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Comprendre Blaise Pascal : une réflexion critique

by Sara
France

Dans sa chronique « L’homme et l’artiste » (11/17), Mara Goyet livre une lecture personnelle et critique de Blaise Pascal, mêlant admiration, agacement et soulagement après la découverte d’une anecdote biographique inusitée.

Blaise Pascal vu par Mara Goyet

Publié aujourd’hui à 10h00 (Temps de Lecture 2 min), l’article de Mara Goyet explore la tension intime entre l’admiration et la confrontation avec l’œuvre et la personnalité de Blaise Pascal. L’auteure avoue d’emblée : « C’est l’un de mes problèmes dans l’existence : je suis éperdue d’admiration pour Blaise Pascal tout en restant persuadée qu’il mépriserait totalement ce que je suis dans la vie. Je rêve de respect mutuel ; il ne cesse de m’en foutre plein la gueule. »

Goyet décrit Pascal comme un apologiste dont l’intention n’est pas d’entrer en amitié avec le lecteur mais de le « séduire, de l’embarquer et de le ramener là où, selon lui, il devrait se trouver : dans les parages de Dieu. » Selon elle, sa stratégie consiste à malmener le lecteur par des fluctuations constantes : « il vous fait croire, tour à tour, que vous êtes naïf, demi-habile, dévot, misérable, agité ; il vous malmène, vous rabaissant, vous vantant, vous contredisant toujours, en somme, jusqu’à ce que vous soyez bien convaincu que vous êtes un « monstre incompréhensible ». »

Face à cette méthode, l’auteure s’interroge sur les réactions possibles : « Fuir comme s’il s’agissait d’un pervers narcissique ou d’un ex toxique ? L’ignorer ? Le combattre avec acharnement ? Rien ne me convient. » Cette impasse émotionnelle structure la chronique et éclaire sa manière d’aborder la figure tutélaire.

Révélations biographiques et anecdote médicale

Pour apaiser son sentiment d’humiliation touchant à la fois l’admiration et la colère, Mara Goyet raconte comment elle a tenté de se réconcilier avec certaines facettes anecdotiques de la vie de Pascal. Elle rappelle, d’abord, qu’il fut « un type qui avait créé une compagnie de carrosses à 5 sols, soit une sorte d’ancêtre de la RATP », image destinée à désamorcer la solennité philosophique et à rendre la figure plus proche, presque quotidienne.

La clé du soulagement trouvé par l’auteure se situe toutefois dans une anecdote rapportée par Denis Boissier dans son Dictionnaire des anecdotes littéraires (Éditions du Rocher, 1995). Boissier y raconte qu’afin de soulager le jeune Blaise, paralysé « des hanches jusqu’aux orteils », on lui réchauffait « les pieds avec ce que l’on appelait alors des chaussons d’eau-de-vie ». Cette image — à la fois intime et triviale — a pour Goyet quelque chose de consolateur : ramenant la figure tutélaire à hauteur d’un humble homme souffrant, elle lui rend une forme d’humanité accessible.

L’auteure confie que des formules modernes comme « mobilité douce » ou « incident voyageur », ainsi que des images légères — citant même « Serge le lapin (qui ne doit pas mettre ses mains sur les portes) » — lui avaient déjà permis de reprendre courage face à Pascal, mais que l’anecdote des chaussons d’eau-de-vie a eu un effet plus durable. Elle écrit que ces éléments lui ont « redonné un peu d’assurance. Mais pas longtemps. Il me fallait trouver quelque chose de plus fort. Que je découvris » dans le dictionnaire de Boissier.

Différents registres de lecture et positionnement

La chronique de Mara Goyet illustre comment la réception d’un auteur peut être à la fois intellectuelle et profondément personnelle. En mettant en parallèle la sévérité rhétorique de Pascal et des traits biographiques prosaïques, elle tente de dépasser la polarité admiration/rejet. Le récit met en lumière la difficulté qu’éprouve le lecteur moderne à concilier la grandeur des idées et la proximité des fragilités humaines.

Goyet affirme également son soulagement après cette découverte anecdotique : en ramenant la figure tutélaire à hauteur de Michel Blanc, « s’en trouve soulagée ». Cette formule montre qu’un simple détail de la vie peut suffire, pour certains lecteurs, à désamorcer la distance imposée par l’autorité intellectuelle.

La chronique, réservée aux abonnés, constitue un exemple de lecture critique et subjective d’une figure majeure de la pensée française, où l’intime, l’anecdote et l’analyse se croisent pour renouveler la relation du lecteur au texte et à l’auteur.

source:https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2025/08/15/imaginer-blaise-pascal-dans-ses-pantoufles-ethylo-confites-me-laisse-esperer-de-mieux-le-comprendre_6629893_3451060.html

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