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La lumière est simplement un type de rayonnement : elle émane du soleil et d’une lampe allumée, et elle nous permet de voir. Vous voyez la lampe parce qu’elle émet de la lumière ; vous voyez aussi le mur, la chaise ou le livre parce que les rayons lumineux provenant de la lampe se sont réfléchis sur ces objets puis sont parvenus à vos yeux.
Ce phénomène peut sembler évident, pourtant la première description expérimentale connue remonte à plus d’un millénaire. Le savant al‑Hasan ibn al‑Haytham (connu en Occident sous le nom d’Alhazen) a mis au point ce que nous appelons aujourd’hui la chambre obscure : une pièce complètement fermée avec un petit trou dans un mur. La lumière passant par ce trou projette sur la face opposée une image inversée des objets extérieurs.
Alhazen (documentaire Al Jazeera)
Onde ou particule : un débat séculaire
Après Ibn al‑Haytham, la nature de la lumière a longtemps déconcerté philosophes et scientifiques. La question qui revenait sans cesse était : la lumière est‑elle une onde ou une particule ?
Newton défendait l’idée que la lumière est constituée de petites particules se déplaçant en ligne droite. Huygens, au contraire, soutenait qu’elle se comporte comme une onde. Avec l’avènement de la physique moderne, la réponse s’est révélée plus étrange : la lumière manifeste simultanément des propriétés d’onde et de particule.
On peut résumer ces deux aspects ainsi :
- Propriété ondulatoire : la lumière se propage comme une vibration étendue, capable d’interférer et de produire des motifs d’amplitude variable.
- Propriété corpusculaire : la lumière se manifeste par des photons, des « paquets » d’énergie localisés qui peuvent transférer de l’énergie en points précis.
Malgré la richesse des preuves théoriques et expérimentales, parvenir à capturer ces deux facettes simultanément dans une seule image restait un défi jusqu’en 2015.
La première photographie montrant la double nature de la lumière
En mars 2015, une équipe de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a réussi à obtenir la première image mettant en évidence, de façon claire, la lumière à la fois comme onde et comme particule. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications (voir : https://www.nature.com/articles/ncomms7407).
La lumière comme onde en haut, et comme particule en bas (EPFL)
Comment l’équipe a‑t‑elle procédé ?
Les chercheurs ont utilisé une technique avancée : le microscope électronique ultrarapide. La procédure peut se résumer en quelques étapes claires :
- Un laser envoie une impulsion vers un nanofil métallique (un fil d’un diamètre de l’ordre du nanomètre).
- Cette interaction crée une onde stationnaire le long du fil, c’est‑à‑dire une oscillation qui reste « accrochée » sur place et révèle l’aspect ondulatoire de la lumière.
- Des électrons rapides sont ensuite envoyés à proximité du fil ; ils interagissent avec les photons.
- Certaines électrons gagnent de l’énergie et d’autres en perdent, effectuant des sauts énergétiques discrets — signature du comportement corpusculaire (photons individuels).
Dans l’image obtenue, l’aspect ondulatoire se manifeste par des ondulations marquées, tandis que l’aspect corpusculaire apparaît sous forme de lignes d’énergie distinctes correspondant à des échanges d’un nombre entier de photons.
Microscope électronique utilisé par l’équipe (EPFL)
Onde et particule : une même réalité selon l’expérience
Pour rendre l’idée plus accessible, on peut imaginer la lumière comme une personne aux deux visages. D’un côté, elle danse en mouvements fluides et crée des motifs collectifs (aspect ondulatoire). De l’autre, elle peut frapper une cible précise avec exactitude, comme un jet précis de projectiles (aspect corpusculaire).
Ces deux comportements donnent parfois l’impression d’être contradictoires, mais ils appartiennent au même phénomène. La manifestation observée dépend de la manière dont on interroge la lumière — c’est‑à‑dire du dispositif expérimental employé.
Le monde quantique demeure surprenant. Comme l’a dit le prix Nobel Richard Feynman : « Je mourrai en étant assuré que personne ne comprend la mécanique quantique. » Cette remarque exprime que la réalité quantique dépasse souvent nos intuitions quotidiennes.
La photographie de l’EPFL apporte une illustration visuelle puissante de cette dualité persistante et enrichit notre compréhension expérimentale de la lumière.