après le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022.
En août 2023, les autorités américaines ont sanctionné la bourse Grinex, basée au Kirghizistan, dans le cadre d’une tentative de restreindre l’infrastructure cryptographique liée à la Russie. Grinex serait le successeur de Garantex, fermée par les forces de l’ordre américaines en mars et accusée de liens avec le piratage, les rançongiciels, le terrorisme et le trafic de drogue ; Grinex nie toute relation avec Garantex.
Les actifs numériques et la structure de la monnaie A7A5 permettent à la Russie d’intervenir rapidement pour couper les liens entre la devise et les plateformes d’échange visées par les sanctions.
Recréation et transferts pour effacer les traces
Une analyse a montré que, dès le lendemain de la désignation d’A7A5 en août, des responsables ont vidé le contenu de deux portefeuilles associés à Grinex. Ces portefeuilles contenaient 33,8 milliards de tokens, évalués à 405 millions de dollars, soit plus de 80 % du total en circulation.
Peu après, des tokens d’une valeur similaire ont été créés dans un nouveau portefeuille, opération qui a permis de déplacer les fonds tout en leur conférant un historique « propre ». Ce nouveau portefeuille a été impliqué dans des transactions d’un montant total de 6,1 milliards de dollars depuis août 2023.
L’activité observée sur ce portefeuille reproduit des schémas déjà repérés : participation d’une dizaine d’acteurs (11 entités), transferts principalement pendant les heures de bureau de Moscou, avec un pic entre 10 h et 12 h, et une faible activité la nuit ou en week-end.
- Portefeuille initial : 33,8 milliards de tokens = 405 millions de dollars (>80 % de l’offre)
- Portefeuille recréé : transactions totalisant 6,1 milliards de dollars depuis août 2023
- Horaires d’activité : pic 10 h–12 h, heures de bureau de Moscou
Le service client automatisé d’A7A5 indique une disponibilité « jours de semaine de 10 h à 20 h (heure de Moscou) ». Il est aussi possible d’acheter la monnaie en espèces via un service de vente directe de Grinex, situé dans une tour de bureaux à Moscou, à la même adresse que l’ancienne Garantex.
Statut légal et soutien des institutions publiques
A7A5 est enregistrée au Kirghizistan, un pays que la Russie considère comme « ami ». L’émetteur enregistré est une société kirghize nommée Old Vector, elle-même inscrite sur la liste noire américaine en août 2023.
Récemment, la Russie a accordé à A7A5 le statut d’« actif financier numérique officiel », permettant aux exportateurs et importateurs de l’utiliser officiellement via une plateforme détenue par le groupe bancaire Promsvyazbank. Selon l’émetteur, chaque token est soutenu par le rouble.
Promsvyazbank, banque russe en partie détenue par l’État et frappée par des sanctions occidentales, détient 49 % du réseau de paiement transfrontalier A7. La banque et le réseau ont aussi bénéficié de prêts importants du VEB, la banque de développement russe, soutenant des projets prioritaires pour le Kremlin.
Le directeur général de Promsvyazbank, Piotr Fradkov, a déclaré au président russe que « nous sommes en train de créer un système de règlements transfrontaliers basé sur A7 ». De son côté, le principal propriétaire et PDG d’A7, Ilan Shor, affirme que le réseau a transféré plus de 86 milliards de dollars en dix mois.
Le Centre for Information Resilience, groupe de recherche basé à Londres, a noté l’expansion rapide d’A7, financée en grande partie par des prêts d’institutions d’État. Les experts estiment que la détérioration économique liée à la guerre pourrait accroître l’importance politique et économique de ce réseau pour faciliter les exportations.
- A7 revendique 86 milliards de dollars transférés en 10 mois.
- Promsvyazbank détient 49 % du réseau A7 et soutient la plateforme.
- Old Vector et Grinex figurent parmi les entités sanctionnées ou ciblées.