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France en crise, Macron confronté à l’instabilité et à la dette : le pays traverse un automne où se conjuguent désordre politique, endettement persistant et perte de certitudes nationales, selon un constat partagé par observateurs et acteurs publics.
France, crise : Macron face à l’instabilité et à la dette
Rarement la France n’a paru aussi désorientée qu’à l’aube de cet automne. Le 8 septembre, le Premier ministre François Bayrou risque de perdre la motion de confiance qu’il s’est lui‑même imposée, au terme de huit mois seulement à la tête du gouvernement. Son prédécesseur, Michel Barnier, n’était resté en poste que trois mois. Rien ne garantit que le successeur de Bayrou traverse sans heurts l’automne et le débat budgétaire à venir.
On évoque désormais la France comme le «sorgenkind» de l’Europe : pays fortement endetté, politiquement volatile et parfois désorienté. Autrefois, depuis les hauteurs parisiennes, on se permettait de regarder avec condescendance les difficultés d’États comme l’Italie, l’Espagne ou la Grèce ; cette assurance semble aujourd’hui battue en brèche.
« resignierte Tristesse »
Interrogé au sujet de la colère populaire et des appels au blocage — notamment le mouvement «Bloquons tout» annoncé pour le 10 septembre — le politologue Roland Cayrol a estimé qu’il ne s’agissait pas tant d’une colère dominante que d’une «resignierte Tristesse», une forme aiguë de mélancolie.
Défaillance politique et épisode macronien
La Ve République, conçue par Charles de Gaulle en 1958, offrait jusqu’alors une stabilité politique fondée sur une présidence forte et une alternance maîtrisée. Les grands présidents (De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac) définissaient les orientations et laissaient aux premiers ministres l’exécution.
Emmanuel Macron, lui, s’est adonné au micromanagement si longtemps que les Français ont fini par estimer qu’il intervenait jusque dans les détails du quotidien. L’année dernière, il a commis ce que l’auteur qualifie d’erreur tactique majeure : après la défaite aux élections européennes, il a dissous l’Assemblée nationale, décision qui a failli livrer le pays à l’extrême droite. Le salut est venu, de justesse, des réflexes électoraux des citoyens.
Depuis, la gouvernabilité du pays est mise à l’épreuve. Macron pourrait dissoudre de nouveau le Parlement ou, suivant certaines suggestions de la gauche radicale, démissionner avant la fin de son mandat — un geste sans précédent. Ces options sont évoquées, mais aucune n’apparaît certaine. Le fonctionnement de la Ve République s’en trouve profondément questionné.
Dette publique, modèle social et comportements privés
La seconde crise, moins spectaculaire mais tout aussi profonde, est économique. Le modèle social centralisé qui a longtemps fait la fierté de la France bute aujourd’hui sur des finances publiques dégradées. Les courbes montrent qu’à partir de 1974 la France n’a plus connu de budget réellement équilibré : on a systématiquement dépensé davantage que les recettes.
La conséquence est claire : la charge de la dette absorbe désormais davantage de ressources que l’éducation. Malgré cela, le débat public minimise parfois ces signaux, accusant les avertisseurs d’«alarmisme». Cette attitude traduit, selon l’auteur, une forme de déni de réalité née de la déception et de la nostalgie.
La promesse républicaine d’égalité, l’«Égalié», que beaucoup percevaient comme un pilier — même s’il n’était jamais parfait — est aujourd’hui ressentie comme un leurre par les perdants de la mondialisation et les victimes de la désindustrialisation. Ce ressentiment profite aux extrêmes politiques, à gauche comme à droite.
Autre symptôme : l’épargne des ménages a atteint des niveaux records, un signe d’insécurité croissante. Les entreprises investissent peu et recrutent rarement, reflétant la même hésitation face à l’avenir. La préparation aux «jours difficiles» n’est plus une abstraction lointaine mais une réalité imminente pour beaucoup.
Politique extérieure et perte de grandeur
Tandis que son pouvoir intérieur s’érode, Emmanuel Macron concentre ses efforts sur la politique étrangère, domaine réservé de la présidence sous la Ve République. Il cherche à rassembler une «coalition des volontaires» pour l’Ukraine et à promouvoir la reconnaissance d’un État palestinien — initiatives décrites comme louables dans l’article.
Pour autant, l’époque où Paris dictait le rythme des affaires mondiales est révolue : la «grandeur» s’est étiolée et la France apparaît aujourd’hui comme une puissance moyenne sur un continent lui‑même fragilisé.
Article signé Oliver Meiler, correspondant pour la France, basé à Paris.