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Le lac de Tibériade, situé au nord-est de la Palestine occupée, près du point de rencontre des frontières d’Israël, de la Jordanie et de la Syrie, est la plus basse réserve d’eau douce sur la planète et le deuxième plan d’eau le plus bas au monde après la mer Morte.
Sa valeur géostratégique tient à son rôle de source partagée d’eau douce, ce qui en fait un enjeu régulier de tensions régionales. Le lac possède aussi une forte symbolique religieuse et historique pour les trois religions monothéistes.
Localisation et géographie
Le lac de Tibériade se trouve dans la vallée du Jourdain, dans la partie nord-est de la Palestine, à la frontière avec la Jordanie et la Syrie. Il est bordé à l’ouest par la région de la Galilée et à l’est par les hauteurs du Golan occupées.
De forme ovoïde, le lac couvre environ 166 km², mesure jusqu’à 21 km de long et 13 km de large, et son rivage s’étend sur environ 53 km.
Son niveau varie selon les saisons et les années en fonction des précipitations et de l’activité humaine. Le lac se situe entre 209 et 215 mètres sous le niveau de la mer, avec une profondeur moyenne d’environ 25,6 m et un maximum proche de 43 m.
Le Jourdain est son principal affluent : il prend naissance au mont Hermon, descend vers le sud, entre dans le lac par son extrémité nord puis en ressort par la partie sud. Le lac reçoit aussi des sources souterraines, des ruisseaux saisonniers et des précipitations locales.
Le climat local, lié à la faible altitude par rapport au niveau de la mer, se caractérise par des hivers doux et pluvieux et des étés longs et chauds, avec des températures annuelles oscillant généralement entre 8 °C et 36 °C.
Le lac s’est formé il y a plusieurs dizaines de millions d’années par activité tectonique liée à la séparation des plaques africaine et arabe qui a créé la dépression de la vallée du Jourdain.
Toponymie
Au fil de l’histoire, le lac a porté plusieurs noms. En hébreu ancien, il était appelé « Yam Kinneret » (la mer de la harpe) et il a aussi été connu comme le lac de Génézareth, dérivé du nom grec « Ginosar ».
Son appellation actuelle, « lac de Tibériade », provient de la ville voisine de Tibériade fondée en 20 ap. J.-C. et nommée en l’honneur de l’empereur romain Tibère.
On l’appelle également « mer de Galilée » en référence à sa situation géographique dans la région de la Galilée.
Importance religieuse et historique
Le lac de Tibériade occupe une place centrale dans les traditions religieuses et culturelles depuis des millénaires. Il est mentionné dans l’Ancien et le Nouveau Testament et apparaît dans de nombreuses sources historiques et religieuses islamiques.
Pour le christianisme, le lac est associé à plusieurs épisodes évangéliques : la marche de Jésus sur l’eau, la tempête apaisée et la multiplication des poissons. Des lieux saints et sites de pèlerinage entourent le lac, comme la montagne des Béatitudes et l’église de Saint-Pierre.
Pour le judaïsme, les rives du lac ont été un centre intellectuel et spirituel durant l’époque talmudique (70–640 ap. J.-C.). C’est dans cette région que certaines traditions situent la rédaction du Talmud palestinien (ou Talmud de Jérusalem).
Chez certains musulmans, des récits associent le dessèchement du lac à des signes eschatologiques, et des traditions évoquent qu’il pourrait être l’un des derniers points d’eau avant la fin des temps.
Les ruines de Capharnaüm, proches du lac, révèlent un ancien site d’habitation et un des plus anciens synagogues connues, attestant de l’importance religieuse et historique continue de la région.
Importance économique
Le lac de Tibériade est un élément clé de l’économie locale, notamment pour l’agriculture, le tourisme et la pêche commerciale.
Ses eaux servent à l’irrigation des plaines inondables voisines, où l’on cultive des produits variés : bananes, agrumes, légumes, raisins, palmiers, oliviers et mangues.
Le lac alimente également des zones plus arides du centre et du sud, contribuant sensiblement à la production agricole d’Israël.
- Tourisme : pèlerinages chrétiens, activités récréatives et sports nautiques attirent visiteurs locaux et étrangers.
- Sentiers et itinéraires : en 2011, un itinéraire dit « Sentier de Jésus » a été aménagé le long des côtes et des sites historiques, sur plus de 60 km.
- Loisirs et santé : baignade, navigation, randonnée et stations thermales autour du lac.
