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Violences à Nasser : tensions croissantes en Afrique du Sud-Soudan
La guerre qui a conduit à la création de l’État du Sud-Soudan en 2011 n’était pas encore terminée qu’une autre guerre a éclaté entre anciens alliés en 2013, deux ans après l’indépendance, se terminant par un accord de paix fragile en 2018, qui n’a pas suffi à stopper les cycles de violence récurrents, le dernier en date ayant eu lieu fin février dernier.
Des violences ont éclaté dans la région d’Upper Nile, dans la ville de Nasser, entre l’« armée blanche » loyaliste à Riek Machar, vice-président, et l’« armée populaire » fidèle au président Salva Kiir Mayardit.
Contexte de la guerre civile et accords de paix fragiles
La guerre civile au Sud-Soudan a éclaté en 2013, résultant de divergences politiques aggravées par des tensions ethniques entre Kiir et Machar, après que le président a accusé son vice-président de tentative de coup d’État.
Kiir représente l’ethnie Dinka, tandis que Machar est issu de l’ethnie Nuer, les deux plus grandes ethnies du pays.
Le conflit a duré deux ans avant la signature d’un accord de paix en 2015, qui s’est rapidement effondré l’année suivante. Après de nombreuses médiations, un nouvel accord a été signé en 2018, qui a réussi à apaiser la situation de manière relative.
En 2020, un gouvernement d’unité nationale a été formé, réunissant les deux dirigeants, chacun conservant son poste. Cependant, le manque de confiance entre les parties a entravé la mise en œuvre des termes de l’accord, et l’absence de mécanismes efficaces pour garantir le respect des engagements a laissé de nombreuses dispositions du traité lettre morte, contribuant à la fragilité politique et sécuritaire du pays.
Escalade des violences à Nasser
Fin février dernier, des affrontements violents ont éclaté dans les États de l’Équateur occidental et d’Upper Nile – en particulier à Nasser – entre l’armée officielle, connue sous le nom de « Forces de défense populaire du Sud-Soudan », et l’armée blanche, composée de groupes armés Nuer dirigés par Machar. Des armes lourdes ont été utilisées, entraînant de nombreux morts et le déplacement de milliers de personnes.
Les affrontements ont culminé le 4 mars lorsque l’armée blanche a pris le contrôle d’une base militaire à Nasser, une région stratégiquement située près des frontières du pays. De plus, l’armée blanche a abattu un avion des Nations Unies qui tentait d’évacuer des responsables militaires de la base de Nasser entre le 5 et le 7 mars, tuant 27 personnes, dont un haut responsable, le général Major Dak, un leader Dinka.
Réponse du président Salva Kiir
Campagne d’arrestations
Le 5 mars, le renseignement militaire du gouvernement de Kiir a lancé une vaste campagne d’arrestations ciblant des dirigeants éminents du mouvement populaire dirigé par Machar, y compris le chef d’état-major de l’armée populaire Gabriel Duop Lam, ainsi que le ministre du pétrole et de la paix. Les familles des détenus et leurs gardes personnels ont également été arrêtés, sans explication officielle des raisons de ces actions.
Assaut sur la résidence du vice-président
Parallèlement à ces arrestations, les forces de sécurité ont encerclé la résidence du vice-président à Juba, sans que les autorités ne fournissent d’explications. Selon certains rapports, il serait en détention à domicile jusqu’à ce que les tensions s’apaisent.
Révocations de ministres
Après les affrontements à Nasser, le président a révoqué plusieurs ministres, dont le ministre de la Justice et des affaires constitutionnelles, Ruben Madol Arul, la ministre de l’Éducation générale et de l’enseignement supérieur, Adout Deng Akech, et le ministre du Commerce et de l’Industrie, Joseph Mom Majak. Les raisons de ces révocations n’ont pas été mentionnées dans le décret, bien que les nominations et révocations soient soumises à l’accord de paix de 2018, nécessitant une consultation avec les partenaires.
Facteurs des tensions récentes
Bien que la situation au Sud-Soudan présente de multiples raisons pour le déclenchement des affrontements, plusieurs facteurs sous-tendent la dernière vague de violence :
- Conflit sur le remplacement des soldats : Des sources locales proches des parties en conflit ont rapporté que l’un des principaux motifs des affrontements à Nasser était le désaccord concernant le remplacement de soldats en service depuis plus de 10 ans dans les Forces de défense populaire, que l’armée blanche a refusé de remplacer.
- Attaques de l’armée : Machar accuse l’armée du président d’avoir attaqué ses forces dans le comté d’Awling le 25 février et d’avoir mené d’autres attaques dans deux autres régions de l’ouest du pays.
- Report des élections : Le gouvernement du Sud-Soudan a annoncé le report des élections générales à 2026, initialement prévues pour décembre 2024, invoquant la nécessité de plus de temps pour compléter le recensement et rédiger une constitution permanente.
- Crise économique : Le Sud-Soudan est confronté à une grave crise économique, rendant impossible le paiement des salaires des employés depuis un an, principalement à cause de la perte de la majorité de ses revenus pétroliers.
- Difficultés de transition : Le pays peine à passer d’un état révolutionnaire à un État stable, avec des conflits anciens qui perdurent et un manque d’engagement à mettre en œuvre l’accord de paix de 2018.
- Impact des pays voisins : La situation au Sud-Soudan est influencée par ses voisins, notamment le Soudan et l’Ouganda, qui jouent des rôles importants dans les dynamiques de conflit.
Intervention ougandaise et efforts des Nations Unies
Le président de l’armée ougandaise, Muhoozi Kainerugaba, a annoncé le déploiement de forces spéciales à Juba pour sécuriser la ville, en réponse à une demande du gouvernement sud-soudanais. Cependant, le ministre de l’Information du Sud-Soudan a tenté de démentir cette information.
Depuis l’indépendance en 2011, une mission des Nations Unies a été mise en place pour soutenir les efforts de paix et de développement. Malgré ses efforts, la mission fait face à de nombreux défis, notamment le manque de ressources et les menaces sécuritaires directes.
Appels au calme et avertissements de crise
La Commission des droits de l’homme des Nations Unies a exprimé des inquiétudes concernant le recul de l’engagement envers l’accord de paix et a averti que l’escalade de la violence pourrait faire perdre les progrès réalisés depuis 2011. Il est essentiel que les institutions régionales et continentales interviennent pour prévenir le retour aux guerres civiles dévastatrices.