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Panne Électrique en Espagne : 3 Leçons à Retenir

by Sara
Panne Électrique en Espagne : 3 Leçons à Retenir
France, Espagne

La panne électrique majeure qui a frappé l’Espagne le 28 avril 2025 soulève des interrogations complexes sur la gestion et la stabilité des réseaux électriques dans un contexte de transition énergétique. Alors que le débat s’est rapidement centré sur le rôle des énergies renouvelables, plusieurs facteurs techniques et stratégiques méritent une analyse approfondie. Voici trois enseignements clés à retenir de cet incident.

Une passante promène son chien en s’éclairant avec son téléphone à Vigo pendant la panne électrique

Une passante promène son chien en s’éclairant avec son téléphone, le 28 avril 2025 à Vigo, dans le nord-ouest de l’Espagne, lors de la panne d’électricité géante.

Une crise sans coupable unique

En France, la panne espagnole a rapidement alimenté un procès des énergies renouvelables (EnR), en particulier parce que 73 % de la puissance électrique active provenait alors du solaire et de l’éolien. Certains experts français recommandent pourtant de ne pas dépasser un seuil de 30 % d’EnR pour préserver la stabilité du réseau. Faut-il en déduire que l’Espagne a trop misé sur ces sources ? La réponse reste nuancée.

Philippe Girard, dirigeant d’E-Pango, souligne qu’il n’y a pas de réponse absolue. La stabilité d’un réseau dépend d’un ensemble de facteurs : profil de consommation, capacités de stockage, interconnexions avec les pays voisins, etc. En Californie ou en Australie, ce seuil des 30 % est largement dépassé sans provoquer de pannes majeures, rappelle Ondine Suavet, cofondatrice de mylight150.

En France, la situation est particulière puisque le développement du solaire impose un fonctionnement du parc nucléaire en dessous de ses capacités optimales. L’ancienne dirigeante d’Areva, Anne Lauvergeon, ainsi que Jacques Treiner, président du Shift Project, critiquent le choix de remplacer une énergie décarbonée (le nucléaire) par une autre (les EnR), soulignant qu’il n’y a pas de logique écologique à cela. Cet épisode invite donc à élargir le champ des investigations au-delà des seules énergies renouvelables.

Un réseau électrique fragilisé par des facteurs techniques

La deuxième leçon majeure concerne la dimension technique du système électrique espagnol. L’événement ne trouve pas son origine dans un manque de vent ou de soleil, mais plutôt dans un effondrement du réseau unique en son genre.

Damien Ernst, professeur à l’Université de Liège, pointe la responsabilité de l’électronique de puissance reliant les installations renouvelables au réseau. Un phénomène d’oscillation a perturbé ces équipements, les incitant à croire à une surproduction alors que ce n’était pas le cas. Cette erreur a entraîné la déconnexion massive d’une partie de la production, provoquant un effet domino conduisant au blackout.

De plus, le réseau manquait de « machines synchrones » – des installations essentielles à la stabilité de la fréquence électrique. Au moment de la panne, seules 4 gigawatts de ces machines fonctionnaient, alors que la consommation atteignait 25 gigawatts. Le déclin progressif de ces machines et l’ajout constant de couches électroniques créent un risque accru de dysfonctionnements imprévus. Par ailleurs, l’attention des opérateurs semble plus tournée vers les enjeux de marché que sur la physique des réseaux, ce qui pourrait aggraver la situation à l’avenir.

Le défi du stockage d’énergie pour une meilleure flexibilité

Enfin, la question du stockage de l’électricité apparaît comme une priorité incontournable. Bien que l’Espagne envisage de construire la plus grande station de pompage hydraulique d’Europe d’ici six ans, le pays souffre actuellement d’un déficit en moyens de stockage capables d’absorber les surplus ou de répondre aux pics de consommation.

La France partage cette fragilité. Mattias Vandenbulcke, directeur de la stratégie chez France renouvelables, rappelle que, selon les études de RTE, la France aura besoin d’une capacité de stockage comprise entre 6 et 8 gigawatts d’ici 2035. Pourtant, les projets prévus dans la programmation pluriannuelle de l’énergie restent très limités, avec peu de batteries et un développement modéré de l’hydraulique.

Jean-Christophe Kerdelhué, patron de NW, ajoute que le stockage n’a jamais été considéré comme un levier efficace pour faciliter l’intégration des EnR, l’électrification des usages et une meilleure gestion de la consommation.

Pour Mattias Vandenbulcke, il serait contre-productif de penser que la France produit déjà trop d’électricité ou que la transition vers des usages plus verts est une erreur. Il rappelle que 100 % des énergies fossiles consommées en France sont importées, un coût qui a atteint 64 milliards d’euros l’an dernier, tandis que la France exporte pour environ 5 milliards d’euros d’électricité par an.

source:https://www.lexpress.fr/environnement/panne-geante-en-espagne-ces-trois-lecons-a-tirer-du-black-out-CHSBLEI76RHKZK4HLL3HW7TVXM/

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