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Les événements thromboemboliques, comme les thromboses veineuses profondes et les embolies pulmonaires, restent une complication fréquente chez les patients atteints de cancer. Après le cancer lui-même, ces complications constituent la deuxième cause de mortalité dans cette population.
Prophylaxie antithrombotique en oncologie : contexte et recommandations actuelles
Une prophylaxie antithrombotique est recommandée en prévention secondaire chez les patients cancéreux ayant déjà présenté une complication thromboembolique. Cette mesure est maintenue tant que le cancer est actif ou que le traitement oncologique est en cours, pour une durée minimale de six mois.
Depuis vingt ans, l’essai Clot a démontré l’intérêt d’un traitement anticoagulant par héparine de bas poids moléculaire pendant six mois en cas de thrombose liée au cancer. Plus récemment, les anticoagulants oraux directs (AOD) ont été adoptés dans cette indication. Plusieurs études ont également confirmé que le risque de récidive thromboembolique persiste au-delà de six mois, justifiant ainsi un traitement prolongé.
Optimiser le rapport bénéfices-risques du traitement à long terme
Malgré leur efficacité, les traitements anticoagulants exposent à un risque élevé d’effets indésirables hémorragiques. Cette problématique soulève la question de la dose optimale d’AOD à administrer pour améliorer le rapport bénéfices-risques lors de la prévention secondaire, notamment à long terme.
Une équipe internationale, regroupant des chercheurs français, européens et nord-américains et coordonnée par l’AP-HP, a mené l’essai clinique API-CAT, un essai de non-infériorité visant à comparer deux doses d’apixaban chez les patients cancéreux.
Essai API-CAT : design et population étudiée
Cette étude a inclus 1 766 patients en moyenne âgés de 67 ans, atteints de cancer actif, dont 66 % avaient un cancer métastatique. Ils ont été recrutés à une médiane de huit mois après une embolie pulmonaire ou une thrombose veineuse profonde. Parmi eux, 57 % étaient des femmes. Tous avaient déjà bénéficié d’au moins six mois de traitement anticoagulant.
Les participants ont été randomisés pour recevoir, durant une année supplémentaire, soit une dose quotidienne réduite d’apixaban à 2,5 mg, soit la dose complète recommandée de 5 mg, répartie en deux prises journalières.
Le critère principal d’évaluation combinait les récidives de thromboembolies (fatales ou non), tandis que la survenue d’hémorragies cliniquement significatives représentait le critère de sécurité.
Résultats : efficacité comparable entre les deux doses
Les résultats montrent que la dose réduite d’apixaban est aussi efficace que la dose complète pour prévenir les récidives thromboemboliques. Le taux cumulé de récidive s’élevait à 2,1 % dans le groupe dose réduite contre 2,8 % dans le groupe dose complète, confirmant la non-infériorité de la demi-dose.
Amélioration de la sécurité avec une dose réduite
En matière de sécurité, la dose réduite a démontré un avantage significatif. Le risque d’hémorragies cliniquement significatives a été diminué de 25 % avec la dose à 2,5 mg, 12,1 % des patients ayant présenté des saignements contre 15,6 % dans le groupe dose complète.
La mortalité à 12 mois était similaire dans les deux groupes, avec un taux de 17,7 % dans le groupe dose réduite et 19,6 % dans le groupe dose complète.
Perspectives et recommandations
« Nous pouvons affirmer que la dose réduite d’apixaban est à la fois aussi efficace et plus sûre que la dose pleine », déclare le Pr Isabelle Mahé, cheffe du service de médecine interne de l’hôpital Louis-Mourier (AP-HP) et professeure à l’Université Paris Cité. Elle ajoute que ces résultats devraient conduire à une mise à jour des recommandations internationales concernant le traitement prolongé chez les patients atteints de cancer actif ayant déjà reçu un traitement anticoagulant d’au moins six mois pour un événement thromboembolique veineux, en faveur d’une dose réduite d’anticoagulant.