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Une méta-analyse récente révèle que plusieurs centaines de millions d’hectares de sols en Europe et en Asie dépassent les seuils sanitaires pour la pollution aux métaux lourds. Les chercheurs considèrent ce phénomène comme un possible marqueur de l’Anthropocène, cette ère géologique caractérisée par l’impact massif des activités humaines sur la planète.
Cartographier la pollution globale aux métaux lourds
Si la pollution des sols est souvent associée aux microplastiques, aux pesticides ou aux substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), une autre menace pèse particulièrement sur les sols agricoles : celle des métaux lourds. Parmi eux, l’arsenic, le cadmium, le cobalt, le chrome, le cuivre, le nickel et le plomb sont au cœur d’une étude publiée dans la revue Science le 17 avril 2025.
Les chercheurs de l’Université Tsinghua à Pékin ont compilé les données issues de 1 493 études concernant des échantillons de couches supérieures de sols provenant du monde entier. Leur objectif était de cartographier l’étendue de la pollution des sols aux métaux lourds. Pour affiner leurs résultats, ils ont utilisé un modèle d’apprentissage automatique prenant en compte divers facteurs climatiques, topographiques et socioéconomiques.
Un « corridor » fortement contaminé aux métaux
Les résultats indiquent que 14 à 17 % des sols agricoles mondiaux contiennent au moins un métal lourd dépassant les limites minimales tolérées pour une agriculture saine. Le cadmium, utilisé principalement comme revêtement anticorrosion pour l’acier, est le métal le plus répandu. En outre, environ 6,8 % de la surface terrestre présente des concentrations en métaux lourds qui excèdent les seuils considérés sans risque pour la santé humaine ou l’environnement.
Selon l’étude, entre 900 millions et 1,4 milliard de personnes vivent dans des zones exposées à une contamination toxique aux métaux lourds. Les régions les plus touchées incluent le nord de l’Inde, le sud de la Chine et le Moyen-Orient. Néanmoins, la cartographie révèle un « corridor » particulièrement contaminé, s’étendant du sud de la Chine jusqu’à l’Europe, avec des foyers notables dans le nord de l’Italie, les Balkans, la Grèce et la Turquie.
Crédits : Hou et al., Science, 2025
Un indicateur-clé de l’Anthropocène ?
Trois facteurs expliquent la présence de cette pollution généralisée aux métaux lourds :
- Des événements naturels, tels que les incendies de forêt ou les tempêtes, qui transportent les métaux sur de longues distances.
- Certaines conditions environnementales propices, notamment des précipitations intenses, des températures élevées, l’érosion de sols plats limités par des reliefs importants, ainsi qu’une évapotranspiration accrue des plantes.
- Les activités humaines, comprenant le raffinage des minerais, la pollution industrielle moderne et l’irrigation intensive en agriculture.
Les auteurs suggèrent que cette pollution pourrait constituer un indicateur majeur de l’Anthropocène, étant donné que les métaux lourds ne sont pas biodégradables. Fait notable, le corridor de pollution correspond géographiquement à la répartition d’anciennes civilisations antiques de l’âge du Bronze, notamment les cultures perse, romaine, grecque, indienne et chinoise.