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L’illusion du self-care : Capitalisme ou véritable bien-être ?
Alors que vous parcourez des vidéos courtes sur TikTok ou Instagram, une séquence attire votre attention : une jeune femme svelte partage les détails de sa journée, depuis le réveil et le rangement du lit, en passant par le lavage du visage et des dents, jusqu’à l’utilisation d’une multitude de produits de soin pour la peau et les cheveux.
Nous la suivons ensuite dans sa cuisine, où elle prépare un petit-déjeuner sain à partir d’ingrédients bio, qu’elle savoure avec une tasse de café du matin (qu’elle pourrait remplacer par du matcha ou du thé vert au nom d’un mode de vie sain) sous une bougie parfumée aux baies, malgré la lumière du jour éclatante !
La culture du self-care
Cette vidéo n’est qu’un exemple parmi des millions d’autres clips, articles, livres et podcasts qui célèbrent le concept de self-care, promue comme un refuge qui vous permet de vous enfermer dans votre bulle sécurisante, tandis que le monde extérieur brûle dans ses tragédies. L’important, c’est que vous alliez bien ; votre bonheur et votre confort passent avant tout.
Selon le psychologue clinicien Max von Sablier, la pratique du self-care peut effectivement être bénéfique sur le plan scientifique. Face à une menace ou un danger, le cerveau libère du cortisol et crée des voies pour le flux de substances chimiques, garantissant ainsi que le corps puisse réagir plus rapidement face à la douleur ou au danger imminent.
Le double visage du self-care
Le self-care est devenu une industrie florissante qui vend l’illusion du bonheur et du confort à travers des produits de consommation et des modes de vie qui offrent aux individus un sentiment de satisfaction immédiate. Pourtant, cela peut aussi renforcer leur sentiment d’isolement et les détourner du véritable sens du self-care, qui devrait aller au-delà des niveaux superficiels pour devenir un acte de résistance.
Il est ironique de noter que le self-care a été, à l’origine, un acte politique de résistance, mais qu’il a été récupéré par le capitalisme pour devenir un outil de consommation qui soutient les systèmes en place.
Le self-care à travers l’histoire et la philosophie
Le dictionnaire Oxford définit le self-care comme « l’exercice des actions nécessaires pour s’occuper de soi-même et obtenir de l’aide pour ne pas tomber malade ». L’Organisation mondiale de la santé le définit comme la capacité des individus, des familles et des communautés à promouvoir la santé, à la maintenir, à prévenir les maladies et à gérer la maladie avec ou sans le soutien d’un professionnel de la santé.
Historiquement, les pratiques de self-care remontent à l’aube de la civilisation humaine. Par exemple, dans l’Égypte ancienne, des fresques de temples et des papyrus montrent comment les pharaons prenaient soin d’eux à travers des activités comme le massage des pieds pour soulager la fatigue.
Le capitalisme et la commercialisation du bien-être
Le concept de self-care a évolué pour devenir une industrie de 6 trillions de dollars, prévue pour atteindre près de 9 trillions d’ici 2028. Il englobe des services et des produits destinés à améliorer la santé et la qualité de vie dans divers aspects, y compris les salles de sport et les produits alimentaires sains, tous perçus comme bénéfiques.
Cependant, cette perspective cache une réalité plus sombre, où le self-care est souvent utilisé comme un moyen de promouvoir des produits axés sur le profit, créant ainsi une pression supplémentaire sur les individus qui se sentent obligés de suivre cette tendance consumériste.
Les implications sociales du self-care
Le self-care est souvent présenté comme une solution individuelle aux problèmes de santé mentale, ignorant les inégalités structurelles qui privent certaines personnes de leurs droits fondamentaux à des soins adéquats. Le discours dominant laisse entendre que les individus doivent assumer la responsabilité de leur bien-être, détournant ainsi l’attention de l’inefficacité des systèmes de santé.
À travers cette approche, les individus se retrouvent isolés et déconnectés des luttes collectives, alors que le self-care devrait être un acte de solidarité et de résistance, en mettant l’accent sur le soutien mutuel et la communauté.
Le piège de l’isolement
La culture du self-care, bien qu’elle puisse offrir des bénéfices temporaires, peut également créer un sentiment d’isolement. En promouvant une vision individualiste du bien-être, elle néglige l’importance des relations sociales et des engagements communautaires, qui sont essentiels pour un véritable épanouissement.
Dans les sociétés occidentales, le self-care est souvent associé à une quête de bonheur personnel, alors que dans de nombreuses cultures orientales, il est perçu comme une responsabilité collective, où le bien-être individuel est étroitement lié à la santé et à l’harmonie de la communauté.
Conclusion : Vers une redéfinition du self-care
Il est crucial de redéfinir le concept de self-care pour qu’il ne soit pas simplement un outil de consommation, mais un véritable acte de résistance et de soin. Cela implique de reconnaître les défis structurels et de promouvoir des pratiques qui soutiennent à la fois l’individu et la communauté.
Le self-care ne devrait pas se limiter à l’achat de produits coûteux, ni être considéré comme un moyen d’augmenter la productivité. Il s’agit d’un engagement envers soi-même et envers les autres, d’un effort quotidien pour naviguer dans un monde qui tente de nous maintenir sous contrôle.