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La France est confrontée à des défis majeurs dans sa quête pour réaliser 40 milliards d’euros d’économies budgétaires. Selon l’économiste Robert Boyer, il est trop facile d’imputer cette difficulté à un manque de volonté politique, alors que la réalité est beaucoup plus complexe, impliquant une série d’obstacles structurels.
Un contexte politique éloigné des préoccupations budgétaires
Au fil des élections présidentielles et législatives, la question de la dérive des finances publiques n’a pas été au centre des préoccupations. Ce n’est que récemment que le Premier ministre, François Bayrou, a mis en avant la nécessité de faire des économies budgétaires.
La réduction des dépenses publiques s’avère être un processus ardu. Bien que le manque de courage politique soit souvent cité comme une explication, cela néglige la diversité des obstacles structurels auxquels tous les gouvernements, quelle que soit leur orientation politique, doivent faire face.
Une politique économique en crise
Dans les années 1960, la politique économique de la France reposait sur trois fondements : la gestion keynésienne, la généralisation du calcul économique au sein de l’État et des entreprises nationales, et une vision à long terme axée sur les dépenses d’avenir. Cependant, cette cohérence a été progressivement érodée par la crise du régime de croissance d’après-guerre et l’émergence de la croyance en l’autorégulation des marchés.
Irréversible érosion du calcul économique public
Les tentatives de rationalisation des choix budgétaires et de réforme des procédures budgétaires n’ont pas donné les résultats escomptés. Des exemples comme EDF, qui a développé des méthodes de calcul économique pour optimiser la gestion de ses infrastructures, montrent à quel point le calcul économique public s’est détérioré.
La suppression du Commissariat général au Plan et le déclin du calcul économique public ont conduit à une délégation des décisions publiques vers les marchés, y compris dans des domaines stratégiques. Les efforts pour introduire une planification écologique ont souvent été mal orientés, comme en témoigne la gestion des subventions pour l’électrification et la rénovation thermique des logements.
Une évaluation des politiques publiques insuffisante
Bien que la France ait créé divers instituts et centres de recherche pour évaluer les politiques publiques, leur rôle dans la recherche d’économies budgétaires reste limité. Les études sur l’impact de la réduction des cotisations sociales sur le marché du travail, ainsi que l’aide à l’innovation, soulèvent des questions sur leur efficacité réelle.
Les retards dans les évaluations et leur faible mobilisation par les services de Bercy sont problématiques, laissant de nombreuses décisions se prendre dans l’incertitude.
Complexité administrative et absence de régulation
La réforme décentralisatrice lancée dans les années 1980 a redistribué les compétences de l’État à divers niveaux d’administration, créant un système complexe où les responsabilités sont partagées. Cette situation a conduit à une augmentation des coûts de gestion au lieu d’une optimisation.
La suppression de la taxe d’habitation a également privé les collectivités locales de moyens pour équilibrer leurs budgets, aggravant ainsi les déséquilibres financiers.
Des solutions à repenser
Pour faire face à ces défis, certains économistes suggèrent d’interdire l’endettement pour financer les dépenses courantes, tout en permettant une exception pour les investissements. D’autres proposent d’introduire un plafond d’endettement, qui ne pourrait être relevé qu’en cas d’urgence.
Il est crucial de veiller à ce que les gouvernements poursuivent une efficacité économique tout en assurant une redistribution équitable, ce qui représente un choix de société.
Les enjeux du système de retraite
Les débats sur les systèmes de retraite illustrent bien la tension entre considérations économiques et choix politiques. Les réformes successives, axées sur des ajustements techniques, n’ont pas pris en compte les réalités professionnelles des travailleurs, ce qui a conduit à des solutions inadaptées.
Un régime politique en crise
La concentration du pouvoir exécutif dans le cadre d’un régime présidentiel a réduit la capacité du parlement à jouer son rôle. Cela a engendré une situation où les élus semblent de plus en plus incapables de s’accorder sur des décisions stratégiques pour le pays.
Cela soulève la question de la responsabilité des politiques et de leur capacité à promouvoir un intérêt collectif face à une crise politique persistante.
Les marchés financiers et l’avenir de l’économie
Les déficits publics continuent de croître, et la lente dérive de l’endettement pourrait bientôt se heurter à un événement inattendu provoquant une crise financière majeure. La délégation de certaines responsabilités aux marchés financiers risque de compromettre la soutenabilité des finances publiques à long terme.