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Elle peut surprendre, voire sembler étrange lorsqu’on croise quelqu’un en plein monologue. Pourtant, se parler à voix haute est une pratique tout à fait normale, appelée discours privé, par opposition au discours silencieux que l’on entretient dans sa tête.
« Ce langage intérieur qui devient extérieur est étudié depuis longtemps, notamment par le psychopédagogue russe Lev Vygotski dans les années 1930 », explique la psychologue Agnès Florin. Se parler à soi-même est même considéré comme un signe d’intelligence, comme l’ont démontré plusieurs études. La linguiste Stéphanie Smadja souligne que peu d’adultes s’autorisent à tenir de longs monologues intérieurs à voix haute, contrairement aux enfants qui le font fréquemment.
Un tabou social persiste encore, certains associant ce comportement à la folie ou à la sénilité. Pourtant, les recherches montrent que se parler à voix haute remplit des fonctions positives similaires au discours intérieur, mais avec une efficacité amplifiée, comme si une énergie différente s’en dégageait. Voici cinq bienfaits surprenants de ce dialogue avec soi-même.
1. S’encourager
Avant un événement important — un match, une réunion ou un défi — il est naturel de vouloir se motiver par des encouragements à voix haute : « Allez ! Tu vas y arriver. »
Pour la professeure Agnès Florin, cette pratique procure une stimulation supplémentaire, une forme d’autopersuasion. Stéphanie Smadja insiste sur l’importance de choisir des mots positifs, car beaucoup se livrent à l’autocritique dans leurs dialogues intérieurs. Elle rappelle que « parler à quelqu’un, c’est agir sur cette personne », et que cela fonctionne de la même manière quand on s’adresse à soi-même.
2. Apprendre et mémoriser
Le fait de parler à voix haute joue un rôle essentiel dans les processus cognitifs liés à la lecture et à l’écriture. Agnès Florin explique que, chez l’enfant, lire à voix haute permet de contrôler ce qui est lu en associant visuel et auditif. Cela sert de soutien dans un apprentissage souvent difficile.
À l’âge adulte, on accompagne souvent certaines tâches par la parole pour se rassurer. Par ailleurs, plusieurs études montrent que se parler à voix haute facilite la mémorisation. Cette pratique participe aussi à la construction de la mémoire autobiographique à long terme en aidant à forger une représentation claire de soi et de son identité, souligne Stéphanie Smadja.
3. Gérer ses émotions
Dans des situations stressantes — embouteillage, accident, mauvaise nouvelle — il devient parfois impossible de contenir ses émotions, qu’il s’agisse de colère, tristesse ou joie.
« La décharge émotionnelle est sans doute la plus universelle. Il y a un besoin urgent d’extérioriser pour ne pas imploser », explique Stéphanie Smadja.
Agnès Florin complète : l’humain a besoin d’exprimer à voix haute ses émotions et sentiments lorsqu’ils deviennent intenses, surtout en l’absence d’un interlocuteur. Cela aide à mettre les choses au clair et à organiser ses émotions pour retrouver un équilibre.
4. Prendre du recul
Après un moment difficile, se parler à voix haute permet de verbaliser ses émotions mais aussi d’accompagner sa réflexion. Agnès Florin note que cette pratique agit comme un régulateur de nos comportements et de notre bien-être.
Elle aide à calmer l’anxiété, relativiser, et éviter la rumination en permettant d’évaluer la situation dans sa globalité et de faire émerger des solutions. Cette approche favorise également l’estime de soi. Il est donc bénéfique de ne pas hésiter à se dire des phrases comme « tu as bien fait » ou « je m’en suis bien sorti ».
5. Se concentrer
Parler à voix haute aide à se focaliser en verbalisant, découpant et planifiant son action. Selon Agnès Florin, cette méthode améliore notablement l’efficacité dans la réalisation de tâches complexes.
Des études, notamment à l’université de Bangor au Pays de Galles, montrent que les performances s’améliorent considérablement lorsque l’on verbalise ses actions. Chez les basketteurs, ce dialogue intérieur à voix haute augmente rapidité et précision des gestes.
Une autre recherche américaine menée par Gary Lupyan et Daniel Swingley révèle que prononcer plusieurs fois le nom d’un objet facilite sa localisation, car cela active sa visualisation. N’hésitez donc pas à dire « où sont mes clés » quand vous les cherchez !