Home ActualitéScienceComment une mutation génétique permet aux fourmis d’améliorer leur odorat

Comment une mutation génétique permet aux fourmis d’améliorer leur odorat

by Sara
France

Des chercheurs ont découvert comment un gène peut protéger l’identité olfactive d’un neurone chez les fourmis, révélant un mécanisme de transcription essentiel à l’olfaction et à l’évolution : gène, olfaction, fourmis, génétique, évolution.

Un mécanisme de protection d’un gène d’olfaction chez les fourmis et son lien avec l’évolution

Les sociétés de fourmis reposent largement sur les odeurs. Les phéromones orientent les individus vers la nourriture, avertissent d’un danger et régulent la vie de la colonie. Cette communication chimique obéit à une règle fondamentale : un récepteur par neurone. Le génome des fourmis contient plusieurs centaines de gènes codant des récepteurs d’odeurs, chacun spécialisé pour des composés particuliers. Si un neurone exprimait plusieurs récepteurs, les signaux envoyés au cerveau seraient brouillés et la précision olfactive disparaîtrait.

Des chercheurs travaillant sur la fourmi clonal raider (Ooceraea biroi) ont montré comment chaque neurone choisit un seul récepteur parmi cette vaste bibliothèque génétique. Les résultats, publiés dans Current Biology, éclaircissent un mystère de longue date sur la manière dont les fourmis maintiennent la clarté des signaux sensoriels.

Mécanisme moléculaire : transcription en lecture prolongée et ARN antisens

Après avoir disséqué le tissu antennaire de la fourmi clonal raider, l’équipe a utilisé le séquençage ARN pour savoir quels gènes étaient activés et la hybridation in situ par fluorescence pour localiser ces transcriptions dans l’antenne. En combinant plusieurs techniques moléculaires et informatiques, les chercheurs ont obtenu l’image d’un récepteur choisi entouré de voisins génétiquement silencieux.

Ils ont observé que quand un neurone active son gène récepteur, l’ARN polymérase ne s’arrête pas au terme habituel. Elle poursuit au‑delà, produisant des transcrits en lecture prolongée (« readthrough ») qui débordent sur les gènes situés en aval du récepteur ciblé. Ces transcrits restent piégés dans le noyau, probablement parce qu’ils n’ont pas la marque nécessaire pour être exportés. Les auteurs suggèrent que ces ARN sont non fonctionnels, mais que leur simple production suffit à réprimer les gènes aval. Parallèlement, le neurone génère des ARN « antisense » en sens opposé ; là où la polymérase transcrit en antisens, elle agit comme un obstacle qui silencie les gènes en amont.

« We’re describing a new form of gene regulation, » says Daniel Kronauer, head of the Laboratory of Social Evolution and Behavior at Rockefeller. « Our results demonstrate the importance of studying less conventional model species. We were able to discover new, fundamental molecular phenomena in clonal raider ants that we could not have seen in fruit flies. »

Parviz Daniel Hejazi Pastor, chercheur au laboratoire, résume : « Our findings center around transcriptional interference — that the neuron chooses one receptor by preventing the true transcription of other receptors both upstream and downstream. » Ce système crée ainsi un bouclier génétique autour du gène récepteur retenu, assurant l’identité moléculaire et fonctionnelle du neurone.

Même stratégie observée chez d’autres insectes sociaux

Les auteurs ont ensuite vérifié que ce mécanisme opère aussi chez d’autres insectes sociaux, notamment la fourmi sautante indienne et l’abeille domestique. Ces observations suggèrent que l’interférence transcriptionnelle pourrait être une solution largement répandue chez les insectes possédant de vastes répertoires de récepteurs olfactifs.

« This mechanism may be even more broadly distributed than we thought, particularly among insect species with large repertoires of olfactory receptor genes, » Kronauer says. « It’s even possible that fruit flies are the odd ones out. »

Au‑delà de l’olfaction, le travail montre comment des grappes serrées de gènes apparentés peuvent être régies par une double protection : des transcriptions en lecture prolongée qui silencient les voisins en aval et des transcriptions antisens qui bloquent ceux en amont. Ce type de régulation offre une explication plausible à la capacité des fourmis à étendre rapidement leur panel de récepteurs olfactifs au cours de l’évolution.

Kronauer ajoute : « We speculate that this kind of gene regulatory system contributes to allowing the ants to evolve new olfactory receptors so quickly. » Les duplications de gènes récepteurs pourraient ainsi être intégrées dans le système sensoriel sans nécessiter l’apparition simultanée de nouveaux mécanismes régulateurs.

Méthodes et portée de l’étude publiées en 2025

Les résultats s’appuient sur des analyses transcriptomiques et des observations spatiales de l’expression génique dans l’antenne des fourmis, couplées à des approches computationnelles. L’étude établit une nouvelle perspective sur la façon dont les systèmes sensoriels maintiennent une identité neuronale stricte malgré la présence de larges familles génétiques proches.

Les auteurs notent que l’examen d’espèces non conventionnelles a été décisif pour révéler ce phénomène moléculaire, difficile à percevoir dans des modèles classiques comme la drosophile. Les travaux proviennent de l’Université Rockefeller et ont été relayés dans une publication de septembre 2025.

Gène | Olfaction | Fourmis | Génétique | Évolution | Recherche | Rockefeller | France
source:https://www.sciencedaily.com/releases/2025/09/250920214304.htm

You may also like

Leave a Comment