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Le rebond industriel Aubert & Duval se matérialise par un investissement massif de 82 millions d’euros sur le site de Pamiers, visant à moderniser une presse historique et à renforcer la capacité de production de pièces aéronautiques de grande dimension.
Le rebond industriel Aubert & Duval : nouvelle presse 6 000 tonnes et décarbonation
Un chantier d’envergure a été lancé au cœur de l’usine d’Aubert & Duval à Pamiers (Ariège) : le métallurgiste aéronautique consacre 82 millions d’euros au remplacement d’une des presses historiques du site, en service depuis 1932. Pour accueillir la nouvelle machine, la direction a dû surélever le bâtiment afin d’installer une presse de 6 000 tonnes dont la mise en service est attendue à la mi-2026.
Cette presse permettra de produire des pièces de grande dimension destinées à l’aéronautique (pièces de structure, arbres et disques moteur). Le site en profite aussi pour moderniser ses procédés énergétiques :, comme l’indique le directeur du site Lionel Guimbard, « pour décarboner en remplaçant les fours à gaz par des fours 100% électrique ».
La nouvelle presse ouvrira également la voie à des procédés innovants pour les prochaines générations de moteurs, à l’image du projet Rise développé par Safran Aircraft Engines et GE Aerospace. Elle pourra forger avec une technologie dite very hot die, déjà utilisée aux États-Unis mais pas encore en Europe, qui consiste à chauffer l’outillage en permanence pour éviter tout choc thermique sur la pièce.
De la quasi-faillite en 2023 au retour à l’équilibre au printemps
Aubert & Duval, premier employeur privé de l’Ariège avec 1 100 salariés sur le site de Pamiers, revient de difficultés importantes. Le PDG Etienne Galan rappelle la gravité de la situation :
« Une entreprise normale aurait fait faillite depuis très longtemps, mais Aubert & Duval n’est pas une entreprise normale »
Leader mondial des aciers à haute performance, des superalliages et du titane, le groupe avait cumulé les pertes en raison de problèmes de qualité, de la crise du Covid-19 puis de la flambée des coûts de l’énergie et des matières premières après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Deux ans après son sauvetage par Airbus, Safran et Tikehau, l’industriel, auparavant propriété du groupe minier Eramet, a annoncé au printemps un retour à l’équilibre en termes de résultat net.
Etienne Galan nuance toutefois la reprise :
« Aubert & Duval n’est pas encore revenu au niveau d’activité d’avant Covid, mais il n’est plus sur le chemin critique. L’entreprise pouvait livrer très en retard. Beaucoup d’efforts ont été faits pour sortir de cette crise et désormais les clients ont repris confiance »
Au niveau du groupe, Aubert & Duval emploie 4 100 collaborateurs et a atteint un chiffre d’affaires de 844 millions d’euros. Sur le site ariégeois, la montée en cadence est attendue : Lionel Guimbard annonce « Nous allons passer la barre des 53 000 pièces produites en 2026 », soit une hausse de 40 % d’activité en deux ans, entraînant quelque 86 recrutements par rapport à 2024.
Concurrence internationale, droits de douane et souveraineté industrielle
Malgré ce rebond industriel Aubert & Duval, la concurrence extérieure reste un défi majeur. Devant le ministre de l’Industrie Marc Ferracci, Etienne Galan a pointé la pression concurrentielle « aux Etats-Unis, en Inde, en Chine ou en Russie » en précisant :
« Le coût du travail aux Etats-Unis est inférieur à celui du coût du travail en France et il en est de même pour les prix de l’énergie. Au Japon, les entreprises reçoivent beaucoup de subventions. »
Le ministre a indiqué que, en Chine, « les entreprises sont non seulement subventionnées par l’Etat chinois mais aussi par les villes chinoises qui se font concurrence entre elles pour attirer les industries ». Il a ajouté :
« Dans ces conditions, il est bien plus facile de pratiquer de meilleurs prix pour les concurrents d’Aubert & Duval ou d’Arcelor Mittal. Face à cette concurrence déloyale, nous ne pouvons lutter qu’au niveau européen »
, en précisant que l’Europe pourrait annoncer des mesures dans les prochaines semaines.
La question de la souveraineté industrielle est centrale : Aubert & Duval fournit du titane « made in France » et souhaite renforcer la capacité nationale d’élaboration du titane, en misant notamment sur des matériaux recyclés. Le PDG souligne l’enjeu pour la filière aéronautique :
« Aujourd’hui, Airbus et Safran sont dépendants des Américains, des Russes, et des Chinois pour les pièces en titane. Nous voulons doubler la capacité de notre filière d’élaboration titane, qui a par ailleurs la particularité d’être à base de matériaux recyclés »
Par ailleurs, le groupe bénéficie à court terme des droits de douane instaurés par les États-Unis, les donneurs d’ordre aéronautiques cherchant des alternatives aux fournisseurs américains pour sécuriser leurs stocks de titane dans la chaîne d’approvisionnement.
Le PDG, Etienne Galan, à gauche et à droite, le ministre de l’Industrie Marc Ferracci. (Crédits : Rémi Benoit)