Vie biologique
Le lac abrite un écosystème riche et diversifié, soutenu par son emplacement dans la vallée du Jourdain et la variété des habitats environnants.
On y trouve plusieurs espèces de poissons : parmi elles, le tilapia (appelé localement « Kinneret bleak »), le silure, la carpe et d’autres espèces endémiques ou introduites.
Les zones humides alentour sont reconnues comme des habitats d’importance pour les oiseaux. Elles servent de halte migratoire et d’aires d’alimentation pour des espèces variées.
- Oiseaux : canards, hérons, fous, plongeons et sternes figurent parmi les espèces observées.
- Mammifères et reptiles : renards, sangliers, diverses espèces de reptiles et une flore locale diversifiée.
Menaces environnementales
Le lac de Tibériade fait face à de nombreuses pressions : baisse du niveau de l’eau, pollution par les eaux usées, ruissellement agricole et déchets industriels.
Depuis le début du XXIe siècle, le niveau du lac a chuté de manière significative. En 2001, le niveau est tombé à 214,8 m sous le niveau de la mer, dépassant le « seuil noir » critique de 214,4 m.
La baisse de niveau entraîne l’exposition de fonds lacustres, la dégradation de la qualité de l’eau (augmentation de la salinité) et la mise en danger de la biodiversité et des ressources halieutiques.
Des hivers pluvieux successifs ont partiellement reconstitué le niveau, comme fin 2020 où le lac était proche de son niveau maximal historique relatif, autour de 209,9 m sous le niveau de la mer.
Néanmoins, en février 2025, le niveau est retombé à 211,2 m sous le niveau de la mer, puis vers 212 m en été, s’approchant dangereusement du « seuil rouge » fixé à 213 m.
Les causes combinent facteurs climatiques (sécheresse, hausse des températures, évaporation) et facteurs humains (surexploitation pour l’agriculture, transfert d’eau en amont et urbanisation).
Des études, dont celles relayées par Earth Observatory de la NASA, attribuent en grande partie le déclin au développement agricole et aux détournements d’eau opérés depuis le début du siècle.
Historiquement, Israël a prélevé jusqu’à 400 millions de m³ par an, mais ce volume a varié fortement selon les niveaux du lac. Entre 2017 et 2019, les prélèvements annuels sont tombés entre 18 et 42 millions de m³, puis sont remontés entre 2020 et 2022 (188–221 millions de m³), représentant 7 à 9 % de l’approvisionnement en eau d’Israël.
Les accords de paix et les ententes bilatérales influent également sur la répartition : selon le traité de paix israélo-jordanien de 1994, Israël fournissait initialement environ 50 millions de m³ annuels à la Jordanie, puis 100 millions de m³ après un accord de 2021.
Histoire
Les rives du lac de Tibériade comptent parmi les lieux d’habitation humaine les plus anciens au monde, avec des traces d’occupation remontant à 400 000–500 000 ans.
Le lac a été un centre d’approvisionnement en eau et un axe commercial pour de nombreuses civilisations anciennes, dont les civilisations égyptienne et phénicienne.
Durant l’Antiquité, la région prospéra sous les empires romain et byzantin. Hérode Antipas fonda la ville de Tibériade au Ier siècle, qui devint rapidement un centre régional important.
À l’époque byzantine, le bassin attira des pèlerins chrétiens et devint un centre monastique et religieux. Le foyer passa ensuite sous domination islamique en 634 ap. J.-C., puis connut des occupations croisées et des périodes de contrôle ottoman et européen jusqu’au XXe siècle.
Conflit arabo-israélien et enjeux hydrauliques
Le lac a été au cœur des rivalités régionales. Après la guerre de 1948, les forces syriennes occupèrent les rives nord-est, puis Israël prit le contrôle total du lac et des zones adjacentes après la guerre de 1967.
Dès 1964, Israël a entamé le transfert d’eau du lac vers les zones côtières densément peuplées et vers le désert du Néguev dans le cadre du projet connu sous le nom de « National Water Carrier ».
Ces transferts et les tentatives de maîtrise des flux du Jourdain ont provoqué des tensions diplomatiques avec la Syrie et la Jordanie autour du partage des ressources hydriques.
Malgré des accords bilatéraux, les droits d’accès et la gestion de l’eau demeurent des éléments sensibles et source de friction dans la région.
Le lac de Tibériade reste à la fois une ressource vitale, un patrimoine religieux et historique majeur, et un baromètre des pressions environnementales et politiques qui affectent l’ensemble de la région.
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