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L’Émergence et la Valeur de l’Art oratoire dans le Monde Arabe
« Un homme a demandé à Bilal -alors qu’il revenait de l’arène- : Qui a gagné ? Il a répondu : Les proches ont gagné. L’homme a rétorqué : Je te demande juste au sujet des chevaux. Alors Bilal a dit : Et moi, je te réponds au sujet du bien. »
Al-Bayan wa al-Tabyin, vol. 2, p. 193.
Les Arabes ont varié leurs styles oratoires, s’adaptant à chaque situation selon son contexte, jusqu’à considérer la rhétorique comme « la conformité du discours aux exigences de la situation ». Cela est également illustré par la citation de lpoète Al-Hutay’i au calife Omar ibn al-Khattab :
« Aie pitié de moi, que le roi te guide, car pour chaque situation il y a un discours approprié. »
Cependant, pour des raisons qu’ils ont définies, ils ont choisi de s’écarter de cette exigence, créant ainsi une forme de paradoxe, sans toutefois renoncer à la rhétorique et aux objectifs de l’expression. C’est sous ce cadre que s’inscrit notre sujet.
Parallèlement, les études modernes nous présentent le paradoxe stylistique, avec ses tensions sémantiques et ses déplacements linguistiques au sein du texte, rendant ce paradoxe, sous divers aspects, proche du style du sage. Nous consacrerons un article à ce sujet, tout en soulignant les interrelations et les points de convergence et de distinction.
Naissance du Style du Sage
Le premier à évoquer ce sujet est Abou Othman Al-Jahiz (mort en 255 AH), qui, dans son livre Al-Bayan wa al-Tabyin, sous le titre « L’énigme dans la réponse », a rapporté :
« Un homme a demandé à Bilal -alors qu’il revenait de l’arène- : Qui a gagné ? Il a répondu : Les proches ont gagné. L’homme a rétorqué : Je te demande juste au sujet des chevaux. Alors Bilal a dit : Et moi, je te réponds au sujet du bien. »
Al-Jahiz a mentionné cette forme sans lui donner de nom, la citant à nouveau sous le titre « Un discours omis, puis retour au discours initial », tout en abordant le thème du « discours qui pousse l’auditeur à des significations et à des intentions différentes ».
Après lui, Abou Yaqub Al-Sakkaki (mort en 626 AH), souvent soupçonné de complexifier la rhétorique, a longuement discuté de ce style, en établissant ses règles et en lui assignant un terme qu’il a appelé « le style du sage », qu’il a intégré à la dernière partie de la science des significations. Entre la mort d’Al-Jahiz et la naissance d’Al-Sakkaki, il s’est écoulé environ 300 ans, période durant laquelle les Arabes n’ont pas trouvé de terme approprié pour désigner ce style rhétorique !
Définition du Style du Sage
Le terme « style » en arabe se réfère à la méthode ou à la voie, l’excellence et l’étendue. Il est proche de plusieurs concepts. Selon Ibn Faris, « le style est l’art d’exprimer les choses avec légèreté et rapidité ». Dans le Al-Maqayis, il est dit que « le style est la voie suivie pour l’expression ».
Al-Hakim, quant à lui, implique l’expertise et la prévoyance. Selon Ibn Al-Mubarrad, « le sage est celui qui atteint la vérité ». Dans ce contexte, le sage est décrit comme quelqu’un qui place les choses à leur juste place, sans agir avec précipitation ou imprudence.
En termes de définition, Al-Sakkaki a été le premier à traiter le style du sage sous cet angle, le décrivant comme « la réception du discours par l’auditeur, sans ce qu’il attendait, ou la réponse à une question sans s’y attacher ».
Valeur et Importance de l’Art Oratoire
L’art oratoire dans la culture arabe est d’une grande valeur, car il permet de transmettre des idées, d’influencer et de persuader. Il joue un rôle central dans la littérature et la communication, et est souvent considéré comme un indicateur de compétence intellectuelle.
Les Arabes ont développé des techniques oratoires sophistiquées, dont la maîtrise est essentielle pour réussir dans divers domaines de la vie sociale et professionnelle. Cette compétence est particulièrement valorisée dans les discours politiques, les débats académiques, et les expressions artistiques.
En conclusion, l’art oratoire dans le monde arabe est un reflet non seulement de la richesse de la langue, mais aussi de la profondeur de la pensée et de la culture. Il continue de jouer un rôle crucial dans la transmission du savoir et la préservation de l’identité culturelle.